braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

jeudi 21 mai 2015

LE MAQUIGNONNAGE BENDJEDID/FIS : SI LE BTS M'ETAIT CONTE...


La traversée des Portes de fer
La chaîne de télévision qatarie "El Jazeera" vient de diffuser, dans le cadre de sa série "Chahidoun 'ala el 'asr" -Témoin du temps-, un entretien avec Ahmed Taleb, ancien ministre algérien (de l'Éducation, de la Culture, des AE...). Ce dernier révéla qu'en janvier 1992 -après le premier tour des funestes élections législatives-, il reçut plusieurs fois la visite de Abdelkader Hachani, principal dirigeant du FIS qui lui demanda de faire parvenir au président Bendjedid le message suivant : 1) le FIS se contentera des 187 voix obtenus au premier tour des élections; 2) il demandera à ses militants de faire campagne et de voter, au second tour, pour les candidats du FLN ; 3) il ne briguera pas le poste de Premier ministre -pour lequel il proposera Hocine Aït-Ahmed ; 4) il se contentera de trois portefeuilles ministériels : l'Éducation, la Justice et les Affaires sociales.


A. Taleb, qui n'avait plus, dit-il, l'oreille du président, chargea le beau-frère de ce dernier (Abdelhamid Mehri) de la mission. Trois ou quatre jours après, Bendjedid était démis par le collège des prétoriens (qui venaient justement de tenir un conclave secret, comme à leur habitude quand la situation est chaude).


Ces révélations corroborent ce que les observateurs les plus perspicaces avaient subodoré à l'époque des faits : la réalité du marché conclu entre l'armée et le FIS en vertu duquel la société serait livrée pieds et poings liés à ce dernier pour qu'il lui fasse faire une remontée dans le temps propre à la décérébrer définitivement. Tout le projet du FIS est, en effet, contenu dans cette modeste -en apparence- revendication : 3 ministères. Mais quels ministères ! L'Éducation pour plonger l'enfance et la jeunesse dans l'abrutissement religieux ; la Justice pour appliquer la chari'a ; les Affaires sociales pour l'assistanat caritatif. Économie ? Production ? Environnement ? Développement technologique et scientifique ? Les pieux salafs n'avaient pas besoin de toutes ces choses compliquées pour vivre, allons !



La monstruosité d'un tel marché de larrons, passé dans le dos de la société civile, a de quoi révolter. Et que des hommes cultivés et civilisés comme le docteur Taleb et A. Mehri se fissent les entremetteurs des salafistes ignares et de leur projet insensé est encore plus révoltant. (Ici même, nous avions rapporté l'information suivante : une cellule du FIS démantelée par la police comprenait dix médecins et un servant de salle ; c'est ce dernier qui était le chef de la cellule.) La soumission servile des intellectuels et lettrés devant la plèbe et l'ochlocratie (du FLN ou du FIS) a fait des ravages, empêchant, entre autres, le pays d'intérioriser la nécessité de la division sociale du travail.

[Chez nous, en effet, tout le monde s'estime compétent pour occuper n'importe quel poste. Mohamed Harbi faisait très justement remarquer que la société algérienne était devenue une société de parvenus : des présidents quasi analphabètes, des professeurs d'université qui n'ont pas fait d'études, des PDG, des préfets, etc. qui ne doivent leur poste qu'à leur appartenance au clan, tout cela a fait oublier aux gens ce qu'il en coûte d'efforts et de sacrifices terribles pour parvenir- dans un pays "normal"- à ce niveau de responsabilité.]


C'est dire si le mal est profond. Quoi qu'il en soit, l'armée était prête à vendre à vil prix la société algérienne à des barbares. Qu'en disent donc les thuriféraires de l'armée, ceux qui n'arrêtent pas d'encenser "notre glorieuse ANP, digne héritière de l'ALN" ?  



