braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

jeudi 11 juin 2015

LE CONCERT DES HYPOCRITES


Le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major des armées, le général-major Gaïd-Salah, a envoyé un message de soutien à l'actuel secrétaire général du FLN, à l'occasion de la tenue du congrès de ce parti. Saadani (le SG) a été réélu et a ainsi terrassé ses adversaires. Il n'en fallait pas pas plus pour que s'élève un concert de protestations et de lamentations de la part des soi-disant partis, ceux qui sont tolérés à bâfrer à la mangeoire :

- le RCD, qui a servi le pouvoir militaro-policier en lui permettant de faire éclater le FFS ainsi que de faire disparaître le MCB (mouvement culturel berbère).
-Le parti virtuel de Benflis, Talai'ou el hourriyat, les avant-gardes des libertés ! Ça ne s'invente pas bien que ce titre ronflant ne soit qu'un faux-nez du BTS.
-Le parti trotzkyste (le trotzkysme mène décidément à tout, y compris au néo-conservatisme) dit des travailleurs qui a pour fonction -à lui assignée par le pouvoir- d'occuper le créneau "ouvrier" laissé vacant par la disparition du PAGS.
-Ainsi que bien d'autres "partis" dont on serait bien en peine d'identifier les dirigeants -sans même parler du programme.

Et tout ce monde crie à l'unisson que, par son message de soutien, le chef d'état-major de l'ANP a contrevenu à une règle essentielle qui est que l'armée n'a pas à se mêler de politique. Au Costa-Rica, certes oui, pour la bonne raison que ce pays n'a pas d'armée (puisqu'il l'a supprimée, sage décision). Mais en Algérie ? Qui détient le pouvoir sinon l'armée et son bras politique et policier qu'est la SM ? Ce que le dernier des Algériens sait empiriquement -parce qu'il touche du doigt, pour ainsi dire, la réalité et l'identité de ceux qui ont le pouvoir véritable-, les politiques ne le sauraient pas ? Allons ! Ces politiciens jouent en vérité une partition qui a été écrite pour eux par d'autres qu'eux et ils n'ont pas d'autre choix que de faire semblant d'y croire pour être crédibles à leurs propres yeux :

-faire semblant de croire que l'Algérie est une république pluraliste, et non pas une mazra'a (hacienda), propriété privée de l'Odjaq (Dar Es-Soltane, si on préfère la référence ottomane).
- Faire semblant de croire que l'armée est une institution neutre et non un appareil répressif d'état qui fonctionne au profit exclusif du clan qui a réussi à s'imposer.
-Faire semblant de croire qu'ils sont LA représentation nationale alors qu'ils ne sont, en tant qu'idiots utiles de l'Odjaq, détenteurs d'aucun pouvoir.

Pourtant, personne ne rappelle un fait inouï qui s'est passé il n'y a guère : la volée de bois vert assénée par le SG du FLN au dieu de l'Algérie, le chef de la SM soi-même, Mohamed Médiène Tewfik. C'était juste après l'attaque du centre gazier de Tiguentourine. Médiène avait été dépouillé de sa toute-puissance par la dévolution de ses attributions léonines à une sorte de conseil supérieur de l'armée dans le même temps où ses principaux adjoints étaient limogés. (Mhenna Djebbar, Bachir Sahraoui Tartag, Rachid Laalali, Abdelkader Aït Ourabi Hassen ; ce dernier a même été arrêté sous des chefs d'inculpation très graves -entre autres pour "constitution de bande armée". En clair, constitution de faux maquis islamiste.)

Ce nettoyage avait été analysé comme un rééquilibrage au profit de l'armée face à une SM devenue toute puissante. Dès lors, le message adressé à Saadani par le chef d'état-major trouve sa signification dans la volonté réaffirmée de continuer le travail de réduction à quia de Médiène. En toute logique, le chef militaire renvoie l'ascenseur au chef nominal du FLN qui avait si bien éreinté le chef espion. Le tout fait évidemment partie du travail de préparation que mène le Dey pour s'assurer une succession à sa main, ce qui suppose affaiblir au maximum la SM.

Mais direz-vous, pourquoi ce qu'un mortel doué de raison peut subodorer, les politiciens algériens ne le voient pas ? Tout bonnement parce que le simple mortel n'est pas à plat-ventre devant l'armée et la SM, alors que le politic(h)ien l'est.


Disons-le autrement : l'armée et la SM constituent l'impensé du discours politicien algérien. Impensé veut dire ce qui ne se pose pas comme problématique tellement il paraît naturel, allant de soi. Et la tâche centrale du discours idéologique de tout pouvoir est justement de présenter comme naturelle la domination : le capitalisme est éternel parce que naturel ; en Algérie, le pouvoir de l'armée est naturel parce que le pays lui appartient puisqu'elle l'a délivré du colonialisme. Autant de mensonges qu'une intelligentsia véritable s'attacherait à démonter. Mais en connaissez-vous beaucoup des intellectuels algériens qui ne sacrifient pas au culte de "notre glorieuse armée, digne héritière de l'ALN"?

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