braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

mercredi 19 décembre 2012

UNE AFFAIRE DE BOOMERANG







Des milliers de gardes communaux marchant sur Alger ont été refoulés par les brigades anti-émeutes au terme d'affrontements violents qui ont fait un mort parmi les marcheurs.

Dès 1993, au commencement de ce que nous appelons ici « la guerre des lâches », des groupes dits les « jeunes Algériens libres » opéraient déjà, enlevant, exécutant des Islamistes. La vox populi en attribuait la paternité à Larbi Belkheir. Puis vint le temps de l'Organisation de sauvegarde de la république algérienne (OSRA... Tiens, tiens ! Cela ne vous rappelle rien ? Osra en arabe = famille). Enfin, arriva le temps des véritables milices, agissant au grand jour comme forces supplétives. La garde communale fut créée en 1994. C'est sous l'impulsion de la SM et de la hiérarchie de l'armée que cette milice a vu le jour. Pour mémoire : le premier groupe de civils qui a pris les armes contre les Islamistes djihadistes était dénommé « Les Patriotes » ; il activait près de Boufarik, dans le domaine Bouchaoui, et était constitué d'anciens militants locaux du PAGS. Ces militants communistes étaient menacés de mort par les djihadistes de 'Antar Zouabri (futur chef du GIA) qui sévissaient dans la Mitidja. Aujourd'hui, les preuves et les témoignages s'accumulent, montrant que Zouabri était manipulé par la SM. Laquelle SM a poussé à la constitution du groupe des « Patriotes » et l'a armé. Autrement dit « odhrob qoulla b'qoulla » -faire s'entrechoquer deux cruches pour qu'elles se fracassent ensemble-, le classique des classiques des "services".

Pour le recrutement des miliciens, les services de la SM et de l'armée ont exploité à fond le registre de l'appartenance à ce qu'ils ont dénommé « la Famille révolutionnaire ». Que faut-il exactement entendre par cette notion qui a fait florès depuis ? Est-ce à dire que le cœur de cible des services a été les familles des anciens combattants de la guerre d'indépendance ? Pour une part, sans doute ; seulement voilà : les anciens combattants et leurs ayants-droit, gorgés de prébendes et d'avantages, ne sont pas les plus malheureux des Algériens et ils ne sont pas suicidaires, encore moins dépourvus de jugeote, pour risquer leur vie et leur fortune dans une guerre trouble où personne ne sait qui est réellement qui. Beaucoup de ces familles, par ailleurs, finançaient le Front Islamique du Salut en subreptice, lequel FIS avait pris soin de choisir ses plus hauts dirigeants dans le milieu des anciens combattants et de leurs ayants-droit justement : Abassi Madani, le n° 1 du FIS en était un et Ali Benhadj, le n° 2, était fils de chahid (martyr de la guerre d'indépendance). Cela, les services le savaient mieux que personne.

De même qu'ils savaient que les élections municipales remportées par le FIS avec l'appui du gouvernement Hamrouche avaient été un signal clair pour les Algériens : les gouvernants étaient en train de larguer le FLN pour un nouveau-futur parti unique, le FIS. Les mouches sont en train de changer d'âne, dépêchons-nous d'occuper les places, a dû penser une large majorité d'Algériens (avec l'humour meurtrier qui nous caractérise). Si donc beaucoup d'Algériens étaient passés au FIS (y compris, et d'abord, une masse de militants FLN qui serviront à l'encadrement des troupes dudit FIS), le message subliminal que contenait le slogan de la « famille révolutionnaire » voulait dire : Ne vous trompez pas de monture. Ce qui vous mènera à bon port, c'est l'attelage SM+Armée. Des oreilles attentives captèrent le message qu'elles décodèrent : On nous ouvre les portes du saint des saints du pouvoir ! À nous la puissance et la gloire ! (Sans oublier la richesse).

Et c'est ainsi qu'ils furent 200 000 miliciens à servir de chair à canon et, surtout, -hélas- à contribuer à la réussite du plan diabolique visant à diviser les Algériens et à les renvoyer aux formes primitives de la vendetta tribale. Car il faut bien comprendre ce que veut dire que lever des milices. C'est, d'abord, privatiser les activités de police et de justice -qui sont les attributs régaliens de l'État ; ce qui signifie clairement que créer des milices, c'est affaiblir consciemment le concept de l'État. C'est, ensuite, ouvrir la voie aux règlements de comptes et au cycle sans fin des vengeances qui prennent inévitablement un caractère de masse dans des sociétés encore largement tribalisées. (Rappelons ce fait horrible : mille morts en une nuit à Remka, wilaya de Relizane).

Dans l'Algérie livrée à la terreur et aux exactions des années 90, très peu de voix dénoncèrent ce véritable crime contre l'État et contre la nation qu'est la constitution de milices : pour se défendre d'une sédition armée qui le visait, le pouvoir siloviki n'a pas hésité à la détourner contre le peuple, provoquant ainsi ce qu'il faut bien appeler une guerre civile. Cela dit, les choses paraissaient aller de soi dans un pays biberonné au mythe de la lutte armée et de l'action directe : après tout, le FIS n'avait-il pas pris les armes contre l'État ? Et l'État n'avait-il pas le droit de se défendre par tous moyens ? Non. Un État digne de ce nom se défend par les moyens de droit. Le FIS, n'ayant aucune culture de l'État, a pris les armes pour s'emparer d'un pouvoir ; lequel pouvoir est entre les mains d'hommes armés qui n'ont eux-mêmes aucun intérêt à construire un État ; bien au contraire, ils ont tout fait pour empêcher justement que s'édifie un État de droit. La boucle est bouclée : le FIS a singé le FLN de guerre ; en face, la SM et l'ANP ont singé l'armée française avec son Cinquième bureau et ses supplétifs, agissant hors des procédures de l'État de droit. Ce que le FLN d'aujourd'hui, cinquante après, condamne en exigeant un acte de repentance. Mais lui-même et le pouvoir armé qui se tient derrière son sigle ne feront rien pour reconnaître qu'ils ont agi exactement comme l'armée française durant la guerre d'indépendance. Ce qui promet pour le futur !

Les miliciens qui manifestent aujourd'hui et qui goûtent du bâton des brigades anti-émeutes mettent le pouvoir très mal à l'aise ; en témoigne la cacophonie qui s'est ensuivie au niveau du gouvernement. Le pourquoi de ce malaise réside dans la simple lecture du cahier de doléances des miliciens. Ils ne réclament rien moins que les avantages consentis aux membres du cercle restreint qui préside au destin de ce pays. Mais y consentir équivaudrait pour le pouvoir à accepter que le cercle s'élargisse, mettant à mal les équilibres fragiles qui le maintiennent en place. 

lundi 3 décembre 2012

IL FAUT LES RAMENER AU MOYEN ÂGE !



"Il faut les ramener au Moyen âge" : ce sont là les buts de guerre affichés et claironnés face au monde civilisé par l'état sioniste paria et son coolie yankee quand ils s'attaquent aux Arabes. Le Liban, l'Irak, Gaza, la Cisjordanie à l'époque d'Arafat, la Syrie (la ville de Kuneitra dans le Golan), l'Egypte à l'époque de l'occupation du Sinaï... portent tous témoignage de cette haine pathologique à l'égard des Arabes. Celle-ci s'est encore exprimée à l'occasion de la dernière agression contre le plus grand camp de concentration à ciel ouvert du monde : Gaza. 

