braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

mercredi 26 février 2014

MÉMOIRE EN FRAGMENTS : CHRONIQUES SALADÉENNES (5)


L'ÉCOLE À TOUT PRIX : BENBADIS

Cela, à côté d'autres raisons certes, convainquit mon père de déménager au village. Là, en effet, était la civilisation : l'école, l'eau courante, l'électricité, l'automobile ; là étaient la promesse et la possibilité d'une vie meilleure. À la fin de la guerre, mon père avait quarante ans. C'était un homme aguerri, à qui la vie avait administré des leçons radicales. Ouvrier agricole, il avait fréquenté les syndicats et les communistes auprès desquels il avait appris qu'il avait le droit d'avoir des droits -dont celui, élémentaire, de se syndiquer. (Il convient de rappeler, à ce titre, que ce droit était dénié aux Arabes en vertu des dispositions du code de l'Indigénat -l'équivalent d'un Code Noir pour Arabes- qui ne sera abrogé officiellement -mais pas dans la pratique et les comportements quotidiens- qu'en 1936, par le gouvernement de Front Populaire.) Devenu petit fellah sur des terres inaccessibles aux engins motorisés, il avait compris que l'amélioration des conditions de vie des gens du douar passait là aussi par la politique. La politique, à ce moment-là, c'était des partis et des élections.

Parce qu'ils appartenaient à une fraction pieuse des Béni-Amer -la tribu fut travaillée, au XIX° siècle par la confrérie Derqaouiya-, les Ouled Sidi-Mass'oud et les Ouled Bouameur étaient complètement acquis aux idées des réformateurs musulmans du cheikh Abdelhamid Benbadis, elles-mêmes dérivées de la Nahda -la Renaissance, l'éveil- qui secoua les pays arabes et musulmans à la fin du XIX° siècle. Prenant acte de ce que leur monde était plongé dans une léthargie profonde, avait accumulé un retard énorme sur les pays modernes, les penseurs de la Nahda croyaient pouvoir le revivifier en retrouvant d'abord le message originel de l'islam. Ce faisant, ils adoptaient la même attitude, en apparence, que la Renaissance européenne. Celle-ci avait, en effet, effectué un bond en arrière de vingt siècles pour secouer le joug obscurantiste de l'Église catholique et retrouver les arts et la pensée des Grecs et des Romains. Cela lui avait permis de se libérer des schémas et des modèles stérilisants de la pensée médiévale. Mais les intellectuels de la Nahda n'ont, en fait, pas accompli le même itinéraire dans la mesure où leur retour en arrière s'est arrêté au message islamique : ils n'eurent pas l'audace intellectuelle de sortir de la référence islamique, d'adopter une posture critique située à l'extérieur de la religion. Ils ont été, de ce fait, plus proches de la Réforme protestante que de la Renaissance. Ils étaient, dès lors, condamnés à tourner en rond à l'intérieur d'une problématique de bout en bout religieuse. (La raison arabo-islamique n'en est, d'ailleurs, toujours pas sortie).

Benbadis, qui vivait avec le contrepoint de la société occidentale face à lui pour ainsi dire, sera parmi les plus lucides et les plus courageux des penseurs de la Nahda. Il ne craindra pas de revendiquer l'égalité citoyenne -c'est-à-dire la citoyenneté française pour les Arabes- avec la possibilité de conserver son statut personnel de musulman. Car la naturalisation -qui n'a concerné qu'une infime minorité d'Arabes- impliquait la perte de ce statut. En pratique, cela donnait des Arabes qui adoptaient le christianisme et portaient des noms français.

Au village, j'ai pu observer l'une de ces familles naturalisées -on disait « mtourizi », par déformation du terme naturalisé, pour nommer cette chose étrange : l'un des fils s'appelait Hmida à la maison, mais Victor à l'extérieur et pour les Européens ; sa sœur Rachida-Dorothée. Ce qui faisait rire aussi bien les Arabes que les Européens. Bien plus tard, je mesurerai la terrible violence qui avait été faite à ces gens : on leur avait ôté rien moins que leur identité en échange d'une égalité illusoire. D'ailleurs, cette même famille qui s'illustra dans une collaboration zélée avec l'armée française durant la guerre d'Algérie -le père nous dénonça à deux reprises à la gendarmerie- adopta des attitudes différentes lorsque la guerre s'acheva. Les fils suivirent les Européens dans leur exode, alors que le père et les filles demeurèrent chez eux : les risques qu'ils encouraient étaient importants -le père fut, en effet, arrêté, fit quelques mois de prison, fut libéré et mourut de vieillesse sans que personne lui cherchât noise outre mesure- mais ils avaient préféré les courir plutôt que de persévérer dans un entre-deux intenable. Bien leur en prit quand on sait quel sort fit la métropole à ses supplétifs.

(Ce n'est pas là un cas de figure spécifique à la France : la Hollande a pareillement traité les Moluquois qui s'étaient comportés en supplétifs zélés du colonisateur néerlandais en Indonésie ; ce dernier leur avait promis la reconnaissance d'un état moluquois à eux, les îles, détachées de l'ensemble indonésien. Les Néerlandais perdirent la guerre contre les indépendantistes indonésiens et se retrouvèrent avec les Moluquois sur les bras : ils ne les acceptèrent que contraints et forcés en Hollande mais les parquèrent dans des réserves à Moluquois. La morale des ces histoires est tellement évidente que je laisse le soin à chacun de l'énoncer dans les termes qui lui conviennent).

