braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

vendredi 29 juillet 2016

QUI DERRIERE LES ATTENTATS ?

Entretien avec Alain Soral – Propos recueillis par Jérôme Bourbon pour Rivarol

 Fondateur et président d’Égalité et Réconciliation depuis 2007, Alain Soral est une personnalité talentueuse, volubile et atypique qui ne mâche pas ses mots et qui dit ce qu’il pense. Que l’on partage ou non la totalité de ses prises de position et de ses analyses, il est toujours intéressant et stimulant intellectuellement de lui donner la parole. C’est pourquoi nous lui ouvrons nos colonnes pour notre numéro de l’été à un moment où l’actualité nationale et internationale est particulièrement « chaude » tout en précisant, comme on le fait pour toute interview, que ses propos n’engagent bien sûr que lui.

Rivarol : Quels commentaires vous inspire l’attentat de Nice le 14 juillet sur la Promenade des Anglais ?
Alain Soral : J’avais annoncé qu’il y aurait sans doute un nouvel attentat comparable à celui du Bataclan. J’avais même dit qu’il n’aurait pas lieu pendant l’Euro mais après et qu’il se passerait sur les plages. Or il a bien eu lieu quelques jours après l’Euro et sur la Promenade des Anglais. Certains m’ont rétorqué que ce n’était pas des plages, preuve qu’ils ne connaissent pas bien la France et sa géographie !
Il y a plusieurs lectures de cet événement : une lecture fataliste et une lecture plus complotiste... Ce qui est évident, c’est qu’il y a des gens qui ont envie que le « choc des civilisations » ait lieu. Et force est de constater que tout est fait pour qu’il fonctionne et qu’il va être de plus en plus difficile de l’empêcher. Il est évident que l’oligarchie à la tête du pays joue la carte de l’affrontement entre communautés. Dès lors, on a du mal à penser que les services, que le gouvernement travaillent efficacement pour empêcher les attentats. Je crois même que ce climat de tensions et d’insécurité, qui permet leur passage en force malgré une totale impopularité, est leur intérêt. Le Premier ministre ne s’en cache d’ailleurs pas quand il dit qu’il y aura d’autres attentats, qu’on ne peut pas les empêcher et qu’il faut apprendre à vivre avec.
La question qu’il faut toujours se poser en pareil cas, outre d’où vient l’argent ? (en l’occurrence les 100 mille euros envoyés par le kamikaze en Tunisie à sa famille quelques jours avant les faits) c’est : à qui profite le crime ? Je pense qu’Israël, auquel Valls est éternellement attaché, est l’acteur qui a le plus intérêt à ce conflit de civilisations entre musulmans et chrétiens et qu’il le promeut par tous les moyens. Et la France, malheureusement, est aujourd’hui entièrement passée sous domination israélienne, soumise à sa volonté et à son calendrier. Quand Netanyahou nous dit en substance : vous allez avoir des attentats vous aussi si vous ne soutenez pas notre politique envers les Palestiniens, nos situations sont identiques et nous avons vocation à vous guider dans la lutte, ce sont autant des prophéties que des menaces. Et tant que nos dirigeants seront entièrement inféodés à Israël : Hollande, Valls... on ne pourra lutter efficacement ni contre l’immigration ni contre le terrorisme islamique, sachant que les deux questions sont intimement liées, notamment avec le phénomène récent des migrants... En fait, on s’active un peu aujourd’hui contre Daech uniquement parce que Poutine a mis son nez dans l’affaire syrienne, oubliant que l’État français a organisé et armé toutes ces milices islamistes radicales et favorisé les migrations qui permettent aux terroristes d’entrer aujourd’hui sur le territoire national. Or je ne crois pas que nos dirigeants soient juste stupides et incompétents. Ils sont surtout soumis à une volonté et un calendrier qui les dépassent, qui font d’eux des traîtres à la nation et des criminels. Et ce calendrier c’est celui d’Israël. Israël dont les deux projets et les deux nécessités sont l’Alyah et le Grand Israël. Pousser les juifs ici à migrer en Israël et justifier là-bas leur expansion territoriale.
Alors évidemment s’il n’y avait pas de musulmans en France, il n’y aurait pas de musulmans radicaux à recruter et à manipuler, mais là aussi posons-nous les questions : pourquoi l’immigration incontrôlée depuis le regroupement familial alors qu’elle n’était plus nécessaire économiquement ? Pourquoi la volonté, au lieu d’en faire des citoyens français, d’en faire des asociaux par tout le travail de dénigrement de la France effectué par les éducateurs trotskistes : France assimilée à un pays de colons, de collabos, d’esclavagistes, de lâches, de salauds... Pourquoi, depuis 40 ans, tout a été fait pour que nous nous retrouvions dans la situation où nous sommes aujourd’hui, et qui n’était pas non plus une fatalité ?
Autre remarque : qu’on prenne Charlie, le Bataclan ou Nice, ce sont aussi trois lieux entièrement sous contrôle israélien. Vérifiez ce qu’est Estrosi, ce qu’était le Bataclan, ce qu’est Charlie depuis que Philippe Val en avait pris le contrôle... Ce crescendo correspond pour moi à un plan.

On a appris que le Tunisien qui a commis le sanglant attentat à Nice buvait de l’alcool, se droguait, ne priait pas, ne fréquentait pas la mosquée, ne faisait pas le Ramadan, n’était pas fiché S. Peut-on alors dans son cas sérieusement parler d’islam radical comme on l’entend partout ?
Quand je parle d’islam radical, je reprends l’intitulé officiel. Mais un des cadres du renseignement français nous révélait récemment que sur les cinquante plus hauts gradés de Daech aucun n’appartenait au monde de l’islam radical. Que c’était pour l’essentiel d’anciens officiers irakiens recrutés par les Américains. Et, faisant un peu l’idiot, il ajoutait que c’était incompréhensible, sans doute pour éviter d’aller au bout de son raisonnement ! En fait, à l’échelon inférieur, les soi-disant djihadistes qui se font plus ou moins sauter volontairement sont des voyous issus de l’idéologie SOS-Racisme. Des petits délinquants passés par la prison, les mains d’officiers traitants des Renseignements généraux et des services. De Merah aux frères Kouachi, c’est systématiquement le même profil : des post-adolescents instables psychologiquement et manipulables, très loin de pieux musulmans adultes. Nous sommes clairement là face à des opérations qui ressemblent à ce qu’on a vu se mettre en place aux États-Unis dès les années soixante avec Oswald. Le grand référent pour moi c’est le 11-Septembre et les Twin Towers : une opération conjointe d’Israël et de l’État profond américain en vue d’instaurer le Nouvel Ordre Mondial. Ce à quoi nous assistons en France aujourd’hui n’est que le volet français de ce calendrier. Et à mesure qu’il s’accélère, tout devient plus transparent et plus violent.

Pourquoi selon vous s’accélère-t-il ?
On voit qu’Erdogan en ce moment se rapproche de Poutine, se rendant compte sans doute que sa soumission à l’empire otanesque risque de lui valoir les mêmes désillusions et la même fin que Saddam Hussein. On voit aussi que Trump émerge aux États-Unis, alors qu’il n’était pas le candidat républicain souhaité, car c’est un isolationniste dans la tradition de Lindbergh. Gageons d’ailleurs qu’il sera bientôt traité d’antisémite comme le fut le célèbre aviateur américain. On vit également le rebond de la crise financière et bancaire de 2008 dont on n’est jamais sorti, un effondrement du système monétaire et financier piloté et causé par Wall Street.
Face à cela, mon analyse a toujours été la même : l’oligarchie mondialiste a tout intérêt à ethniciser une crise économique et sociale, à s’appuyer sur des phénomènes qui existent certes : des civilisations qui ont été longtemps en concurrence voire en conflit par le passé, mais dont l’affrontement actuel n’est en rien une fatalité quand on regarde l’histoire. L’histoire de la décolonisation notamment procédait plutôt d’un processus laïc, voire marxisant : panarabisme, nationalisme arabe... Il n’était pas fatal que l’islam radical émerge, pas plus que le Hamas ne prenne le dessus sur l’OLP. C’était même contre le sens de l’histoire si la volonté impériale américano-sioniste ne s’en était pas mêlé après l’effondrement de l’URSS et la disparition de l’utile ennemi communiste. Tout ça est artificiel, instrumentalisé, voulu. Mais face à cette volonté oligarchique impériale et ses moyens, il va être très difficile d’éviter le piège. Le piège de la guerre totale : civile et mondiale.
Par les media, tout est fait en effet pour attiser les haines et les antagonismes entre communautés : quand on montre les poupées des petits enfants morts sur la Promenade des Anglais avec tout un pathos compassionnel, sans aucune analyse de fond, le Français de base, qui subit déjà 30 ans de régression économique, auquel on a imposé une immigration dont il ne voulait pas et qui ne lui a rien apporté, hormis une perte de repères culturels, le dumping social et de la délinquance (il suffit de voir de quoi sont remplies les prisons), le Français, dis-je, arrive au bout de son acceptation de l’antiracisme et du politiquement correct. Et quand on lui parle aujourd’hui d’islam radical, il ne pense pas aux manipulations impériales de Daech, maintes fois démontrées depuis Al Qaida, mais aux jeunes des banlieues issus du Maghreb – dont l’islam n’est pas plus une pratique que le catholicisme chez nous – et sa colère légitime lui fait oublier le travailleur immigré prolétaire, le bon père de famille pieux élevé dans la droite des valeurs avec qui nous pourrions être en convergence, pour ne plus souhaiter que casser du bougnoule comme à Gaza.
Or, le Système et ceux qui le contrôlent en France ont totalement fabriqué ces voyous de banlieue par l’idéologie libérale-libertaire et l’antiracisme institutionnel. Leur modèle identitaire, c’est le ghetto américain. On a incité ces jeunes paumés à partir se battre en Syrie, on les a formés à la violence guerrière, on les a armés. Tout cela est vérifiable. On a même fait en sorte de les faire revenir alors qu’on aurait pu laisser l’armée d’Assad se charger de nous en débarrasser. Ce qui nous arrive était donc plus que prévisible, je dirais même que c’était prévu. Et il est temps d’avoir le courage de le dire : il y a des gens qui ont intérêt à ce chaos en France, et ces gens ne sont ni le peuple de souche ni les musulmans du quotidien. Un chaos qui n’est non plus ni dans l’intérêt des minorités chrétiennes d’Orient, ni dans celui des pays arabo-musulmans aujourd’hui à feu et à sang. Qui a intérêt à cela ? L’oligarchie financière qui cache une crise économique derrière la violence ethnique, afin de détourner la colère populaire et Israël dont le projet est le Grand Israël, ces deux acteurs étant d’ailleurs très imbriqués.

Ne pensez-vous pas que si les attentats se multiplient d’ici la présidentielle d’avril 2017, Marine Le Pen pourrait être élue à l’Élysée ?
Bizarrement mon intuition me dit que non. Dans un climat de peur et d’insécurité, les Français, qui ne sont plus très courageux, opteront plutôt pour une soumission accrue au pouvoir policier en place, plutôt que pour une aventure politique présentée par les media comme ajoutant encore le danger au danger, l’insécurité à l’insécurité.
Je crois davantage à la montée en douce d’un régime dictatorial suspendant les libertés individuelles au nom de la sécurité des populations – soit le rêve de Valls et du CRIF. Je ne pense pas que le Système ait spécialement envie d’aider Marine Le Pen à accéder au pouvoir national, même si elle se soumet de plus en plus à lui. À mon avis, le pouvoir oligarchique est d’accord pour déléguer au FN des pouvoirs locaux, disons municipaux, en lui confiant la tâche ingrate de raser les mosquées, à Béziers, à Fréjus ... et d’affronter physiquement les jeunes musulmans en colère. Mais lui donner les clés de la nation France, jamais. La jouissance du Système, infiniment pervers et méprisant, c’est de confier au Front national le rôle dévolu à l’extrême droite : celui du sang sur les mains, pour que, face à l’histoire, ce soit lui le responsable désigné de la ratonnade. Une ratonnade voulue en réalité par les loges laïcardes et le sionisme international, deux entités suffisamment habiles et puissantes pour ne pas faire le travail elles-mêmes afin d’éviter de se retrouver un jour au Tribunal Pénal International. Rappelons-nous Milosevic.
Même au niveau régional, le Système n’a pas voulu du pouvoir du FN, et Marine a viré son père – obéissant ainsi à une demande expresse du CRIF – pour rien. Elle a juste découvert à ses dépens que la Communauté organisée n’avait pas pour culture de respecter les promesses faites à une étrangère.

Mais alors pourquoi selon vous Marine Le Pen a-t-elle opté pour cette stratégie à la fois immorale (tuer son père) et vouée à l’échec ?
Il faut comprendre que Marine Le Pen n’a jamais réellement combattu pour le pouvoir. Le pouvoir au FN c’est son père qui le lui a donné. Il a même repoussé le Congrès de deux ans, avec Louis Aliot au fichier qui faisait le ménage, pour être sûr qu’elle en hérite, tellement personne n’en voulait. Dans le schéma mental de Marine, le pouvoir c’est ce qu’un vieux monsieur qui vous aime bien vous donne. Et pour s’élever du pouvoir du FN au pouvoir national, elle s’est simplement dit, fidèle à ce schéma hérité, qu’après avoir complu à papa, il fallait complaire à ce super-papa qu’était monsieur Cukierman. De daddy à super daddy, voir Sugar Daddy. N’avait-il pas dit qu’elle était irréprochable ?
Mais si le président du CRIF a effectivement le pouvoir de désigner le Président de la France, Roger Cukierman n’est pas son papa, et comme dans les romans populaires du XIXe siècle, après les promesses d’adoption, d’épousailles, elle s’est retrouvée au tapin !
Après ce cuisant échec et la leçon des régionales – où le Grand Orient et le CRIF l’ont empêchée de gagner trois régions et d’être en position ascendante pour les présidentielles – Marine a sans doute compris que le combat pour le pouvoir en milieu hostile c’est autre chose que de plaire à papa, mais il est un peu tard.
Voilà pourquoi je ne vois pas Marine Le Pen arriver dans un fauteuil à l’Élysée en mai prochain.

Qui voyez-vous alors élu en 2017 ?
Je pense que le Système veut à tout prix maintenir l’alternance. Après Hollande, Juppé, maire très bien élu de Bordeaux, dernier gaulliste historique via Chirac, condamné certes, mais qui s’est sacrifié pour lui. Bon bourgeois, énarque, « catholique »... il est le candidat de l’oligarchie mondialiste et déjà adoubé par les Américains.
Le seul bémol c’est que Sarkozy refuse de se retirer du jeu...

vendredi 15 juillet 2016

AU FIL DE L'HISTOIRE




1) Aït-Ahmed, automne 1962

Attablé au café Davos, dans mon village de Rio-Salado, je lis le journal Alger républicain qui rend compte des débats à l'assemblée constituante. Cette dernière -comme s'il n'y avait rien de plus urgent à faire !-, était saisie d'un projet de loi visant à interdire le PCA. C'est Ahmed ben Mahjoub ben M'barek (alias Benbella) qui en était à l'initiative. Un seul député osa refuser cette interdiction -Aït-Ahmed- et prit la parole pour ce faire. Un homme, un seul, avait eu le simple courage d'exprimer une opinion en porte-à-faux avec le lâche unanimisme du troupeau bêlant. Ce qui n'empêchera pas, hélas, le PCA de rejoindre le troupeau bêlant du FLN en se sabordant (1964). Il faut imaginer la tête de Aït-Ahmed !

2) Aït-Ahmed, automne 1964

Attablé à la terrasse d'un café du square Bresson (à Alger), je lis sur Alger rep le compte-rendu de la capture de Aït-Ahmed dans son maquis de Kabylie. Lui aussi -que je prenais pour un politique civilisé- avait succombé à l'appel des sirènes de la violence primaire !

[Pour la petite histoire, j'étais venu à Alger pour me présenter à l'examen d'entrée à l'ENS. L'école devait ouvrir cette année-là ; en tant qu'enseignant titulaire (prof au CEG de mon village), j'avais été informé par l'académie que, à condition de réussir à l'examen, je serais considéré comme en détachement avec maintien de mon salaire. Une fois l'épreuve de français passée (un sujet de dissertation sur Balzac et le roman réaliste), je voulus aller visiter l'école. Là, surprise : au secrétariat de la fac centrale, on m'apprit que l'école n'était pas prête, que les futurs élèves seraient logés dans les cités universitaires. Je notai qu'il n'y avait même pas un embryon d'administration spécifique. Une ENS virtuelle, en somme. Soutien de famille, je ne pouvais me permettre de rester des mois sans salaire. Je renonçai donc à l'ENS fantomatique. Comme je renoncerai, pour les mêmes raisons, à quitter le pays pour Paris où mon cousin -employé à la BNCI, boulevard des Italiens- m'attendait avec promesse d'embauche ferme dans cette banque. C'est qu'en cette année 64, le triomphe de Benbella (que j'abhorrais), ajouté au régionalisme d'Aït-Ahmed et à l'autosabordage du PCA, m'avaient désespéré de l'avenir politique de l'Algérie. La situation de ma mère –sans ressources, la guerre nous ayant complètement ruinés- et celle de ma soeur, veuve d'un combattant de l'ALN de l'intérieur, avec 4 enfants à charge [aujourd'hui, un village nouveau, non loin de notre douar, El Messaada, porte le nom de mon beau-frère, Aïssaoui Bouziane] m'interdisaient de penser à moi-même.]

3) Aït-Ahmed, décembre 1991

Entre les deux tours des soi-disant élections législatives, une marche est organisée à Alger, à l'appel de différents partis et personnalités dits « démocratiques ». La manifestation, qui regroupa quelque 300 000 marcheurs, fut une indéniable réussite. On en attribua le mérite au seul Aït-Ahmed et à son mot d'ordre : « Ni Etat policier, ni république intégriste ». Si le mot d'ordre était clairement un sophisme (la république intégriste n'est-elle pas, elle aussi, un Etat policier?), on ne voulait y voir que le rejet de l'alternative FLN/FIS.
Au Champ de manœuvres, je croisai le coordinateur de ce qui restait du PAGS -i.e. presque rien. On se salua. Après s'être interrogé sur les intentions réelles de AA, il me dit, au mot près : « De toute façon, les patriotes vont les (i.e. les islamistes) faire sortir du bois ! ». Sous-entendu « tout ce cirque est inutile ».

Oran, 10 janvier 92 : je participe à une manifestation squelettique -deux ou trois dizaines de personnes au square Port-Saïd- pour mettre en garde contre ces élections dont nous étions quelques-uns -assez bien renseignés- pour nous douter qu'elles étaient piégées. Alors que je devisais avec un ami, un peu à l'écart, une berline allemande de luxe, vitres teintées, nous accosta. « Ne vous tracassez pas, les gars ! Demain ça sera fini ! Salut. » Et la voiture démarra. Celui qui nous avait apostrophés était un général de notre connaissance dont j'appris plus tard qu'il faisait partie du cercle des « décideurs ». Le lendemain, nous vîmes, au JT de 20H, un Bendjedid blême, défait, remettre sa lettre de démission à un Socrate (A. Benhabylès, président du soi-disant conseil constitutionnel) sceptique.

Aït-Ahmed réagit en s'alliant avec le FLN et le FIS ! Donc avec l’État policier et la république intégriste. Misère de la politique en Algérie !

4) L. Addi récidive

Dans un récent entretien accordé à El Khabar (qui ne l'a pas publié!), Addi a déclaré que « l'ALN a créé en 1962 l’État algérien » et que « l'ANP a empêché qu'il ne tombe entre les mains des capitalistes ». Addi devra expliquer ce paradoxe subtil : comment quelque chose qui n'existe pas (l'ALN en 62, laminée par les opérations Challe et dont les chefs avaient calté en Tunisie et refusaient de rentrer en Algérie -seuls Lotfi, Benchérif et Zbiri obtempérèrent à l'ordre du GPRA) peut créer quelque chose qui n'existe pas plus (il n'y a pas d’État algérien, seulement un pouvoir de fait, de type despotisme asiatique). Quant à la seconde assertion, il suffit de regarder ce qu'est devenue la hiérarchie de l'ANP (une caste compradore) pour comprendre pourquoi elle avait (et a) intérêt à empêcher l'émergence d'une classe de capitalistes nationaux.
La reptation devant l'uniforme reste le sport favori en Algérie. Est-ce un hasard que le pays soit si malade de sa violence ?

5) Les 19 ayants-droit

19 ayants-droit sur la mazraa (l'hacienda Algérie) ont interpellé publiquement le Dey pour savoir si c'était bien lui qui tenait la barre de la felouque Algérie ! Manoeuvre pathétique d'une SM en perte de vitesse pour essayer d'enfoncer un coin dans l'alliance (Dey+Odjaq) qui s'est nouée contre elle. Les porte-parole de ce groupe sont les inénarrables et vociférantes Louiza Hanoune et Khalida Toumi. La première se pose crûment et sans vergogne comme l'avocat de la SM, renvoi d'ascenseur obligé en faveur de la police politique qui lui a permis d'occuper le créneau ouvrier laissé vacant par le sabordage du PAGS. Quant à la seconde, Saïd Mekbel nous apprend, dans Mort à la lettre, qu'elle est la nièce du tortionnaire en chef de la SM, Abdallah Benhamza -celui qui a donné du gourdin de chien, hraouat el kleb, comme le lui recommandait Boukharrouba, en ces propres termes-, aux militants communistes, et que durant les années de plomb, elle résidait chez cet oncle. C'était plus facile dans ces conditions de jouer au boute-feu !
Ce que sont en vérité les prétendues pasionarias de l'Algérie militaro-policière.

[L'enquête minutieuse menée par le chercheur en histoire Boumédiène Lechlech nous apprend que A. Benhamza était, jusqu'au 19 mars 1962, secrétaire de la mairie de Oued-Berkèche (aujourd'hui Hsasna, près de 'Aïn-Témouchent), membre du conseil général d'Oran et l'une des figures locales de la 3° Force. Comment cet homme s'est-il retrouvé à la place qui fut la sienne dans le système Boukharrouba-Merbah -responsable du service Action de la SM? Tout simplement parce qu'il a été désigné (par qui?) membre de la commission locale de cessez-le-feu, comme nous l'apprend encore B.Lechlech. Voilà en tout cas qui jette une lumière révélatrice sur le prétendu nationalisme ombrageux de Boukharrouba.]

L'épisode lamentable des 19 me rappelle 2 anecdotes.

* Lors de je ne sais plus quelle assemblée du PAGS et durant une interruption de séance, j'entendis cette conversation qui se déroulait derrière mon dos. À quelqu'un qui lui demandait où il comptait passer ses vacances, A. Chergou, membre de la direction, répondit avec véhémence : « Tu es fou ! Et s'il arrivait quelque chose dans le pays et que je ne sois pas là ? » ( Mahboul ! Kanch' ma yasra haja fel bled ou ma nkounch' hna!).

Cette réaction, comme la lettre des 19, sont de même nature : elles témoignent d'une identification pathologique au pays, au sens où ces gens croient que l'Algérie leur appartient de droit et qu'ils sont comptables de son destin. Et tous, les dominants comme ceux qui croient s'opposer à ces derniers, procèdent d'une même tare : le patrimonialisme patriarcal tribal. Et tous protestent de leur républicanisme alors que la république est d'abord et avant tout la chose publique, le bien commun qui n'appartient justement à personne en propre.

** Lors de son voyage en Algérie, et visitant le musée d'Oran, Fidel Castro tombe en admiration devant les deux superbes pistolets de l'émir Abdelkader exposés dans une vitrine. Ce que voyant, son accompagnateur, le colonel Bendjedid chef de la région militaire d'Oran, saisit un tournevis, force la vitre et offre les pistolets à un Castro stupéfait. Le directeur du musée dut attendre que Bendjedid -promu chef d’État entretemps, c'est dire !- fût chassé du pouvoir pour exposer cette affaire si éclairante dans colonnes du journal El- Watan.

Les soudards incultes (pléonasme!) qui ont fait main-basse sur l'Algérie en 1962, révèlent par leurs pratiques l'essence exacte de leur nationalisme aboyeur : s'approprier littéralement le pays comme on le ferait d'une mazraa. Et, bien sûr, sans considération d'aucune sorte pour les indigènes qui y vivent. La preuve en est qu'ils empêchent encore les Algériens d'accéder au jeu politique civilisé -ce qui était l'objectif fondamental du Code de l'indigénat-, ne leur laissant d'autre voie que la violence -ce qui permet de justifier l'usage de la violence militaro-policière contre eux !




mardi 5 juillet 2016

ORAN - 5 JUILLET 1962



Le journal en ligne "Huffington Post" a publié une pétition initiée par un Européen d'Algérie et demandant "aux citoyens du monde et aux ONG des droits de l'homme" de faire reconnaître "le massacre du 05 juillet à Oran". A quoi a répondu une contre-pétition initiée par des historiens français, intitulée "Ne pas instrumentaliser les massacres du 05 juillet 1962 à Oran". 

-Ni dans l'une ni dans l'autre pétition, il n'est fait mention des victimes algériennes de cette journée de malheur que le journal de Pierre Laffont, "l'Echo d'Oran", avait pourtant dénombrées auprès de la morgue de l'hôpital et qui s'établissait à 75 morts (dont 19 femmes et 10 enfants).


-Ni dans l'une ni dans l'autre pétition, il n'est fait mention du témoignage capital du général Katz (commandant du Secteur Territorial d'Oran) qui situe l'épicentre des événements, entre la place Karguentah et la place Jeanne d'Arc et fait porter la responsabilité aux tireurs de l'OAS embusqués dans la Maison du Colon et dans la basilique du Sacré-Coeur.

-La contre-pétition des historiens reprend à son compte ce curieux argument, à savoir que les commandos OAS auraient quitté la ville "aux environs du 27 juin". (On peut apprécier, en passant, le très peu scientifique "aux environs"). Qui donc était présent lors de ce départ présumé ? Des officiels ? Qui précisément ? Comment des historiens censés pratiquer une critique intransigeante des documents et des témoignages peuvent-ils recevoir, sans ciller, cet élément capital comme vérité d'évidence, sans même s'interroger sur sa validité ? Elément capital, dis-je, car on voit bien que si les tueurs de l'OAS avaient effectivement quitté la ville le 27 juin, alors les massacres du 05 juillet seraient imputables aux seuls Algériens. Force alors est de dire que l'inconséquence des historiens devient suspecte.


-Ni dans un texte ni dans l'autre, il n'est fait mention d'un élément qui explique, en partie, le jusqu'au-boutisme de l'OAS à Oran : la présence d'une OAS juive, la Haganah Mongen, qui a à son actif les forfaits les plus atroces de la guerre, comme les voitures piégées à Mdina Jdida, l'attaque de la prison civile et les exécutions de malades et de blessés algériens sur leur lit d'hôpital. Tant de cruauté et de barbarie laissait la population algérienne dans la sidération. J'en sais quelque chose : je vivais à Oran.


Je remets donc en exergue mon témoignage sur cette journée maudite. Ce n'est que mon témoignage personnel. Il vaut ce qu'il vaut. En tout cas, il est honnête.






Le 05 juillet 1962, la ville d'Oran s'apprêtait à célébrer la proclamation officielle de l'indépendance. Je sortis de chez moi vers onze heures, rue Saint-André, dans le haut du quartier de Saint-Antoine, attenant à la Ville-Nouvelle et, pour cela, déserté par ses habitants européens. Je m'apprêtais à « descendre » en ville -comme on disait, fort justement d'ailleurs car la ville européenne s'étend au pied du plateau sur lequel se niche Oran.

Jusqu'à ces derniers mois, nous vivions ma tante, mon cousin et moi dans un immeuble du Derb -le quartier juif- dans lequel ma tante était concierge. Un matin, de bonne heure, mon cousin, docker de son état, fut attaqué à l'arme blanche par quatre individus qui s'avérèrent être des riverains de notre rue. C'est ainsi que nous avions appris qu'il existait une OAS juive. Mon solide cousin survivra aux coups de couteau mais, le soir même, nous déménagions à Saint-Antoine dans un autre immeuble du même propriétaire. Nous étions la seule famille arabe de cette rue. L'immeuble jouxtait un cinéma (le Magic) qui ne passait que des films égyptiens ; les habitués de cette salle étant tous des Arabes, de jeunes riverains européens tentèrent d'y mettre le feu après avoir enfermé les spectateurs dans le cinéma, en fermant les issues. Le jeune employé arabe du cinéma (Mohamed Douma, dont la rue du cinéma porte aujourd'hui le nom) ouvrit les portes et donna l'alerte. Il fut abattu sur place, d'une balle dans la tête par les jeunes ultras du quartier. Nous partîmes le jour même en catastrophe pour le haut du quartier, vers la rue Saint-André où ma tante trouva une pièce à louer.

Le 05 juillet. Avant d'emprunter le boulevard Mascara, je jetai un regard sur le commissariat de police du 4ème arrondissement, sis place de la Liberté. J'eus une pensée pour son chef, le commissaire Jurandon, récemment assassiné par l'OAS. Nous, je veux dire la population arabe de la Ville-Nouvelle et de Saint-Antoine-le-haut, l'avions protégé comme nous l'avons pu. La nuit, nous organisions la surveillance du commissariat depuis les terrasses qui entouraient la place. À la moindre alerte, nous nous tenions prêts à bombarder de pierres et de bouteilles les voitures des commandos OAS qui tentaient, presque chaque nuit, d'investir le commissariat et de tuer Jurandon. Nous les avons ainsi mis en déroute plusieurs fois. Le jour, il n'y avait rien à craindre pour le commissaire qui était chez lui en Ville-Nouvelle; tout le monde connaissait l'homme européen qui ne sortait jamais sans sa pipe, signe de reconnaissance : un frère qu'il fallait protéger. Jurandon ne commit qu'une faute de vigilance et elle lui fut fatale : il se rendit dans le quartier européen mitoyen de Saint-Antoine, Boulanger-Magnan, pour y retirer un courrier au bureau de poste. C'est le receveur qui l'avait appelé au téléphone. Jurandon devait avoir une confiance totale en cet homme puisqu'il ne soupçonna pas le traquenard : les tueurs de l'OAS l'attendaient là. Ce fut un jour noir pour nous, un jour de deuil.

Les deux dernières années de la guerre avaient été particulièrement terribles pour la Ville-Nouvelle que les Européens appelaient le Village-Nègre. Il ne s'agissait nullement d'habitations de torchis ou d'un bidonville, moins encore d'une médina traditionnelle mais bien de maisons en ciment et en moellons, avec des rues spacieuses et des places bien tenues, des commerces et des cafés en nombre, bref un ensemble urbain qui ne détonnait aucunement avec son environnement architectural immédiat. Mais les Européens ne voulaient rien savoir : c'était un quartier pour les Arabes, donc un village nègre. C'est le général Clauzel qui avait ordonné la construction de cette "ville" afin qu'elle serve de refuge aux tribus arabes qui refusaient de suivre l'émir Abdelkader dans son combat contre l'envahisseur français. La Ville-Nouvelle fut érigée hors les murs d'Oran, juste sous les remparts des casernes militaires qui la ceinturaient. J'eus une pensée en forme de sourire ironique. Le général Clauzel avait droit à une rue portant son nom en Ville-Nouvelle. C'était bien le moins. Sauf que les Arabes l'appelaient la "vilaine rue", non pas à cause de l'officier dont la plupart des gens ignoraient tout mais à cause des lupanars qui avaient élu domicile dans cette artère. Sic transit gloria Clauzeli.

Avec l'extension d'Oran, la Ville-Nouvelle se trouva prise dans le tissu urbain, entourée de casernes et de quartiers européens, coupée des quartiers arabes, tous relégués en périphérie. Le professeur Claude Liauzu a pu écrire que la ville d'Oran était un exemple de ségrégation raciale de l'espace urbain : la mixité des populations n'y existait pratiquement pas1. De fait, Oran était une ville européenne, architecturalement et démographiquement : les Européens, en majorité d'origine espagnole, y étaient plus nombreux que les Arabes. À ces spécificités, Oran en ajoutera une autre : l'engagement d'une partie des habitants juifs dans l'OAS ; ils en formeront un détachement connu sous le nom de Hagana. (C. Liauzu la nomme Hagana Mongen)2. La Hagana aura à son actif, entre autres hauts faits de gloire, l'attaque de la prison civile (35 détenus tués) et celle des hôpitaux3 durant laquelle des malades arabes étaient achevés d'une balle dans la tête sur leur lit.

Dès l'automne 61, la Ville-Nouvelle, quotidiennement mitraillée par les snipers de l'OAS du quartier voisin dit Le plateau Saint-Michel, pilonnée au mortier, vécut l'enfer. Complètement encerclée, la Ville-Nouvelle allait supporter un véritable siège. Souvent, le tabac manquait ; l'approvisionnement en produits alimentaires courants était aléatoire. Le summum de la cruauté et de l'horreur fut atteint un après-midi du mois de ramadan (28 février 1962). Ce fut une première dans cette guerre : une -ou deux ?- voiture(s) piégée(s) avec des obus de 105 mm explosa(èrent) en pleine esplanade centrale (Tahtaha) où il y avait toujours foule. Un carnage. Corps déchiquetés à un point tel qu'il était impossible de tous les dénombrer. Les cadavres que l'on put reconstituer étaient au nombre de 75. La technique étant celle employée par les groupes terroristes sionistes qui agissaient en Palestine, à l'époque du mandat britannique, on l'attribua à la Hagana. La population criait vengeance ; les gens du FLN et l'armée française eurent beaucoup de mal à empêcher la foule de se lancer à l'assaut du Plateau Saint-Michel d'où les tueurs de l'OAS nous canardaient quotidiennement.

Si j'étais passé dix minutes plus tôt par l'esplanade -qui se trouvait sur mon itinéraire habituel-, la vie du petit instituteur remplaçant que j'étais se serait arrêtée là, à dix-huit ans. Je venais, en effet, d'achever mes études secondaires et il me fallait travailler pour aider ma tante. Ayant appris que l'académie recrutait des intérimaires pour l'enseignement élémentaire, je me portai candidat. Je reçus très vite une réponse sous forme d'affectation sur un poste d'instituteur intérimaire "en remplacement de M. Schmitt, pour l'année scolaire 1961-62". Une image habite depuis lors ma mémoire : les lambeaux de chair humaine accrochés aux fils électriques tels de gros oiseaux perchés là.

Le 05 juillet. Je dévalai le boulevard de Mascara et pris le boulevard Joffre en pensant à la belle journée que j'avais passée le 3 juillet. Cet après-midi-là, avec mon ami Mimoun -un fou de cinéma-, nous sommes descendus dans la ville européenne. Nous avons fait toute la rue d'Arzew -les Champs Elysées d'Oran, toutes proportions gardées !- et nous nous sommes arrêtés au cinéma Lynx -le plus grand écran de la ville, disait la réclame- qui passait un film avec Elvis Presley (je crois que c'était Girls ! Girls ! Girls !). Les deux jeunes ouvreuses semblaient perplexes, sinon inquiètes : deux Arabes en ville européenne ! Nous leur avons souri, elles nous ont souri et souhaité bon spectacle. Je crois que nous n'étions pas plus de cinq spectateurs.

Le soir, la Ville-Nouvelle avait organisé un concert de musique sur la place Sidi-Blal. Ce fut un moment de très grande émotion quand l'enfant chéri du quartier, le musicien-chanteur Blaoui Houari, entonna une chanson inédite à la mémoire de cet autre fils de la Ville-Nouvelle, Ahmed Zabana, premier guillotiné de cette guerre, dont l'exécution, le 19 juin 1956, sous le proconsulat de Robert Lacoste, le M(S)inistre Résidant (et néanmoins militant SFIO guillotineur) sera aux origines de la bataille d'Alger.

Le 05 juillet. À la bifurcation du cinéma Le Paris, je pris le boulevard du 2ème Régiment de Zouaves -le 2ème Zouaves- au lieu de continuer à descendre le boulevard Joffre en direction de la Place d'Armes où se tenait un meeting. De jeunes scouts remontaient le boulevard Joffre en chantant. Je traversai le rond-point Karguentah, longeai la Maison du Colon et arrivai à la place Jeanne d'Arc où un meeting devait selon toute vraisemblance se tenir. En effet, la place grouillait de femmes voilées de blanc et d'enfants revêtus d'habits de fête. Les petits scouts arrivaient.

La place Jeanne d'Arc est un square adossé à la basilique du Sacré-Coeur, une cathédrale de style romano-byzantin, érigée au début du XX° siècle. La basilique ouvre, par de larges escaliers, sur un parvis où trône la statue équestre dorée d'une Jeanne d'Arc prête à en découdre, sans doute. La place est bordée, au nord, par le boulevard du 2ème Zouaves ; à l'ouest, par la rue Jeanne d'Arc qui borde les bâtiments et les jardins de l'évêché ; à l'est, par la rue des Lois, parallèle à la première, où stationnent les autocars Amoros, son seul titre de gloire. L'évêché et son jardin sont écrasés par l'imposante Maison du Colon qui surplombe la place Jeanne d'Arc. C'est un bâtiment présomptueux, tournant le dos au square, avec des frises imitant les mosaïques romaines et dévolues à la gloire des colons romains et européens, saisis dans une continuité qui voulait tout dire.

Je décidai d'observer une halte. Je me tenais face à la basilique, au bord de la place, donnant le dos au 2ème Zouaves et baignant dans une sorte d'état séraphique, accueillant au monde et à la vie : j'avais vécu tout le siège de la Ville-Nouvelle ; j'avais échappé cent fois à la mort ; je me disais à cet instant précis que j'étais un miraculé ; ce qui, chez nous, se dit autrement : j'avais eu la baraka.

Il était à peu près midi. Les premières détonations, je les situai du côté du boulevard Joffre. La place devint subitement silencieuse. Tout le monde dressa l'oreille. Alors, se produisit la deuxième vague de détonations, terriblement proches, au point qu'elles semblaient éclater dans mes oreilles. La panique foudroyante transforma le square en tohu-bohu : nombreux étaient ceux qui s'étaient jetés à terre, la majorité fuyait, remontant les deux rues parallèles ; cris, hurlements de femmes et d'enfants ; souliers et voiles abandonnés. À la première rafale, je m'étais élancé en avant ; une femme voilée tomba, me percuta, me fit perdre l'équilibre. Avait-elle été touchée ? J'essuyai mon visage car quelque chose de chaud l'avait éclaboussé. Peut-être est-ce cela qui me sauva ? Le fait est que je repris immédiatement mes esprits et me réfugiai derrière un arbre où s'était déjà planqué un ATO (policier auxiliaire) qui tirait avec son pistolet en direction de la Maison du Colon. Le policier hurlait : "Ne reste pas près de moi !" J'ai regardé autour de moi : les fenêtres des appartements du 2ème Zouaves et celles de la rue des Lois étaient fermées. Les tirs ne pouvaient provenir que de la Maison du Colon, me dis-je. Alors, je pris mon élan et traversai d'un bond la rue Jeanne d'Arc ; là, protégé par le mur de l'évêché, je me mis à courir comme un dératé : rue Jeanne d'Arc, square Garbé, rue Beauprêtre, boulevard et place Sébastopol, enfin. J'étais arrivé à la porte d'entrée de la Ville-Nouvelle ; je ralentis l'allure pour reprendre mon souffle. Je vis un groupe de quatre jeunes gens arriver derrière moi en courant, fuyant la place Jeanne d'Arc, et un homme âgé, un Européen bedonnant, qui descendait le boulevard Sébastopol. Il ne semblait ni inquiet ni pressé de se mettre à l'abri alors que la fusillade continuait en contrebas. Le groupe lui asséna quelques coups de poing qui le mirent à terre et poursuivit sa course. Au moment où l'homme se relevait péniblement, une voiture qui descendait le boulevard Fulton à tombeau ouvert, visiblement prise de panique, le percuta de plein fouet. La voiture ne s'arrêta pas.

Sur l'esplanade centrale de la Ville-Nouvelle -Tahtaha-, je vis un attroupement : un jeune couple d'Européens au milieu d'un cercle formé de jeunes excités, menaçants, l'insulte à la bouche. Un homme que je connaissais bien, un ancien de la CGT et du parti communiste expulsé de mon village natal et interdit de séjour depuis, faisait face, seul, au groupe vociférant. Calmement  : "Soyez raisonnables ! Ces gens étaient parmi nous ; ils ne peuvent pas avoir fait de mal." Tout autour, des vieux approuvaient silencieusement. Mais personne n'osait prendre la parole. Le couple fut amené par les jeunes, on ne sait où.

Au début de l'après-midi, un détachement de l'ALN -dont les unités étaient cantonnées à Pont-Albin, à quelques cinq km à l'ouest de la ville-, descendait la rue de Tlemcen, qui borde Saint-Antoine. Les djounouds rasaient les murs, marchant à distance les uns des autres. À hauteur du cinéma Rex, il y eut des coups de feu qui semblaient provenir du côté du Derb, le quartier juif. Les détonations continuèrent un moment, se déplacèrent vers le centre-ville puis cessèrent. Il était à peu près quatorze heures. Le calme était revenu sur la ville.

Vers seize heures, j'allai aux nouvelles au café de mon autre cousin, place Sidi-Blal. Là, avaient l'habitude de se retrouver de vieux militants politiques, gens d'expérience, instruits et pondérés. Selon eux, les tirs de la place Jeanne d'Arc provenaient de la Maison du Colon ainsi que de la cathédrale et étaient le fait de commandos OAS irrédentistes. Si les tirs provenant de la Maison du Colon étaient une certitude pour moi, j'avoue que je trouvai extravagant de penser que la cathédrale ait pu cacher des tireurs. J'attribuai ces exagérations au fait que l'évêque d'Oran, Mgr Lacaste, -autre spécificité de la ville-, témoignait d'un tropisme pro-OAS notoire, à rebours de la hiérarchie de l'Église d'Algérie qui eut une position nettement plus honorable.

Des nouvelles parvenaient de l'hôpital, très proche de là ; on parlait, à la fin de la journée, de dizaines de morts arabes. (Il faudra attendre le lendemain et les jours qui suivirent pour avoir des détails sur les victimes. L'Écho d'Oran et l'Écho du soir, les deux quotidiens de Pierre Laffont, publieront les listes des morts et des blessés : 75 Arabes tués, dont 19 femmes et 10 enfants, et 25 Européens. Il s'agissait des victimes recensées à la morgue de l'hôpital.) En réalité, les victimes européennes furent plus nombreuses.

Vers dix-sept heures, parvint la nouvelle qui nous laissa pantois : il y aurait eu un véritable massacre d'Européens au quartier du Petit-Lac. Situé à l'extrême sud-est de la ville, près de la route qui mène à l'aéroport ainsi qu'au port, face au bidonville de Sanchidrian, le Petit-Lac jouxtait une décharge municipale. Là, ainsi que sur toute l'enfilade de quartiers arabes (Lamur-Victor-Hugo-Petit-Lac), régnaient les marsiens du groupe de 'Attou. J'enseignais durant cette année dans une école située à la limite du quartier arabe de Lamur et à celle du quartier européen de Saint-Hubert. Je peux témoigner de la réalité de la peur qu'inspiraient à la population de ces quartiers, ces jeunes chefaillons qui défouraillaient pour un oui ou pour un non, et dont certains d'entre eux étaient mus à l'évidence par des ressorts autres que patriotiques. La rumeur attribuait à la bande à 'Attou les massacres qui se seraient produits au Petit-Lac. On disait qu'ils sillonnaient la ville, enlevaient des Européens et les menaient au Petit-Lac pour les y massacrer. On dit également qu'ils dressèrent des barrages sur la route du port et y capturèrent des Européens qu'ils exécutèrent.

Que les hommes de 'Attou aient opéré des raids dans le centre-ville, est hautement probable. Mais pourquoi auraient-ils emmené leurs victimes jusqu'au Petit-Lac, très loin de là, pour les y exécuter ? Cela n'a pas de sens. Qu'est-ce qui les aurait empêchés de les tuer sur place ? À moins de supposer que les hommes de 'Attou fussent en possession de listes nominatives d'activistes de l'OAS et qu'ils aient procédé à leur arrestation puis les aient emmenés au Petit-Lac, leur quartier général. Je sais, par exemple, que dans mon école, un collègue européen fournissait des noms d'activistes OAS à l'une de nos collègues arabes, Rahmouna de son prénom -nous étions quatre Arabes sur un effectif de 24 enseignants- qui était en cheville avec le réseau de 'Attou, car elle habitait Victor-Hugo.