Sauf que le pacte satanique en question a été sabordé par des militaires, direz-vous. En effet. Et précisément par un quarteron de généraux issus du cadre français (Lamari, Nezzar, Touati, L. Belkheir...), épaulés par une partie de la SM (Médiène, Smaïl Lamari) et avec l'aide discrète de la France. Pour la clarté des choses, il faut avoir le courage de relever, ici, que les protagonistes de ce maquignonnage entre le FIS et l'armée -Bendjedid, 'Abassi, Hamrouche, Mehri, Taleb, Hachani, puis Zéroual (qui rendit visite à 'Abassi et Belhadj dans leur prison de Blida, puis les fit transférer dans la résidence princière de Djnène el mithak), Betchine, Derradji...- était une affaire entre gens tous issus de l'est du pays. 

Cette remarque provoquera de l'urticaire chez certains, des dénégations indignées chez les hypocrites qui font semblant d'ignorer que le tribalisme régionaliste a perverti depuis longtemps -depuis toujours, en fait- la pratique politique des Algériens. (Dans le Majliss echoura du FIS, combien y avait-il de membres issus de l'ouest ? Un seul dont le 1er Ministre, S.A. Ghozali entreprit avec succès de récupérer l'entourage oranais; ce qui ne fut possible que parce qu'il a dû leur représenter ce qu'était la nature régionaliste réelle du FIS). Et Hachani lui-même -lui que l'on donne comme le cerveau du FIS et dont l'oncle était colonel de la SM- n'a-t-il pas organisé le congrès du FIS à Batna ? La lourde symbolique du choix du lieu n'échappe à personne.



Dans les livres de géographie d'antan, il était question d'une Algérie orientale et d'une Algérie occidentale, séparées par une dorsale appelée les Bibans -en arabe bibane el hdid, les Portes de fer. Deux défilés étroits séparaient l'Algérie orientale de l'Algérie centrale en sorte que le passage de l'une à l'autre n'était possible que contre paiement d'un droit aux tribus gardiennes. Les Turcs s'en acquittaient pour passer à l'est et le maréchal Vallée, en compagnie du duc d'Orléans, franchit les Portes de fer en 1839, en violation du traité qui reconnaissait à l'émir Abdelkader la pleine souveraineté sur l'Algérie occidentale et centrale. Ce forfait ne fut possible que grâce  à l'entremise du bachagha El Moqrani qui persuada les tribus gardiennes des défilés de laisser passer la colonne française. C'est ainsi que l'émir ne put faire, comme il en avait le projet, jonction avec l'est du pays.

Cette trahison historique, le bachagha  El Moqrani en paiera le prix fort -très fort- quand les Français se retourneront contre lui. (Lors de la grande révolte des Kanaks, son frère Boumezrag, banni en Nouvelle Calédonie, passera lui aussi aux Français et participera à la répression des insurgés autochtones).


Au demeurant, la réalité des deux Algéries était déjà présente dans l'antiquité, au temps des royaumes numides : le royaume massaessyle de Syphax couvrait toute l'Algérie occidentale et centrale ; celui, massyle de Massinissa, l'est algérien. Et quand Syphax passa alliance avec Carthage pour contrebalancer la puissance romaine, Massinissa passa, lui, à Rome. S'il avait rejoint l'alliance carthaginoise, peut-être que la face du monde méditerranéen en aurait été changée...



Il appartiendra à la colonisation française d'unifier l'Algérie et de lui donner ses frontières actuelles. La guerre d'indépendance (pour la libération, on repassera), avec ses planqués d'Oujda et de Ghardimaou, réactivera le tribalisme régionaliste et la persistance d'une Algérie coupée en deux qui se présente encore devant nous sous les espèces du BTS (Batna-Tébessa-Souk-Ahras) et du NTM (Nédroma-Tlemcen-Msirda).


P.S. Qu'en dit le FFS dont le chef est proposé comme Premier ministre par Hachani ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire