braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

samedi 14 décembre 2013

BTS V/S NTM : ATTENTION 2 TRAINS PEUVENT EN CACHER UN 3°



Que passe-t-il donc en Algérie ? À un niveau apparent, celui des phénomènes, rien de nouveau sous le soleil. Un vieillard handicapé et aphasique continue apparemment de présider aux destinées d'un pays déboussolé et atone, pays que n'a réveillé que la qualification à la coupe du monde de la sélection nationale de football qui fit une vingtaine de morts et des centaines de blessés : bilan honteux du défoulement généralisé que peut produire une confrontation sportive dans un pays enfermé dans ses frustrations.

Au plan politique, on peut relever, tout de même, trois faits qui ne manquent pas de signification, à la veille de la désignation du prochain Président de la république.

Il y a d'abord cette tournée du soi-disant Premier ministre qui arpente le pays en faisant pleuvoir des dinars démonétisés sur certaines provinces qui sont, comme par hasard, celles où le pouvoir des Zouis (zaouyates, confréries religieuses) reste fort et celles du NTM (Nédroma, Tlemcen, Msirda), c'est-à-dire celles du clan dit de l'ouest algérien (qui est plus sûrement celui des « Marocains », issu de l'armée des frontières). Provinces réputées favorables au candidat (non encore déclaré) Bouteflika.

Il y a, d'autre part, les déclarations des porte-voix de 'Ali Benflis qui claironnent, urbi et orbi, que les comités de soutien au futur candidat (non encore déclaré) Benflis couvrent pratiquement tout le pays. Les porte-voix croient que personne n'a remarqué qu'ils ont commencé par citer les comités des villes de l'ouest du pays, histoire qu'on ne prenne pas leur candidat pour un régionaliste du BTS (Batna, Tébessa, Souk-Ahras, clan de l'est de l'Algérie), assoiffé de vengeance. Sans blague ! Mais ces porte-voix -prenant les gens pour des perdreaux de l'année- ne craignent pas de saluer le soutien à leur candidat de Liamine Zéroual soi-même, le ci-devant Dey ! Si Zéroual ce n'est pas le BTS, alors qu'est-ce que le BTS ?

Il y a, enfin, l'étrange déclaration de candidature de l'ex-commandant de l'ANP (et/ou de la SM ?) et « concepteur de la lutte antiterroriste dans l'Oranie » (c'est lui qui le dit dans l'exposé des motifs de sa candidature), Mohamed Mouleshoul alias « Yasmina Khadra ». À y regarder de près, cependant, cet acte n'est pas si étrange qu'il a semblé aux commentateurs superficiels et paresseux qui n'ont de cesse de se lamenter sur le mode : « Que diable un écrivain va-t-il faire dans cette galère ? ». L'homme, il suffisait de lire sa déclaration, se présentait pourtant comme soldat et sauveur de l'Algérie. (Rien que ça ! Mais Mouleshoul est connu pour sa modestie légendaire.) Façon de dire qu'il a autant -sinon plus- de légitimité que d'autres prétendants. Suivez mon regard.

Nous assistons en vérité aux manœuvres d'approche avant l'engagement final, c'est-à-dire la désignation du Dey par l'Odjaq, le conseil de la milice des Janissaires. Il s'agit de jauger l'adversaire, de supputer ses chances de succès, et surtout, de tenir la piétaille en dehors de ce qui n'est pas son affaire, en lui rendant les enjeux illisibles et en surdramatisant les situations pour la terroriser. Bref, on en est encore à la phase où l'on tire à blanc. (De toute façon, s'il faut en découdre, on le fera par personnes interposées, comme durant la décennie 90. Les maîtres du jeu ne sont pas si stupides pour risquer de perdre tout leur pactole. Le partager, oui ; le jouer à quitte ou double, non.)

Mais qui joue et à quoi ? 
Les moins courageux diront : c'est le système qui tente de se réformer. Sans blague ! 
Les moyennement courageux répondront : ce sont les décideurs qui sont en désaccord entre eux. Ce qui ne mange pas de pain et fait avancer l'analyse autant que d'ajouter de la sauce blanche au cerveau pour le booster
Ceux qui ont passé l'âge de se payer de mots trancheront : c'est la SM qui balance entre ses trois visages. 

Comme toute chose vivante, la SM est soi-même, son contraire et la synthèse des deux. Disons pour faire simple que la SM est le NTM, son contraire, le BTS, ainsi que la synthèse des deux qui n'est ni simplement BTS ni simplement NTM mais qui les contient et les dépasse en même temps. Ce qui peut être dit autrement : depuis la mort de Boukharrouba, la SM s'est choisie BTS puis NTM. Aujourd'hui, elle sait que rejouer l'une ou l'autre partition à l'identique est très dangereux. Quoi faire alors ?

C'est là que prend son sens véritable la candidature de Mouleshoul. L'officier possède le bon code génétique : il est fils d'un djoundi de la wilaya 5, patrie nominale de la SM. Il a fait ses classes et a servi à l'ouest. Il est originaire des confins de Béchar, des Dhoui Mni' de Kénadsa précisément, donc du sud. Et si l'on veut bien se souvenir que ce sud donne des sueurs froides à la SM qui s'aperçoit que la région qui fait vivre son système de prédation (El khatfa ! El khatfa !) et l'Algérie, ploie et gémit sous le poids du chômage de ses fils, risquant de devenir la proie des forces centrifuges et masse de manœuvre des tentatives extérieures de faire exploser le pays, alors on comprend bien l'intérêt de la candidature de Mouleshoul.

Au candidat du BTS (Benflis), fils de chahid et avocat civilisé, elle opposera un fils de moudjahid et écrivain patenté. Au candidat NTM (Bouteflika), vieillard fourbu et mutique, elle opposera un homme dans la force de l'âge en faisant valoir dans un chuchotement à l'oreille du vieux :  « Il est des nôtres. On peut lui faire confiance ! ». Et à la piétaille, la SM pourra dire : « NTM, moi ? BTS, moi ? On se moque de vous ! ». Quant aux prétendus analystes et autres "politologues" qui glosent sans répit sur la réduction des pouvoirs du DRS (=SM) par un président décidé à aller jusqu'au bout pour édifier l'état de droit (comme si Bouteflika, pur produit du makhzen à la marocaine, pouvait vouloir ce qu'il ne peut même pas se représenter), à ceux-là, donc, la SM fait une nique ricanante dans la mesure où ce qu'ils disent l'arrange prodigieusement. 



2 commentaires:

  1. A la différence que cette fois-ci l’Odjak, son Dey, sa milice et son makhzen sont aux ordres du lieutenant Alfred d’Aubignosc et de Joseph Vantini dit Youssef. Fait curieux, personne n’a signalé quoi que ce soit du côté de sidi Fredj, rien, pas la moindre felouque, pas même une petite détonation ne serait-ce que pour effrayer les oiseaux.
    Depuis que le clan des FASCITE (français, anglo-saxons, canadiens, italiens, turques et espagnols) contrôle les puits, les réserves de change et le commerce extérieur, les zouaves, les spahis et les tirailleurs, le bâtiment et les travaux publics, la presse, les partis et les zaouïas, tout est clos depuis sidi Evian. La S.M, un label pour toutes ces guildes ?

    RépondreSupprimer
  2. Salut ZO;

    En effet, il n'y a pas à craindre un nouveau débarquement à Sidi-Fredj (mais on peut toujours rester l'arme au pied, à scruter le désert des Tartares, comme le lieutenant Drogo) puisque le général Youssouf et le lieutenant-colonel d'Aubignosc sont à demeure depuis le départ de la caravane, en leur qualité de « truchements » (tordjman) inspirant l'itinéraire à suivre aux chameliers frustes et ignares qui conduisent le troupeau. Mais à qui la faute si les truchements se sont enkystés dans l'Odjaq même ? La SM se présente elle-même comme le « loubb » du système politique algérien, son cœur battant, sa vérité, sa réalité. Elle s'est subsumée tous les autres appareils d'état (les empêchant par là-même de devenir des institutions pérennes, c'est-à-dire fonctionnant de manière relativement autonome). Son futur est dès lors prévisible : elle mourra d'indigestion (comme disait Napoléon à propos des grands empires, tous « condamnés à mourir d'indigestion »). Auparavant, elle aura contribué à ensauvager le pays en rendant impossible l'exercice même de la politique.

    RépondreSupprimer