S'agissant maintenant des barrages sur la route de l'aéroport (et du port), il faut rappeler que quelque temps auparavant, des commandos OAS déguisés en militaires du contingent, avaient investi le bidonville de Sanchidrian (très proche du Petit-Lac). Les habitants accueillirent ceux qu'ils croyaient être des soldats sans méfiance car l'armée française était devenue une alliée objective dans la lutte contre l'OAS. Les commandos séparèrent les hommes du reste des habitants et les fusillèrent devant leurs femmes et leurs enfants. Des dizaines de morts. (Cf, Et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine, Henri Martinez, mémoires d'un commando OAS qui relate le massacre de Sanchidrian et d'autres). Que des habitants de Sanchidrian et du Petit-Lac aient dressé des barrages sur la route de l'aéroport, enlevé des Européens et les aient tués ou emmenés au QG de 'Attou est tout-à-fait plausible.


 Chez Robert Laffont, 1982


À combien se dénombrent les victimes européennes ? Des chiffres hyperboliques ont été avancés : plusieurs milliers, dit-on. D'un point de vue simplement matériel, c'est strictement impossible : les djounouds du capitaine Bakhti Nemiche ont investi le Petit-Lac vers dix-sept heures. Dans le même moment, les militaires français se déployaient dans la ville sur ordre du général Katz, en accord avec le capitaine Bakhti Nemiche. En cinq heures de temps (de midi à dix-sept heures), une bande de quelques dizaines de personnes aurait donc pu exterminer cinq mille personnes (comme cela a été avancé) ? Soyons sérieux. La tragédie de cette journée de fête qui s'est muée en tuerie est assez éprouvante dans son horreur pour qu'il soit nécessaire d'en rajouter et d'attiser encore et toujours les haines, en faisant fi de la simple vérité des faits. Aujourd'hui, cinquante ans après ces tragiques événements, et après que de nombreuses bouches se sont ouvertes, il est raisonnable de situer le chiffre des Européens tués et ensevelis au Petit-Lac autour de 150.

Dans tous les reportages et récits que j'aurai l'occasion de lire sur ce drame, personne ne revient sur le chiffre des victimes arabes mais tout le monde est obnubilé par le seul chiffre des victimes européennes. Pourtant c'est le très influent Écho d'Oran, l'un des plus puissants porte-voix de la colonisation, le plus fort tirage d'Algérie comme disait sa réclame, qui l'a établi : 75 morts arabes. Des femmes, des enfants, des hommes, sortis la joie au cœur pour fêter la fin du calvaire de la ville, tués. Qui donc les a assassinés ? À cette question, particulièrement gênante, la réponse est systématiquement celle-ci : les Arabes ont été victimes de règlements de comptes, de l'anarchie régnant entre groupes armés incontrôlés. Mais les femmes ? Les enfants endimanchés ? Qui sont tous morts dans la ville européenne qui plus est ? Pourquoi ces groupes armés seraient-ils descendus régler des comptes en pleine ville européenne ? Il y a une égale mesure de cynisme, de malhonnêteté intellectuelle et de racisme dans ce type de réponse. En vérité, il n'y avait ni anarchie ni règlement de comptes entre des fidaïs. La ZAO -zone autonome d'Oran- était, quoi qu'on en ait dit ici ou là dans des raccourcis et des clichés suspects, relativement bien tenue et ses deux chefs, Abdelbaki Bachir-Bouyadjra et Abdelhamid Benguesmia-Chadli, jouissaient du respect général, quoique la vérité de cet état de fait soit à rechercher dans l'extraordinaire sens de la discipline et des responsabilités dont fit preuve le bon peuple. (Un jour, le lieutenant de l'escorte de gendarmes mobiles qui accompagnait les enseignants européens de notre école et avec lequel j'avais sympathisé, m'a dit que si les Français d'ici n'avaient pas réussi à s'entendre avec des gens comme nous, tant pis pour eux. Ce fut un très bel hommage rendu au peuple d'Oran.)

D'autre part, une curieuse assertion est constamment martelée par cette même littérature : les commandos de l'OAS avaient quitté la ville avant le 1er juillet. Cette affirmation fonctionne comme une vérité d'évidence qui n'aurait plus à fournir ses titres de créance. Ce faisant, elle empêche -c'est sa fonction cachée- de se poser une simple question de bon sens : qui aurait pu vérifier que les tueurs de l'OAS avaient quitté la ville ? Encore aurait-il fallu les connaître, les dénombrer et avoir présidé à leur départ. Voici un témoignage personnel qui suffit à mettre à mal cette "vérité d'évidence".

En août 1963, j'entrepris un périple touristique en France, en Espagne et au Maroc. À Alicante, nous fîmes, mon compagnon de voyage et moi, une virée dans une boîte de nuit dont l'enseigne nous avait attirés car c'était la même que celle d'une homologue célèbre d'Oran (située sous le Café-Riche et proriété, d'ailleurs, de l'un des chefs de l'OAS locale, El Grigui, le Grec, Athanase Georgopoulos), le Whisky à gogo. Nous nous apprêtions à prendre l'escalier de la cave en devisant quand un homme, jeune, qui se tenait près du guichet, nous apostropha. 
-Vous êtes Français ? 
-Algériens. 
-D'où vous êtes ? 
-D'Oran. 
-Originaires d'Oran même ? 
-Non. Moi, je suis originaire de Rio-Salado et lui (mon copain) d'Aïn-Témouchent. 
-Tape cinq ! Moi je suis de 'Aïn-El-Arba (un village à 60 km d'Oran et à 24 km du mien, dans la riche plaine de la Mlata). 
La conversation se poursuivit et on en vint à parler du... 05 juillet 1962. Notre interlocuteur :
-J'ai été arrêté par les gens du FLN et amené au Petit-Lac. Je crois qu'ils étaient bien renseignés sur moi, j'étais dans les commandos de l'OAS. Puis sont arrivés les gens de l'ALN. Un des soldats qui me fixait avec insistance est venu vers moi : "Tu me reconnais pas ?" C'était un ancien ouvrier de notre ferme. Il m'a fait libérer immédiatement. Sinon, j'allais passer à la casserole. Bon... C'est l'heure où les copains de l'OAS vont venir ; on est tous condamnés et recherchés, on peut pas rentrer en France... Ils vont boire et ils vont devenir dangereux pour les Arabes... Avant-hier soir, ils ont tué deux Marocains qui passaient par là... Finissez vos verres et dépêchez-vous de partir.

C'est lui qui a payé à boire et il nous a remboursé l'entrée. La baraka était encore avec moi ce soir-là et elle avait pris les traits d'un ex-ouvrier agricole qui a sauvé la vie au fils de son ex-patron. Ce dernier a remboursé sa dette en sauvant deux jeunes Arabes. Sinon, j'aurais fini ma courte existence -20 ans- dans une boîte de nuit d'Alicante.

Trente ans plus tard, je lus l'ouvrage du général Katz, commandant la place d'Oran à l'époque des faits. Je fus stupéfait d'y lire que les tirs sur la place Jeanne d'Arc provenaient de la Maison du Colon et de la cathédrale. Ce qui corroborait les paroles des vieux du café de la place Sidi-Blal prononcées le soir de ce Cinq juillet de sinistre mémoire et que je ne voulais pas croire. Le général y accuse d'ailleurs l'évêque d'Oran d'avoir à plusieurs reprises caché des commandos de l'OAS traqués par les gendarmes mobiles.4

Le 05 juillet à la nuit tombée, je suis sûr que tout les Oranais -ou peu s'en fallait- partageaient mon sentiment mitigé : la honte pour les massacres commis sur des Européens ; la colère contre ceux qui avaient réussi à transformer un jour de fête en jour de deuil et qui ne pouvaient être que ceux que révulsait le spectacle qu'offrait Oran du 1er au 5 juillet : des Arabes se promenant paisiblement en ville européenne ; des Européens se promenant en Ville-Nouvelle et y faisant leur marché. 



C'était cela l'enjeu réel de cette journée : empêcher la cohabitation des Arabes et des Européens car si cela devait se produire, à quoi auraient servi ces mois de folie sanguinaire ? Le lendemain, je quittai la ville pour aller offrir mes services aux élèves d'un douar reculé.


NOTES :
1Cf Claude Liauzu – Histoire des migrations en Méditerranée occidentale. Éditions Complexe.
2Idem
3Cf Rémi Kauffer – OAS, histoire d'une guerre franco-française. Seuil éditions (2002)
4Cf Joseph Katz – L'honneur d'un général. Éditions de L'harmattan



lundi 4 juillet 2016

A QUOI SERT UN PRIX NOBEL DE LA PAIX ?





A promouvoir la paix dans le monde, répondra-t-on sans hésiter. Sauf qu'à l'énoncé de certains noms de récipiendaires, on pourrait en douter. Ainsi, nous avons eu Henri Kissinger, l'artisan du coup d'état contre Salvador Allende, Anouar Sadate, coupable de haute trahison envers son propre pays, Menahem Begin, le terroriste assassin de Deir Yassine, Barack Obama, qui n'a pas eu le courage de fermer le bagne off shore de Guantanamo... et la Conscience du monde civilisé, celui qui avait placé l'argent de sa fondation "humanitaire" chez Bernard Madoff et qui voulait que l'escroc soit "torturé" (sic), l'homme qui se dit survivant des camps nazis (ce que d'authentiques survivants contestent énergiquement), celui que Norman Finkielstein accuse d'être l'une des figures de "l'industrie de l'holocauste" (le "Shoah business"), nous avons nommé Elie Wiesel. 
Mais voyez plutôt ce que dit de lui le journal Haaretz, sous la plume de Yossi Sarid et sous le titre : 
http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/22/elie-wiesel-l-ami-des-colons-israeliens

Spéculateur, affabulateur, spoliateur et néanmoins prix Nobel de la paix.

N.B. 2 jours après la mise en ligne de cet article, je suis tombé sur cette vidéo de l'UPR (Union pour la république, le parti de François Asselineau). Visionnez-la -elle est absolument éclairante-, et vous conviendrez que le prix Nobel de la Paix est une opération de désinformation étatsunienne. C'est ici :
https://www.youtube.com/watch?v=kmlluO_jPAY#t=24 

L"AMI DES COLONS
J'ai toujours beaucoup appris des rubriques "potins", que nos journaux préfèrent appeler par pudeur "échos". Sans elles, comment saurions-nous qui roule pour qui, et dans quel intérêt ?
Avant de lire les pages d'information pure, allez donc jeter un œil à ces pages légères. Vous verrez, cela vous aidera à comprendre les rouages du système.
Renforcer la présence juive
Ainsi, vendredi dernier, Ha'Aretz comportait un encadré de remerciements, en hébreu, à ces "dizaines de nouvelles familles qui rejoignent la communauté juive dans la Cité de David" [nom donné au quartier arabe de Silwan à Jérusalem-Est, site de la Jérusalem antique du roi David, qui fait l'objet d'une campagne de 'judaïsation' démographique].
"Nous saluons l'engagement sioniste de tous les acteurs : nous sommes unis dans la volonté de renforcer la présence juive à Jérusalem. Avec vous, nous accueillerons les pèlerins qui nous rendront visite pendant les fêtes."
Le texte est suivi de signatures de proches du mouvement de colonisation Elad. Certains des noms sont totalement inconnus, mais d'autres étonnent. Après tout, c'est une organisation connue pour semer le trouble dans la "ville de la paix" [Jérusalem].
Que font-ils là ?
Je ne me suis pas étonné de voir le nom du chanteur israélien Yehoram Gaon - il voit des drapeaux partout. Mais que viennent faire là l'ancien chef des services de renseignements militaires, Amos Yadlin, l'ancien chef de la police, Shlomo Aharoniski, et l'ancien directeur de l'hôpital universitaire Hadassah, Shlomo Mor-Yosef ? Que fait ici Ilan Cohen, un ancien directeur du cabinet du Premier ministre ? Peut-être devraient-ils expliquer comment ils peuvent apporter leur soutien à des gens qui en expulsent d'autres [Palestiniens] pour s'emparer de leurs maisons ?
Et qui y a-t-il à leur tête ? Vous ne le devinerez jamais. Pas le magnat des casinos [le milliardaire américian] Sheldon Adelson. Pas l'homme d'affaires américain Irving Moskowitz et son épouse Cherna.
Non, à leur tête se trouve un homme étroitement lié à la mémoire de l'Holocauste, un lauréat du prix Nobel de la paix et de la médaille de la Liberté de la présidence américaine : Elie Wiesel. Un homme au sujet duquel le comité Nobel déclarait : "Elie Wiesel est un messager pour l'humanité ; son message est un message de paix, de pardon et de dignité humaine."
Voilà un homme dont on attend qu'il manifeste une sensibilité particulière aux souffrances d'autrui, et ce où qu'il se trouve, aussi bien dans la ville roumaine de Sighetu Marmatiei, dont il est originaire, que dans le quartier de Silwan à Jérusalem. Voilà un homme qui se targue d'être l'ami de Barack Obama mais qui soutient des gens qui insultent publiquement le président américain.
Les saboteurs du processus de paix
Avant chaque réunion à Washington [pour la paix israélo-palestinienne], les activistes d'Elad préparent une énième invasion à Jérusalem, sabotant du même coup les efforts laborieux accomplis par les négociateurs. Peut-être [le Premier ministre israélien] Benyamin Nétanyahou savait-il pourquoi il proposa, un temps, la présidence d'Israël à Elie Wiesel - nous en tout cas, nous ne comprenions pas.
Elie Wiesel se déclare en dehors de la vie politique israélienne. Chaque fois qu'on lui a demandé de réagir à quelque injustice autour de nous qui rappellerait quelque autre injustice lointaine, il a éludé.
Alors maintenant le voir lui, entre tous les hommes, pénétrant violemment dans une maison [palestinienne] puis une autre, des maisons acquises par des transactions douteuses, qu'on peut faire évacuer dans la nuit avant que les draps et le café aient refroidi ? Lui, entre tous, brandissant le châle de prière pour dissimuler un nettoyage ethnique ?
De toutes les organisations d'Israël, il a choisi Elad, la plus controversée, un mouvement sans vérité, sans grâce, sans compassion. On ne comprend que trop bien pourquoi Elad l'a choisi lui à la présidence ; mais pourquoi a-t-il accepté ?
Elie Wiesel est un homme immensément respecté, par les Juifs et par les nations non-juives, parce que ce survivant est devenu un témoin et un passeur pour toutes les victimes de l'Holocauste. M. Wiesel, pourquoi ne rendez-vous pas un peu de ce respect ? Revenez sur votre choix, n'associez pas votre nom à Elad, ne signez pas leurs remerciements infamants.