Le ministre de l'Intérieur de l'état paria a (encore) demandé de ramener Gaza au Moyen Âge. De la société d'apartheid (qu'un humoriste juif franco-marocain avait qualifiée sans honte de "société équilibrée") s'est élevé un appel pour "infliger un holocauste à Gaza". Le journal sioniste "Jerusalem Post" a publié un article où le fils du boucher Sharon (à père avare, fils prodigue, dit l'adage) suggère qu'il faut aplatir Gaza comme les Américains l'avaient fait pour le Japon en aplatissant Hiroshima et Nagazaki.

Tant de haine a de quoi plonger l'honnête homme dans la sidération. Qu'ont donc fait les Arabes pour mériter ce torrent d'abomination homicide ? Ont-ils pogromisé les Juifs dans le passé, comme les Européens s'en étaient fait une spécialité ? Ont-ils colonisé et islamisé de force des continents entiers pour que les habitants de ces derniers veuillent prendre leur revanche sur eux ? Ont-ils imposé l'usure et "le calcul glacé de l'argent" comme étalon de toute chose et base des relations humaines ? Non. La réponse à la question est ailleurs. Et c'est le courageux Gilad Atzmon qui nous la donne. Ecoutons-le : 

"Gilad Sharon, le fils d’Ariel Sharon, a écrit dans le Jerusalem Post qu’Israël devait « aplatir l’ensemble de la bande de Gaza ».

« Il ne devrait pas y avoir pas d’électricité dans la bande de Gaza, pas d’essence ou de véhicules en mouvement, rien. Alors, ils demanderaient vraiment un cessez-le-feu », écrit-il. « Nous avons besoin d’aplatir des quartiers entiers de la bande de Gaza. Aplatir tout Gaza. Les Américains ne sont pas limité à Hiroshima – les Japonais ne capitulaient pas assez vite, ils ont donc aussi frappé Nagasaki. »

Beaucoup d’israéliens et même certains sionistes sont « indignés », mais la vérité doit être dite : l’opinion de Sharon est pleinement compatible avec le sionisme, la pensée israélienne et certains aspects de la culture juive.

Par exemple, l’appel de Sharon est pleinement compatible avec certains passages dévastateurs de l’Ancien Testament :

« Mais vous poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous par l’épée. Cinq d’entre vous en poursuivront cent, et cent d’entre vous en poursuivront dix mille, et vos ennemis tomberont devant vous par l’épée. » Lévitique, 26.7-8

« Quand l’Éternel ton Dieu t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, qu’il aura ôté de devant toi beaucoup de nations... tu les voueras à l’interdit ; tu ne traiteras point alliance avec elles, et tu ne leur feras point grâce. » Deutéronome 7.1-2

« Ne laisse pas âme qui vive. Tu dois les détruire complètement ... comme le Seigneur ton Dieu te l’a commandé...  » Deutéronome 20.16

Donc, à la fois comme son vrai père et ses ancêtres spirituels, le jeune Sharon veut détruire les habitants de Gaza, il veut les réduire eux et leur civilisation en poussière – pensées malheureusement ancrées dans l’Ancien Testament. Bien que les Juifs religieux qui suivent le Talmud plutôt que la Torah puissent être critiques envers les interprétations littérales du livre sacré, Gilad Sharon est un israélien laïc, qui, pourtant, suit ici l’interprétation la plus banale et littérale du texte biblique.

Sharon est également en accord avec la philosophie de l’ultra-sioniste Vladimir Jabotinsky dans son article « The Iron Wall (We and the Arabs), 1937 ». Jabotinsky croyait en l’érection d’un « mur de fer » que la population indigène (arabe) ne pourrait pas franchir. Certains diront qu’en 1948, le mur de fer de Jabotinsky, est devenu la colonne vertébrale du pragmatisme politique israélien, et bien que largement effectuée par ses ennemis politiques, la Nakba pourrait être considérée comme la matérialisation de l’idéologie de Jabotinsky.

L’opinion de Sharon est également semblable à celle exprimée cette semaine par le vice-Premier ministre d’Israël, Eli Yishai, qui a prétendu : « Nous devons ramener la bande de Gaza vers le Moyen Âge en détruisant toutes les infrastructures, y compris les routes et l’eau.  »

Le jeune Sharon est clairement un diseur de vérité. Il nous offre un aperçu authentique de la psychose meurtrière israélienne, et le message à en tirer est évident. Il est maintenant temps d’admettre que nous ne pouvons pas saisir la psychose collective israélienne et sa fascination pour la violence et la mort sans une compréhension profonde de la culture juive, de la suprématie juive ainsi que du tribalisme juif.

Pour des raisons évidentes, certains Juifs et même quelques Palestiniens ne veulent pas s’engager dans cette voie et insistent pour que l’on évite toute critique de la judaïté de «  l’État juif ». Cette philosophie en faillite serait presque drôle si elle n’était pas si tragique – entrer dans le détail des causes profondes de la barbarie sioniste est désormais une obligation élémentaire humaniste.

Je pense que nous avons atteint le point de non-retour. Nous devons maintenant examiner de façon critique la politique juive, le lobbying juif, et les crimes israéliens dans le contexte de la culture juive. Une telle approche peut sauver le monde et espérons-le, peut également sauver de nombreux juifs des chaînes de leur propre patrimoine.
G.A.

vendredi 16 novembre 2012

LA GUERRE D’ALGERIE, UNE GUERRE COMME LES AUTRES ?





PROGRAMME DÉVELOPPÉ


6-7 décembre 2012

Colloque international organisé par Catherine Brun en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, l’Institut du Monde Arabe ; l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 / CNRS (EAC 4400)


Comité scientifique :
Etienne Balibar, Catherine Brun, Jeanyves Guérin, Régine Robin, Todd Shepard, Benjamin Stora, François Zabbal



Parce que la guerre d’Algérie n’a été officiellement reconnue telle que tardivement, en 1999, elle est souvent appelée, encore aujourd’hui, la « guerre sans nom ». En France, on en fait l’emblème d’un consensus du silence, des tabous de l’histoire, du refoulé de la pensée, de la création, de la mémoire. Et pourtant, bien avant le « saut quantitatif » impulsé dans les années 1990 par l’ouverture partielle des archives publiques de la guerre et, à partir des années 2000, les premiers travaux systématiques sur les pratiques de torture en Algérie, les productions de tous ordres sur le sujet sont massives. Davantage que d’un déficit de désignation, cette guerre semble avoir souffert de l’abondance de ses appellations concurrentes. En outre, sa perception a été brouillée par la réminiscence d’autres conflits, dont les représentations sont venues se télescoper à ses réalités propres ou, en aval, par son instrumentalisation au profit de nouveaux affrontements. 
C’est à interroger la catégorisation de ce conflit qu’il s’agira de s’atteler, pour mieux démêler l’écheveau de ses représentations historiques, littéraires, philosophiques, et médiatiques. 
Deux axes seront retenus. Le premier, diachronique, invitera à s’interroger sur la manière dont les représentations de cette « guerre » entrent en résonance avec d’autres conflits, passés (guerre de Sécession, deuxième guerre mondiale, Indochine) ou à venir (Vietnam, conflits dans les territoires occupés palestiniens, guérillas latino-américaines). Quelle(s) transmission(s) ? Quelle(s) solution(s) de continuité ? Quelles ombres portées par ces autres guerres sur la « guerre d’Algérie » et, réciproquement, quelles disséminations de la guerre d’Algérie ?
Le second, synchronique, s’attachera, toujours à partir des représentations, à repenser la pertinence de la désignation « guerre d’Algérie » en regard d’autres : « maintien de l’ordre », « opérations de pacification », « opérations de police », « révolution », « guerre d’indépendance », « guerre de libération », « guerre de décolonisation », « djihad », « guérilla », « guerre en Algérie », guerre du renseignement, ou encore « événements ». Il s’agira de contextualiser ces options verbales, d’en saisir les implications et les attendus, sans négliger de penser ce que ces variations-distorsions, cosmétiques ou autoritaires, font à la langue.



