braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

mardi 23 août 2016

MASSACRES DANS L'ALN : REPONSE A MAARFIA

L'article ci-dessous a été écrit en réponse à un texte de Mohamed Maarfia paru dans "Le soir d'Algérie" et repris par le journal en ligne, "Le quotidien d'Algérie".



Le texte de Mohamed Maarfia (cf lien ci-dessous) appelle quelques commentaires :


1)Lorsque l'autoproclamée base de l'est s'est attaquée au barrage, cela a coûté 700 morts en une semaine, nous dit Maarfia. Cette organisation -"la base de l'est"- était hors-la-loi ; elle n'était pas reconnue par le CCE et Abane avait la ferme l'intention de la liquider. Il n'en eut pas le temps. Or, quand le barrage électrifié (dit "ligne Morris") en était à ses tout débuts, le chef autoproclamé de la soi-disant base de l'est, Amara Laskri dit Bouglez (parce que son père s'occupait de la source dite de "boue et de glaise"), aurait pu mettre en œuvre une stratégie de harcèlement des détachements de l'armée coloniale chargés de l'érection de la ligne électrifiée, ce qui aurait retardé, au minimum, les travaux; il aurait pu interdire, à tout le moins, à la population locale de travailler au barrage. Mais A. Bouglez, doté d'un sens stratégique hors du commun, non seulement ne fit rien contre la ligne de mort naissante, mais encore encouragea la population à travailler pour l'entreprise de pose et d'électrification du barrage mortifère. Pourquoi ? Parce qu'en travaillant les gens gagneraient de l'argent et pourraient payer l'ichtirak (l'impôt révolutionnaire), ce qui augmenterait les revenus de l'ALN-FLN et lui permettrait d'acheter des armes. Plaisanterie ? Allez voir du côté de "Histoire intérieure du Fln" de Gilbert Meynier (qui ne plaisante pas et qui est un ami de l'Algérie). Amara Bouglez ? Moukh (cerveau puissant), on vous dit.


2)Maarfia nous dit que l'égorgeur en chef de la wilaya III, le commandant Ahcène Mahiouz, était un espion de l'Abwehr (services secrets de la Wermacht allemande) retourné par le 2ème Bureau français. C'était donc un agent français qui officiait au plus près d'Amirouche puisqu'il était l'un de ses adjoints. On ne comprend plus dès lors pourquoi les services français auraient eu besoin de mobiliser tous leurs experts pour dresser le profil (jusqu'à convoquer la psychanalyse, dit Maarfia!) du chef kabyle, alors qu'ils avaient une source idéalement placée pour cela. Il y a comme une inconséquence dans le raisonnement de l'auteur. Et, comme l'égorgeur était encore en poste dans l'appareil central du Fln jusque dans les années 70 (où il s'occupait de logistique et de carburant!), on peut légitimement s'étonner encore plus.


Est-ce que l'explication ne serait pas plus simple qui se situerait au niveau de la haine de ceux que Abane appelait les "gardiens de chèvres portant une arme" et que Boukharrouba nommait "el qazdir", à l'endroit des lettrés et des intellectuels ? Dire que l'égorgeur était un espion permet de disculper, en quelque sorte, les "purs moudjahidines" d'avoir jamais commis pareilles monstruosités et de laver ainsi leur honneur. Certes, quand 'Amirouche a convoqué de son propre chef les responsables de wilayas (Oued-Askeur, 1958), pour les inciter à poursuivre chez eux l'oeuvre de mort qu'il avait accomplie dans la sienne, il s'est heurté au refus de la 2 (Lamine Khène) et de la 4 (Mhamed Bouguerra). Mais la 6, déjà convaincue, poursuivra ses purges contre les prétendus messalistes dont elle fit grande consommation. (Quand El Haouès disparaîtra, son adjoint, le purificateur Tayeb Djoghlali, sera promptement massacré par ses propres hommes). Et la 1 a prêté une oreille complaisante, son chef (Hadj Lakhdar) voyant là l'occasion de régler quelques comptes personnels. Quant à la 5, elle n'avait pas jugé utile de se déplacer. Lamine Khène et M'hamed Bouguerra ne crurent certainement pas un mot de ce qui leur apparaissait sûrement être le délire paranoïaque d'un chef cruel et sans états d'âme quand il s'agit d'une vie humaine. Hélas, quelque temps après et sans doute sous l'influence de ses adjoints, Bouguerra tournera casaque. La wilaya 4 se trouvera, elle aussi, engagée dans l'entreprise de mort qui visait les nombreux lettrés qui avaient déserté les bancs des lycées et des universités pour rejoindre les maquis. Plus même : après l'affaire "Si Salah" et l'arrivée de Mohamed Djillali Bounaama à la tête de la W.4, les purges sanglantes vont redoubler à un point tel que Boukharrouba lui-même (c'est dire !) s'en émut. Bounaama, qui avait "marché" avec Salah Mohamed Zaamoum (et l'avait même accompagné à l'Elysée) puis s'était retourné contre lui (sans doute lorsqu'il vit que les autres wilayas ne les suivaient pas), voulait donner des gages en se faisant le champion de la lutte contre "les traîtres".


Donc, l'explication du véritable massacre des lettrés et intellectuels dans les wilayas par la théorie de Maarfia, ne tient pas debout. Encore une fois, l'explication est beaucoup plus simple qui ressortit à la méfiance viscérale des seigneurs de la guerre envers les lettrés qui affluaient en nombre et qui seraient devenus, à terme, de sérieux concurrents aux postes de responsabilité.


Maintenant, il n'est pas impossible que l'assassin -Hacène Mahiouz- des quelque 2000 jeunes gens et jeunes femmes (Abdennour Ali-Yahia avance le chiffre de 2812 alors que 'Amirouche, dans un rapport qui ne parviendra pas au GPRA, en reconnaît 488) qui ont rejoint l'ALN en wilaya III, ait été une taupe des services français. Dans ce cas, il faudrait dire depuis quand on le savait, qui le savait, et sur la base de quelles preuves et/ou témoignages. 


3) De même, les longs développements sur le choix de Amirouche de passer par le sud (afin de rejoindre la Tunisie où il voulait se rendre pour demander des comptes au GPRA) : pourquoi ce choix alors qu'il était infiniment plus simple et moins risqué de passer par le nord ? La réponse du bon sens est immédiate : parce qu'il n'avait confiance ni en les gens de la wilaya II (télécommandée par Bentobbal) ni -encore moins- en ceux de la I (où il était venu mettre de l'ordre après la mort de Mostfa Benboulaïd, moyennant quelques cadavres, et où il savait qu'il n'était pas en odeur de sainteté). Comme de son côté El-Haouès avait refroidi pas mal de viande messaliste (en réalité des pauvres bougres qui ne savaient plus qui était avec qui, puisque lui-même, El-Haouès, était un messaliste pur jus), il ne fallait pas être grand clerc pour prévoir que le premier paysan dont on aura égorgé le fils ou jeté les frère sur le barbelé électrifié, les donnerait à l'armée française. C'est le prix à payer quand on exerce son pouvoir sur la population par la violence faute d'avoir su le faire en établissant son hégémonie.


Du reste, cela n'est nullement en contradiction avec la possibilité que les deux chefs (mais également Lotfi) aient été donnés par leurs frères, les 3 B (Belkacem-Bentobbal-Boussouf). 


[Sur ce point, sujet de polémiques récurrentes, cf l'article du blog : "REGARDE LES COLONELS TOMBER".]



 http://lequotidienalgerie.org/2011/12/07/amirouche-et-si-el-haoues-pourquoi-boumediene-a-sequestre-les-depouilles/#comment-42474

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