Journée I : D’une guerre à l’autre
Institut du Monde Arabe, 
1 rue des Fossés Saint-Bernard, Paris 5e
Salle du Haut Conseil, au 9e étage 

Matinée

9h-9h15 : Ouverture du colloque par Mona Khazindar, directrice générale de l’IMA, et par Carle Bonafous-Murat, Vice-Président du Conseil scientifique de la Sorbonne nouvelle 
9h15-9h30 : Présentation du colloque par Catherine Brun

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Présidence : Todd Shepard

9h30-10h : Nils Andersson (Éditeur)
Fondateur de La Cité-Éditeur à Lausanne, il a pendant la guerre d´Algérie, en étroite relation avec Jérôme Lindon aux Éditions de Minuit et François Maspero, réédité après leur saisie en France La Question de Henri Alleg et La Gangrène et publié d´autres documents, notamment Les Disparus, La Pacification, Le Temps de la justice, tous également interdits. Co-président de l´Association pour la défense du droit international humanitaire, il a contribué à plusieurs ouvrages sur le système des relations internationales.

Ressentis d'une guerre non déclarée.
L’intervention portera sur la spécificité de l’insurrection algérienne par rapport à d’autres guerres de libération. A partir du moment où l'Algérie n’était plus considérée comme française, mais algérienne, la guerre ne pouvait, compte tenu des polarisations, que devenir triangulaire. J’examinerai brièvement les perceptions contradictoires : s’agissait-il d’une « révolution algérienne », d’une guerre de libération, d’un conflit complexe anti-algérien, entre Français ?


10h-10h30 : Philippe Mesnard (PR Littérature UBP Clermont-Ferrand2 / CELIS)

Double mémoire, mémoire plurielle entre nazisme, génocide des Juifs et guerre d’Algérie
Il s’agit d’interroger la coexistence (convergence et/ou divergence) de la conscience du génocide des Juifs, de la guerre d’Algérie et des mémoires et traditions politiques de la résistance chez les intellectuels français durant les années 1950 et 1960 ; on s’efforcera d’inscrire ce panorama dans le paysage européen de l’époque en tenant compte des contextes italien, suisse et allemand (RFA et DDR). Dans un deuxième temps, on se concentrera sur des exemples précis d’œuvres (le nombre dépendra du temps de communication) qui se sont constituées à partir de ce dialogue entre mémoires et événements.
Ainsi, cette étude se situe entre histoire des idées (concernant un échantillon assez vaste d’intellectuels) et études littéraires et cinématographiques (des cas limités et exemplaires). Cela permettra de dégager des tendances lourdes et quelques figures d’exception. À ces deux niveaux, cela engagera, d’une part, à nuancer l’idée selon laquelle le génocide des Juifs a été occulté durant les décades d’après-guerre et, d’autre part, à souligner que la guerre d’Algérie a joué un rôle important dans la constitution de la mémoire du nazisme et du génocide des Juifs. 


10h30-11h : Désirée Schyns (MCF Littérature Haute Ecole de Gand)

Désirée Schyns a fait des études de lettres françaises à l’Université d’Utrecht et  travaillé comme journaliste et traductrice littéraire aux Pays-Bas. Aujourd’hui elle est maître de conférences en traduction français-néerlandais à la Haute Ecole de Gand en Belgique et chercheur en traductologie à l’Université de Gand. Ses recherches portent d’une part sur la traduction de textes multilingues dans un contexte postcolonial et d’autre part sur la mémoire culturelle relative à la guerre d’Algérie. Elle a écrit un livre sur la mémoire littéraire de la guerre d’Algérie dans la fiction algérienne francophone (L’Harmattan 2012). 

Une guerre peut en cacher une autre : la mémoire multidirectionnelle chez Assia Djebar, Maïssa Bey et Boualem Sansal.

Dans les représentations de la guerre chez Assia Djebar (Les nuits de Strasbourg, 1997), Maïssa Bey (Entendez-vous dans les montagnes…(2002) et Boualem Sansal (Le village de l’allemand, (2008) la guerre d’Algérie entre en résonance avec la deuxième guerre mondiale. Cette résonance est palpable dès 1965, quand Mouloud Mammeri fait parler allemand  à un officier français en pleine guerre d’Algérie dans son roman L’opium et le bâton et dès 1979, quand Yamina Mechakra, dans La grotte éclatée, relie entre eux les crimes nazis, la Grande guerre et la seconde guerre mondiale. Les écrivains francophones algériens sont des précurseurs, évoquant des transferts entre des événements que nous avons toujours considérés séparément. J’analyserai la façon dont Djebar, Bey et Sansal relient la guerre d’Algérie et la Deuxième guerre mondiale. Comment mettent-ils en scène cet entrecroisement de plusieurs guerres ? Est-ce que la Shoah joue un rôle primordial dans leur représentation ? En quoi la mémoire littéraire de la guerre d’Algérie agit-elle comme un projecteur braqué sur d’autres formes d’injustices et de violences ? La hiérarchie entre mémoires est-elle suspendue ?  Comment les différentes guerres s’éclairent-elles, ou s’agit-il au contraire d’un brouillage ?  

11h-11h30 : Discussion
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Présidence : Alain Ruscio

11h45-12h15 : Christian Olsson (Maître de conférences en science politique à l’ULB (Belgique)
Christian Olsson est Maître de conférences en science politique / relations internationales à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), rattaché au REPI/ ULB (Recherche et Enseignement en Politique internationale). Il est diplômé de l'IEP de Paris (2000) et docteur en science politique/ relations internationales de l'IEP de Paris (2009). Ses travaux portent sur la sociologie des pratiques de sécurité ainsi que sur les doctrines militaires de type contre-insurrectionnel et leur application, notamment en Afghanistan et en Irak. Il est rédacteur associé de la revue Cultures & Conflits.

Usages et mésusages de la guerre d’Algérie dans la pensée militaire contemporaine sur les guerres d’Afghanistan et d’Irak 
Que ce soit au travers du film « La bataille d’Alger » de Gillo Pontecorvo, des romans de Jean Lartéguy, des pratiques du général Bigeard ou des écrits des lieutenants-colonels Galula et Trinquier, les forces armées américaines (pour ne se limiter qu’à elles) ont développé une relation complexe à la « guerre d’Algérie » dans le contexte des guerres d’Afghanistan et d’Irak. Simultanément érigée en modèle et en contre modèle, la guerre d’Algérie a tantôt permis de refouler le Vietnam Syndrome toujours renaissant, tantôt de souligner – à la faveur d’une lecture passant les conséquences politiques de la bataille d’Alger sous silence – l’actualité supposée des écrits de Trinquier. Enfin, la relecture critique de la guerre d’Alger a parfois permis aux chefs militaires américains de dénoncer la torture comme pratique contre-productive. Ainsi, nous essaierons de montrer que si le parallèle entre la guerre d’Algérie d’une part, celles de l’après-2001 d’autre part, se justifie, c’est moins du fait des caractéristiques objectives de ces conflits que du fait des débats doctrinaux qu’ils ont suscité au sein des forces armées respectivement françaises et américaines. Ces derniers sont en effet à maints égards comparables en dépit des décennies qui les séparent.

12h15-12h30 : Discussion



Après-midi
Présidence : Jeanyves Guérin

14h30 – 15h : Alain Ruscio (historien, Dr d'État, directeur du Centre d’information et de documentation sur le Vietnam contemporain)
Alain Ruscio, historien, Dr ès Lettres, a consacré l’essentiel de son travail de recherche, dans un premier  temps, à l’Indochine coloniale et à la phase finale de cette histoire, la guerre dite française d’Indochine (1945-1954). Depuis quelques années, il a orienté ses recherches vers une histoire comparative, étudiant les autres colonies françaises. Il a notamment porté ses travaux sur ce qu’il est convenu d’appeler le « regard colonial » (Le Credo de l'homme blanc, Éd. Complexe, 2002).  Il s’honore d´avoir eu comme préfaciers à certains de ses ouvrages Madeleine Reberioux, Raymond Aubrac et Albert Memmi. Dernier ouvrage paru, en collaboration avec Rosa Moussaoui, L’Humanité censuré. Un quotidien dans le guerre d’Algérie, Éd. Le Cherche-Midi, 2012. 

Face aux guerres coloniales, de l’Indochine à l’Algérie : parcours de Mauriac, Sartre et Camus.
En novembre 1954, quand commence le conflit algérien, les grands noms de l’intelligentsia française ont été à même d’observer dans les années précédentes un autre conflit de même type, avec, certes, ses particularités - et, le cas échéant, de prendre parti : la guerre d’Indochine. Camus, Mauriac, plus encore Sartre, bien d’autres encore, ont émis des opinions. Dans quelle mesure ce premier conflit de la « décolonisation tragique » a-t-il façonné les esprits, préparé les engagements de la période de la guerre d’Algérie ? On soulignera les permanences, mais aussi les évolutions, voire les ruptures, entre 1945 et 1962.  


15h – 15h30 : Emilie Roche (MCF en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)
Emilie Roche est Maitre de conférences en sciences de l’information et de la communication au sein de l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle. 
Elle a travaillé, pour sa thèse notamment, sur les représentations médiatiques de la violence et de la torture pendant la guerre d’Algérie. 
Ses travaux portent également et plus largement sur l’histoire de la presse écrite et plus spécifiquement sur les news magazines (l’Express, Le Nouvel Observateur).
Elle a notamment publié un ouvrage sur La presse en France depuis 1945, chez ellipses et a collaboré à l’ouvrage collectif dirigé par C. Blandin Le Figaro, histoire d’un journal (« Le Figaro en guerre d’Algérie »).

Indochine, Algérie, Vietnam : intertextualité des discours de presse sur les violences et les tortures. 
La guerre d’Algérie, en France, et la guerre du Vietnam, aux Etats-Unis, font l’objet de discours médiatiques sur les violences et les tortures perpétrées contre les groupes armés engagés dans les conflits et les populations civiles. L’étude de ces discours dans la presse hebdomadaire d’information française et américaine montre des similitudes quant aux présupposés et aux prismes d’interprétation mobilisés pour représenter la guerre et dénoncer les violences et les tortures. Dès lors, au regard de ces deux guerres de décolonisation, quelle(s) intertextualité(s) des guerres d’Algérie et du Vietnam dans la presse française et américaine ? A partir d’un corpus réunissant les principaux hebdomadaires d’information Newsweek, Time, Le Nouvel Observateur et L’Express nous proposerons une analyse socio-discursive des discours engagés contre ces deux guerres.

15h30 – 16h : Discussion
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Présidence : François Zabbal (Rédacteur en chef de Qantara)
16h15 – 16h45 : Abderrahmane  Moussaoui (Pr Université Lyon 2)

D’une guerre l'autre, Une violente mémoire
Dans l’historiographie officielle, aussi bien que dans l’imaginaire collectif des Algériens, certains aspects de la guerre de libération sont sur mémorisés, alors que beaucoup d’autres relèvent d’un oubli largement partagé. Cependant, pour tous les Algériens, la guerre de libération nationale, fondement premier de leur être ensemble, demeure un lieu de mémoire privilégié ; le lieu où se confirme le mieux cette assertion de E. Renan, « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et que tous aient oublié bien des choses ». 
La mémoire de la guerre, de « la révolution » telle qu’on la désigne ici, relève de l’imaginaire collectif parce qu’elle ne constitue pas un capital symbolique exclusivement entre les mains des représentants du pouvoir. Ces derniers ne sont pas les seuls à s’autoriser de la guerre de libération comme source de légitimation ; leurs opposants le revendiquent également.  
Lors des affrontements sanglants qui avaient opposé le régime à son opposition islamiste, les représentants du pouvoir se pensaient comme les légitimes défenseurs d’une Algérie arrachée à la colonisation. Les membres des groupes armés sont dénoncés comme fils de harkis. C’est à la même guerre  que se réfèrent les groupes islamistes armés qui se posent comme les redresseurs de torts causés aux martyrs en trahissant leur idéal. Derrière la guerre réelle, une autre guerre … symbolique faisait rage. 

16h45-17h15 : Christiane Chaulet-Achour (Pr. de Littérature Comparée et Francophone, Université de Cergy-Pontoise)

Christiane Chaulet Achour, née à Alger en 1946, y a vécu et travaillé comme enseignante à l’Université d’Alger de 1967 à 1994. Elle est actuellement professeur de Littérature comparée et francophone à l'Université de Cergy-Pontoise. Spécialiste de la liaison enseignement du français et écriture littéraire, de l’intervention linguistique en situation coloniale puis post-coloniale, elle a publié de nombreuses études sur la littérature algérienne dont elle est une des spécialistes. Dès son  Anthologie de la littérature algérienne de langue française [co-édition Bordas-ENAP, 1990], elle sonde les rapports de la Littérature à l’Histoire, en privilégiant la guerre de libération nationale. Elle a coordonné avec Pierre-Louis Fort les Actes du colloque de Cergy-Pontoise sur l'année 1962 (à paraître chez Karthala en 2013).

Guerre de libération nationale et « deuxième » guerre en Algérie des années 1990 : guerres en miroir ?
On comparera trois fictions (Les Amants désunis d’Anouar Benmalek, Albin Michel, 1998 ; Rose d’abîme d’Aïssa Khelladi, Le Seuil, 1998 ; Les amants de Shéhérazade de Salima Ghezali, éd. de l’Aube, 1999) qui, comme le discours médiatique dominant, établissent un parallèle entre la guerre de libération nationale et la guerre civile des années 1990. Les convergences établies et les différences soulignées seront examinées pour comprendre la fonction de ces assimilations dans les discours tenus sur l'Algérie de la post-indépendance.

17h15 – 17h45 : Zaïneb Ben Lagha (MCF en littérature arabe moderne et contemporaine, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

Le livre de l'émir de Waciny Laredj ou l’altérité en contexte de guerre coloniale.
Dans son roman Le Livre de l´émir, Waciny Laredj revisite la guerre d’Algérie mais aussi, à travers elle, la figure de l’émir Abdelkader, dans un contexte très particulier, celui d’une autre guerre, celle contre le terrorisme menée au nom du choc des civilisations qui véhicule une vision essentialiste de l’Autre. Waciny Laredj recompose, à partir de sources diverses, le personnage de l´émir Abdelkader s’intéressant non pas tant à la figure du guerrier qui constitue l’image emblématique de l’émir, mais plutôt à un aspect moins connu du personnage, ses rapports avec les Français et tout particulièrement avec l’un d´entre eux, Monseigneur Dupuch, l´évêque d’Alger. A travers cette rencontre entre ces deux figures et l’amitié à laquelle elle va donner progressivement naissance, c’est la question de la représentation de l´Autre en contexte de guerre coloniale qui est posée.  

17h45 – 18h15 : Discussion

18h30 – Paul Thibaud (ancien directeur de Vérité-Liberté et d’Esprit)
L’intrication franco-algérienne et ses effets négatifs



Journée II : Les mots pour la dire
Matinée

9h20 : Ouverture des travaux par Denis Bruckmann, directeur des Collections de la BnF.

Présidence : Emilie Roche

9h30 – 9h45 : Frédéric Manfrin (chef du service Histoire de la BnF, département Philosophie, histoire, sciences de l’homme) : « Les tracts de la guerre d’Algérie dans la collection de recueils de la BnF »
9h45 – 10h : Philippe Mezzasalma (chef du service Presse, département Droit, économie, politique) : « La presse en Algérie de 1945 à l’indépendance au travers des collections de la BnF »

10h - 10h30 : Régine Robin (Historienne et Pr. de sociologie à l’Université de Québec), Francine Mazière (Pr de linguistique, Laboratoire d’Histoire des Théories Linguistiques, Paris 13, Paris 7/CNRS) 

Régine Robin est à la fois universitaire, traductrice et romancière. Après une carrière universitaire en France, jusqu’à la thèse d'État en histoire, elle devient professeur au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal. Pionnière en analyse du discours, elle mène depuis vingt ans des recherches sur les identités, la langue et la littérature, l’écriture migrante, les cultures de l’entre-deux guerres, la culture yiddish, les problèmes de la mémoire collective, les usages et mésusages  du passé ainsi que sur les musées. Elle a obtenu le Prix du Gouverneur général au Canada en 1987 pour Le Réalisme socialiste : une esthétique impossible (Paris, Payot, 1986) et le Prix Jacques Rousseau de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences pour l'ensemble de son œuvre, le Prix Spirale pour Le Golem de l’écriture en 1999 et le grand prix du livre de Montréal, pour Berlin Chantiers en 2001.  Elle est membre de la Société Royale du Canada.

La première analyse de discours sur l’Algérie : la thèse de Denise Maldidier (1969).
La thèse de Denise Maldidier, « Analyse linguistique du vocabulaire politique de la guerre d’Algérie d’après six quotidiens parisiens », a été soutenue à Paris X-Nanterre en 1969. Elle n’a jamais été publiée. Or ce travail pose les bases et esquisse les directions de ce qui deviendra « l’analyse du discours du côté de l’histoire », tant en matière de corpus (la presse joue alors un rôle essentiel dans ce champ de recherche) que d’analyse d’énoncé. Et ces avancées théoriques et méthodologiques sont élaborées sur un corpus singulier, peu interrogé : « la guerre »  (mot alors peu employé), abordée comme « une crise qui engendre les tensions les plus grandes au sein de la communauté française ». Denise Maldidier propose la lecture d’une « mise en question » de la France par la lutte des Algériens. Cette thèse est aujourd’hui à lire et relire.

10h30 - 11h : Julien Hage (Post-doc en histoire, Université de Bourgogne)

Julien Hage, né en 1977, ancien élève de l´École normale Lettres-Sciences Humaines de Lyon (ENS-LSH), agrégé d'histoire, est attaché temporaire d´enseignement et de recherche à l´université de Bourgogne, spécialiste d'histoire de l'édition et de l'imprimé politique contemporains, en charge  de la réalisation des corpus numériques, co-auteur avec Alain Léger et Bruno Guichard de François Maspero et les paysages humains (La Fosse aux ours, 2009), auteur d'une thèse intitulée Feltrinelli, Maspero, Wagenbach: une nouvelle génération d'éditeurs politiques d'extrême gauche en Europe occidentale, 1955-1982, histoire comparée, histoire croisée, à paraître en 2013 aux Presses de l´École Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques, commissaire scientifique de l´exposition consacrée aux éditeurs engagés contre la guerre d'Algérie, La Plume dans la plaie (Musée du Montparnasse, mars 2012).
Réseaux éditoriaux, tribunes imprimées et circulations de textes au sein des mouvements d’opposition à la guerre d’Algérie
Lors de la guerre d’Algérie, la censure a réduit au silence la grande presse et contraint à la prudence le monde de l’édition, à l’exception de quelques maisons d’avant-garde, comme Minuit ou Maspero. Les réseaux de porteurs de valises et les groupes d’insoumis et de déserteurs ont été contraints de mettre en place clandestinement un système médiatique de liaison et de contre-information. Cette communication se propose d’envisager d’une manière globale, à travers une analyse à la fois matérielle, textuelle et symbolique, la circulation des textes, avec ses fluidités et ses hermétismes, au sein des tribunes des opposants à la guerre, et ce, sur tous les supports : livres, brochures et périodiques, de Témoignages et documents à Vérités Pour, l’organe du réseau Jeanson. Elle entend ainsi interroger les différentes déclinaisons des grands thèmes et enjeux de cette crise : la torture, l’insoumission et la désertion, la  violence et la révolution algérienne, afin de mettre en lumière les différentes options politiques et les sensibilités contrastées des acteurs et des locuteurs engagés dans cette lutte.

11h -11h30 : Discussion
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Présidence : Benjamin Stora

11h45-12h15 : Nassima Bougherara (MCF HDR en langue et civilisation allemandes, Université Stendhal/Grenoble3)

Nassima Bougherara-Gaspoz a enseigné neuf ans à l’Université d’Alger. Elle est actuellement Maître de conférences en civilisation et histoire politique de l'Allemagne à l'Université Stendhal de Grenoble. Elle a été interprète auprès de l'Ambassade d'Algérie à Berlin-Est en RDA (1974-1976) et aux Ministères de l'Industrie et des Hydrocarbures (1977-1980) à Alger.
Ses travaux portent notamment sur les rapports franco-allemands à l'épreuve de la question algérienne, à travers l’analyse d’archives diplomatiques et de corpus de presse. Elle réfléchit également aux phénomènes d’interculturalité dans l’espace germanique : traductions de l’œuvre d’Assia Djebar ou statut des travailleurs algériens en RDA.

Etudes des résonnances et des représentations politiques et médiatiques de la guerre de libération nationale dans l’espace germanique  (1954-1962)
Un corpus d’archives politiques et diplomatiques allemandes et françaises offrira matière à l’analyse de discours. On y circonscrira l’emploi de concepts récurrents et de réseaux d’oppositions ou de substitutions qui révèlent des mentalités et des représentations de la guerre et de la nation. On étudiera les catégories de qualificatifs qui constituent une
constellation autour de la figure du nationaliste algérien, leurs synonymes, leurs dérivés et leurs dénominateurs communs. On analysera  plus particulièrement les représentations qui intègrent et figent le sens de la catégorie fonctionnelle de « l’ennemi » - catégorie propre à toute guerre – dans une perspective comparatiste.


12h15 – 12h45 : Gabriel Périès (Politiste, HDR, Directeur du Département Langues et Sciences Humaines de TELECOM Évry)

Les représentations de la guerre d’Algérie en Amérique latine : entre la revendication révolutionnaire et les pratiques anti-subversives (1959-1983)
Les représentations  de la guerre d’Algérie dans le discours de la gauche révolutionnaire latino-américaine ainsi que dans le discours des doctrines militaires contre-insurrectionnelles pendant la même période (1959-1990). Il s’agira de voir comment se déterminent les formes discursives et normatives de légitimation de la violence politique et sociale (représentation du couple ami/ennemi, formes d’organisation de la guerre, structures des champs politico-militaires, discours de  l’exceptionnalité, transferts de connaissance et de représentation des conflits et du politique  entre secteurs militaires à l'échelle  internationale par rapport au continent sud-américain pendant la  guerre froide, l’expérience  des peuples vietnamien et algérien comme modèle révolutionnaires / contre-révolutionnaires) etc.


12h45 - 13h : Discussion
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Après-midi

Présidence : Abderrahmane Moussaoui

14h30 – 15h : Pierre Vermeren (Pr Paris I - UMR 8054 - Centre d’étude des mondes africains)
Professeur à Paris 1 en histoire du maghreb contemporain depuis la rentrée 2012, après 6 ans passsés à Paris 1 comme maitre de conférences. Membre du laboratoire Centre d'études des mondes africains (CEMAF), Pierre Vermeren a habité 8 ans au Nord de l'Afrique, dont 7 ans au Maroc. Il a soutenu un Doctorat sous la direction de René Gallissot à Paris 8 sur la formation des élites marocaines et tunisiennes (2000), puis une HDR sous la direction de Nadine Picaudou à Paris 1 en 2010, consacrée à l'historiographie française du Maghreb post-colonial. Depuis quelques années, il a participé à plusieurs jurys de thèses consacrées à la guerre d'Algérie, et encadre des travaux de masters etde doctorats consacrés à l'histoire du Maghreb cotemporain.
Nommer la guerre d’Algérie et ses combattants : essai d’interprétation à partir des discours et des termes en usage au Maghreb.
Pour la majorité des Français qui ont soutenu et accompagné le FLN dans sa lutte pour l’indépendance (période de la guerre d’Algérie), la « révolution algérienne » est une lutte qui se situe dans une triple filiation politique et idéologique : la révolution française (lutte pour l’égalité et la liberté), la guerre d’indépendance américaine (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) et la lutte anti-impérialiste (anticolonialisme en temps de guerre froide). Tout cela est vrai. Mais ce que la langue française n’a pas perçu, ou trop rarement, c’est la dimension religieuse islamique de ce conflit. De ce point de vue, les termes de « martyr » et de « mudjahid » sont sans ambiguités, tout au moins en arabe. Il est intéressant de revenir aux termes et aux discours en usage à l’époque pour soulever cet angle mort de l’anti-impérialisme en terre d’islam.

15h - 15h30 : Daniel Lançon (PR Littérature française et francophone, Université Grenoble 3) 
Professeur de littératures française et francophones à l’Université Stendhal-Grenoble 3, Daniel Lançon est directeur scientifique des ELLUG (Éditions Littéraires et Linguistiques de l’Université de Grenoble). Il est également co-fondateur du séminaire « Orientalismes » à l’ENS-Ulm, mensuel depuis janvier 2008.
Ses travaux portent sur les francophonies orientales, la poésie française moderne et contemporaine, la littérature des voyages, les orientalismes littéraires.
Il a récemment co-dirigé des ouvrages sur Yves Bonnefoy (Yves Bonnefoy, poésie, recherche et savoirs, Hermann, 2007) ; Edmond Jabès (Edmond Jabès : l’éclosion des énigmes, Presses Universitaires de Vincennes, 2007) ; les littératures en français (L’Ailleurs depuis le romantisme : essais sur les littératures en français, Hermann, 2009) ; les Perspectives européennes des études littéraires francophones (actes du colloque international de Grenoble, Honoré Champion, sous presse). 
Il prépare pour 2013 un essai biographique sur Bonnefoy (Yves Bonnefoy : histoire des œuvres et naissance de l’auteur. Des origines aux Poèmes (1923-1980), chez Hermann) et une anthologie Voyage au Sinaï, (1700-1914), chez Geuthner.
Il a également écrit sur Assia Djebar (« L’invention de l’auteur : Assia Djebar entre 1957 et 1969 ou l’Orient second en français », dans le collectif Assia Djebar, littérature et transmission, publié aux Presses de la Sorbonne Nouvelle en 2010) et la revue Esprit (« 1962 : l’Algérie de la revue Esprit » dans le collectif 1962.Algérie-France, mémoires partagées, à paraître chez Karthala).

« Usages de langue dans les écrits religieux de la "guerre" d'Algérie »
(corpus) : une dizaine de récits personnels et journaux, publiés rétrospectivement mais rédigés pendant la période 1954-1962 par des prêtres, des séminaristes, des hommes de foi, catholiques, protestants, d'origine ou convertis : (esquisse de problématique) : conscience (ou non) d’un « djihad » par ces appelés ou pieds-noirs, contradictions du discours universaliste de la religion face aux réalités d'un conflit à qualifier, à nommer.

15h30 – 16h : Jeanyves Guérin (PR Littérature, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

Jeanyves Guérin est professeur de littérature française du vingtième siècle à Paris 3 et directeur de l'école doctorale de littérature française et comparée. Ses recherches portent sur le théâtre français  du vingtième siècle, sur les écrivains journalistes (Camus, Mauriac) et sur la littérature engagée (Camus, Sartre, Malraux). Il  a notamment publié Camus. Portrait de l'artiste en citoyen (François Bourin, 1993), Albert Camus. Littérature et politique (Honoré Champion, 2013). Il  a dirigé plusieurs dictionnaires, parmi lesquels le Dictionnaire des pièces françaises du vingtième siècle (Honoré Champion, 2005), Dictionnaire Albert Camus (Robert Laffont, 2009), et une dizaine d'ouvrages collectifs. Il a collaboré à la Nouvelle Revue française et à Esprit. 
1954-1957 : Écrivains et intellectuels entre hésitations et incertitudes
Entre 1954 et 1957, les gouvernements de Mendès France, Edgar Faure et Guy Mollet   défendent le maintien de la présence française en Algérie. Peu d'’ntellectuels se prononcent pour l’indépendance. Ceux qui s'expriment disent leur embarras ou esquissent des compromis que l’évolution de la situation condamne. On connaît les positions de Camus. On s’interrogera sur la façon dont Mauriac, Pierre-Henri Simon, Jules Roy, auteurs catholiques, ou encore dont Jean Daniel, analysent et mettent en perspective l’événement.

16h-16h30 : Discussion 
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Présidence : Daniel Lançon
16h45 - 17h15 : Todd Shepard (Associate Professor, Department of History, Johns Hopkins University) :

Historien à Johns Hopkins University, Todd Shepard est spécialiste de la France et de son empire colonial au XXe siècle. Il examine les interactions entre l’histoire de l’impérialisme, les institutions étatiques, et les identités nationales, raciales et sexuelles. Son premier livre, The Invention of Decolonization. The Algerian War and the Remaking of France (Cornell U.P., 2006), a été traduit en français sous le titre : 1962. Comment l’indépendance algérienne a transformé la France ; il vient d'être réedité en poche. (Payot, 2008; 2012).
Domestiquer pour réformer. Le rejet français de la référence « coloniale » pour définir le conflit
Dès novembre 1954, les autorités françaises soulignent, trouvant sur ce point un large écho dans la presse française aussi bien qu’internationale, que les événements en Algérie n’ont rien à voir avec ce qui se passe ailleurs, dans d’autres territoires coloniaux, comme dans d’autres colonies françaises. L’Algérie est exceptionnelle. Le refus du terme « colonial » pour expliquer la situation algérienne n’implique par contre pas d’admettre qu’il y ait un ou plusieurs « problèmes » algériens ; le plus important, selon une analyse proposée d’abord par le gouvernement de Pierre Mendès France et son ministre François Mitterrand, reprise ensuite pour expliquer la politique dite d’« intégration », est le racisme français dont souffrent les « Musulmans » algériens. Cette intervention propose d’analyser comment cet enchevêtrement de termes a fonctionné pendant la guerre, bien qu’il paraisse aujourd’hui incompréhensible, voire inimaginable.

17h15 - 17h45 : Catherine Brun (MCF Littérature, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3) :

Catherine Brun  est maître de Conférences à la Sorbonne nouvelle et membre de l’unité de recherche « Écritures de la modernité, Littérature et Sciences humaines ». Depuis sa thèse (1998), et parallèlement à ses travaux sur Pierre Guyotat (Pierre Guyotat, essai biographique, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005 ; Europe, mai 2009) et le théâtre du deuxième vingtième siècle (Gatti Vinaver), ses recherches portent principalement sur les rapports de la littérature et du politique. C’est ainsi que l’écriture en langue française de la guerre d’indépendance algérienne est devenue l’un de ses objets de prédilection. Commissaire, avec Olivier Penot-Lacassagne, de l’exposition “Engagements et déchirements, les intellectuels et la guerre d’Algérie”, présentée à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC), à Caen, jusqu’en octobre, elle est co-auteur du livre qui l’accompagne (IMEC/Gallimard, juin 2012). 

Distorsions verbales et mobilisations littéraires
Deux ans après que Maurice Blanchot a dénoncé, dans la prise de pouvoir par De Gaulle, une « perversion essentielle » qui transforme le pouvoir politique en puissance de salut, Bernard Dort s’insurge contre une perversion plus « sournoise » : la « perversion du vocabulaire », élevée « à la hauteur d’un instrument de gouvernement ». À ses yeux, « cette dégradation du langage » doit être perçue comme « l’un des signes de l’action dissolvante exercée par la guerre d’Algérie », et figure « au premier rang des motifs qui ont amené  intellectuels et écrivains français à manifester leur opposition inconditionnelle à la poursuite de cette guerre. » Le rappel de quelques-unes des distorsions verbales (coups de force ou auphémisations) de la période permettra d’examiner les réactions qu’elles ont suscitées chez les artistes et les intellectuels et de s’interroger sur leur apparente « frivolité ».

17h45 – 18h15 : Discussion

18h30 – 19h10 : Lectures, par Agoumi

dimanche 4 novembre 2012

COLLOQUE SUR LA GUERRE D'ALGERIE


Un message de Catherine Brun :


Chers collègues, chers amis,

Le colloque que j'organise sur la guerre d'Algérie, "La guerre d'Algérie : une guerre comme les autres ?", aura lieu à l'Institut du Monde Arabe (IMA) et à la Bibliothèque nationale de France (BnF) les 6 et 7 décembre prochains.

Des littéraires, des historiens, des linguistes, des anthropologues, des chercheurs en sciences politiques et en sciences de la communication, mais aussi des intellectuels contemporains du conflit (Nils Andersson, directeur des éditions de la Cité ; Paul Thibaud, directeur de Vérité-Liberté et, plus tard, de la revue Esprit) y interrogeront la catégorisation d'une guerre qui semble souffrir, plus que d'un déficit de désignation, de l'abondance de ses représentations concurrentes.

Pour finir en beauté, le célèbre comédien Agoumi proposera la lecture de textes de Kateb Yacine, Jean Sénac, Jean El-Mouhoub Amrouche et quelques autres...

L'entrée est libre, dans la limite des places disponibles. Venez nombreux, et n'hésitez pas à faire circuler l'information autour de vous, aussi largement que possible. Le programme joint récapitule toutes les informations utiles (lieux notamment).

Bien à vous,

Catherine Brun

Maître de conférences en littérature française / Associate professor of French literature
EA 4400  "Écritures de la modernité" conventionnée CNRS
Université de la Sorbonne nouvelle
13, rue de Santeuil ? 75005 Paris
catherine.brun@univ-paris3.fr
00 33 6 20 37 28 10 ; 00 33 9 61 48 14 21




mercredi 31 octobre 2012

OCTOBRE ROUGE SANG

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 Tres de mayo, Francisco Goya

« L'anatomie de l'homme est la clé de l'anatomie du singe » disait Karl Marx pour signifier que c'est en partant des formes développées que l'on accède à l'intelligence des formes primitives.

L'Algérie actuelle vit de l'exportation du pétrole et du gaz et de l'importation d'à peu près tout ce qu'elle consomme. Entre l'Algérie d'en haut -ceux qui dirigent le pays et leurs clients-, et l'Algérie d'en bas -ceux qui vivent d'expédients-, il n'y a pas, malgré les disparités énormes des niveaux de vie, de différence structurale au point de vue économique. En effet, la nomenklatura militaro-compradore dirigeante dispose à discrétion des revenus de la rente géologique et du bakchich faramineux qu'engendre la passation des marchés internationaux. Elle arrose son deuxième cercle, sa clientèle, en lui ouvrant un accès aux devises pour l'importation de tout et de n'importe quoi. À l'autre bout de la société, l'Algérie d'en bas, règne également le modèle de l'import : deux ou trois valises d'effets vestimentaires ramenées d'un voyage en Turquie, Thaïlande, Espagne, etc. et voilà un revenu équivalent à une année de salaire d'un fonctionnaire garanti à l'importateur. Bien entendu, ce dernier devra arroser à droite et à gauche, douaniers et policiers des frontières essentiellement. Entre les deux pôles de la société ainsi décrits, il y a les millions d'Algériens -le pays utile, le vrai- qui travaillent dans l'administration, l'agriculture, l'industrie et les services contre un salaire que l'inflation, délibérément choisie par le pouvoir politique pour acheter la paix sociale, rogne sans cesse. La frustration qu'engendre le spectacle de l'enrichissement incroyable de la partie de la société qui ne travaille pas, ne produit rien, est insupportable aux yeux de la masse qui s'échine en vain, sans pouvoir mettre un sou de côté. Alors, elle aussi s'y met : bakchich à tout va ! Pour le moindre acte de la vie ordinaire, il faut graisser des pattes de plus en plus nombreuses et de plus en plus voraces. Voilà donc l'Algérie ramenée au niveau des pays que l'on moquait pour leur généralisation du bakchich : l'Égypte et le Maroc.

La nomenklatura militaro-compradore qui tient le pays n'est pas née d'hier. Elle a fait son lit, silencieusement, dans les interstices du pouvoir boumédiéniste. Boumédiène, en effet, a, le premier, cédé à la facilité du bakchich pour écarter les possibles prétendants au pouvoir. En leur accordant des « prêts » (entre guillemets car un prêt, ça se rembourse), il croyait qu'il les lestait définitivement d'un bœuf sur la langue qui les tiendrait toujours à distance du pouvoir. Ce faisant, il témoignait d'une ignorance surprenante sur les rapports dialectiques entre l'argent et le pouvoir : le pouvoir est source d'argent et l'argent est source de pouvoir. À sa mort -qui sait si « on » ne l'a pas aidé à passer l'arme à gauche?-, la nomenklatura du régime, de militaro-policière va passer en deux temps au stade militaro-compradore. (Ce qui ne veut nullement dire qu'elle a perdu son caractère policier, non, simplement ce qui va être dominant c'est l'aspect compradore.)

Premier temps : le complot d'octobre 88. Ourdie au sein du cercle présidentiel (souvenons-nous que c'est le Président Bendjedid lui-même qui, le 18 septembre 1988 appelait le peuple à se soulever), la conjuration visait très clairement à mettre la gauche (au sens large, les partisans du socialisme, qui allait du FLN au PAGS en passant par une aile de la Sécurité militaire) sur la défensive. 850 jeunes gens (chiffre avancé par le PAGS et recueilli auprès de sources hospitalières) tomberont sous les balles de l'ANP ; des dizaines d'autres seront torturés et violés par des agents de la SM. Cette boucherie sera menée sous le commandement du général Nezzar.

Second temps : le FIS. Le complot d'octobre 88 a permis -c'est son résultat essentiel- de remettre en cause la domination et la prééminence du parti unique, le FLN, et ce par le truchement d'une constitution pluraliste. On pouvait dès lors passer à la mise en œuvre de l'arme fatale, le Front islamique du salut. La machine infernale du FIS était conçue pour fracasser le FLN ainsi que l'ensemble des institutions du pays. Un pays que l'on livrerait à la suite de cela à l'abrutissement religieux, à la Hisba (surveillance des mœurs) et que l'on ferait régresser au stade boutiquier, étant bien entendu que la nomenklatura et ses affaires resteraient en dehors du champ des prérogatives du FIS. Une tendance de la SM, manipulant l'aile plébéienne du FIS, perturba ce scénario au prix de dizaines de milliers de morts et de disparus. Pour quel résultat ? La nomenklatura militaro-compradore est solidement établie au pouvoir ; elle a cloné et récupéré les cadres du FIS et s'adonne aux délices du bakchich sans conscience du lendemain.

Voici donc le visage que présentent aujourd'hui les vainqueurs de 1954 (élimination de Messali), de 1957 (élimination de 'Abane Ramdane), de 1962 (élimination de Benkhedda et du GPRA), ceux que 'Abane appelait les « gardiens de chèvres portant une arme », ceux que Ferhat 'Abbas traitait de « gens de sac et de corde » : le visage hideux d'une nomenklatura militaro-compradore qui réalise la vérité de ce qui était déjà en creux chez ces hommes. Pour le dire autrement, le ver s'est développé parce qu'il était déjà dans le fruit, qu'il s'est nourri au fruit lui-même.

Est-ce à dire qu'il y aurait eu comme une fatalité dans l'histoire de l'Algérie durant ces six dernières décennies, que l'on ne pouvait parvenir que là où nous sommes parvenus aujourd'hui ? L'histoire met à l'agenda des hommes des possibles ; si les hommes sont entraînés vers tel possible et non vers tel autre c'est évidemment qu'il y a des raisons à cela. Si les hommes du complexe militaro-compradore ont fini par s'imposer, ils le doivent essentiellement au fait qu'ils s'inscrivaient dans la droite ligne du patriarcalisme-patrimonialisme arabe : le patriarche de la tribu commande sans partage à tous ses contribules qui lui doivent obéissance absolue et respect de tous les instants. Comment, dès lors, imaginer un état de droit, c'est-à-dire un système de répartition des pouvoirs régi par le droit abstrait, avec des hommes biberonnés à la domination fruste et violente du patriarcat primitif. Cela pour le principe explicatif général.

D'un autre côté, les gens de la nomenklatura sont pris dans une contradiction insoluble : s'ils veulent bien d'un chef, ils ne veulent pas d'un père fouettard qui mettrait des barrières à leur appétit de gain. C'est pour cela qu'ils se sont si bien accommodés, pendant 13 ans, d'un Bendjedid qui réalisait bien leur idéal de patriarche : statue du commandeur mais qui ne commande rien. Et c'est pour cela que les risques majeurs d'affrontements entre eux sont liés à l'aventure que représente la désignation d'un nouveau patriarche. Aventure, car ces gens piétinent sans vergogne les lois et les principes qu'ils ont eux-mêmes posés et, dès lors, leurs actions et intentions n'offrent aucune visibilité.

Marx disait encore que « l'histoire avance toujours par son mauvais côté ». De fait, l'Algérie aurait pu accéder à l'indépendance dans des conditions moins apocalyptiques si le pouvoir colonial avait fait droit aux revendications du Congrès musulman algérien au lieu de plier l'échine devant les 200 familles de la grosse colonisation. De même, l'Algérie aurait fait l'économie d'affrontements fratricides durant l'été 62 si l'on avait laissé jouer la légalité représentée par le GPRA. Les ambitions des parvenus (Frantz Fanon disait que chez Boumédiène, l'ambition tenait de la pathologie et qu'il finirait « par régler leur compte à tous les autres » ; géniale intuition) en ont décidé autrement. Et quand, durant l'année 1991, la voix de la sagesse recommandait d'ajourner les élections de tous les dangers pour ressouder la nation, ce fut la voie de l'affrontement qui fut choisie. Comme toujours.

Les régimes patrimonialistes arabes qui se ressemblent si bien sont en train de tomber un par un. Avant de disparaître pour l'éternité, ils auront fait le malheur de leur peuple : Saddam Hussein a mené l'Irak à la disparition ; Gueddafi a ramené la Libye aux âges farouches ; Tourabi et Béchir ont mené le Soudan à la partition, et ce n'est qu'un début ; El Assad sème la ruine et la désolation et fera éclater la Syrie en mille morceaux. Et si la Tunisie et l'Égypte s'en sortent mieux, c'est en raison de l'existence d'une société civile qui a réussi à neutraliser l'armée. L'empire du mal (l'état sioniste et son prolongement yankee) ne pouvaient rêver victimes plus débiles, plus facilitatrices.

Le régime algérien a désertifié l'espace politique par la violence policière ; il a réussi à faire détester leur pays aux Algériens (malgré le patriotisme grotesque affiché ici ou là) ; il réussira, n'en doutons pas, à mener le pays à un immense malheur.