Benbadis fut reçu en compagnie d'une délégation du Congrès musulman algérien -front large comprenant l'association des Oulamas de Benbadis, le Parti communiste, la Fédération des élus, les syndicats...- par Léon Blum et Maurice Violette, respectivement chef du gouvernement du Front Populaire et gouverneur général de l'Algérie, auxquels il exposa ses revendications, principalement l'égalité citoyenne, le statut personnel, la liberté de l'enseignement et... la laïcité, c'est-à-dire la liberté du culte musulman sans ingérence de l'administration. En réponse, il reçut la promesse que vingt mille arabes seraient naturalisés ! Cette proposition, d'une indécence rare et très représentative de l'arrogance et du paternalisme colonialistes, ne fut même pas appliquée car les grandes familles de colons qui faisaient la pluie et le beau temps en Algérie -les René Mayer, Borgeaud, Cuttoli, Bertagna...- s'y opposèrent. « Quoi ? Des Arabes français ? Jamais de la vie ! » Léon Blum, en effet, se coucha devant les maîtres de l'Algérie -comme se couchera devant les mêmes et vingt ans plus tard, sous les jets de tomates et d'excréments, Guy Mollet. Blum lâcha même son gouverneur général que les colons appelaient « Violette l'Arabe », de même que Guy Mollet renoncera à installer Catroux au poste de G.G. 20 ans après ! Étrange bégaiement de l'histoire ! Persévérant en si bon chemin, Léon Blum abandonnera lâchement, quelques mois plus tard, la République espagnole face aux fascistes italiens et aux nazis allemands qui, eux, intervenaient en force aux côtés des Phalanges de Franco, dont la force de frappe initiale était constituée par les régiments de Tabors marocains, précisément rifains. Les Tabors marocains se rendirent coupables d'exactions telles qu'elles réactivèrent la vieille haine anti-arabe (los moros!), celle du temps des rois catholiques, des Espagnols. Dans son roman « L'espoir », André Malraux rapporte cette scène dans laquelle un Algérien, volontaire des Brigades internationales, a failli être lynché par les Républicains espagnols qui le prenaient pour un « Moro », un Tabor. (Moi qui allait vivre dans deux agglomérations à forte densité espagnole -mon village, Rio-Salado !- et Oran où sur 200 000 habitants européens, on comptait 160 000 originaires d'Espagne, j'aurais amplement l'occasion d'éprouver cette haine du Moro, à côté, il est vrai, d'amitiés solides et pures.)


Tout cela pour rappeler dans quelle atmosphère politique et idéologique s'était forgée la personnalité de mon père. Attaché à l'enseignement de Benbadis, c'était un homme pieux, un laïque, fier de ses origines et très conscient que les Arabes ne survivraient pas longtemps en tant que peuples et nations s'ils ne se mettaient pas à l'école des Européens. Se mettre à l'école des Européens, ce n'était pas les singer extérieurement -mon père n'a jamais troqué son turban et ses pantalons bouffants ou ses gandouras pour des complets-vestons ; par contre, pour nous, ses enfants mâles, pas question de s'habiller à l'arabe, de porter la chéchia ou des sarouels ; moi, par exemple, je portais un béret ! J'aimais cela et mon père, loin de m'en dissuader, m'acheta la coiffe ! Se mettre à l'école des Européens, c'était s'emparer et s'imprégner de leur savoir dans tous les domaines de la vie tout en restant soi-même. C'était cela le bréviaire du père et il n'avait de cesse de nous le rappeler.

mercredi 19 février 2014

MÉMOIRE EN FRAGMENTS : CHRONIQUES SALADÉENNES (4)

Le djébel Dhar el menjel


LA TRAVERSEE DE L'OUED

Un matin, notre grand-mère nous a rassemblés, moi, mes deux cousins, Saïd et Jaqaq, mes deux cousines, Bouhana et Rahmouna, et un des chiens de la maisonnée : elle nous apprit que nous allions l'accompagner au village et qu'il fallait rester groupés et lui obéir au doigt et à l'oeil. Nous n'avions encore jamais vu le village. Nous étions, en effet, totalement, complètement enclavés sur notre colline sablonneuse où le seul engin motorisé que nous vîmes jamais fut la Jeep de M. Joseph Sempéré, l'ami de mon père. La chose, voilée par un nuage de poussière, avait dévalé à toute vitesse la côte de sable qui mène à la maison de ma sœur cadette. Terrorisé, je m'étais réfugié dans les jupons de ma mère ; mon père riait aux éclats. Quand la chose s'arrêta à hauteur de notre maison, je vis un homme en descendre. C'était M. Sempéré et il ne se doutait pas qu'il venait d'entrer dans l'histoire pour avoir été le premier Blanc sur lequel s'est levé mon auguste regard ! M. Sempéré avait acquis aux enchères deux véhicules provenant des surplus de guerre américains : la Jeep et un camion GMC. Négociant en vins, possédant une propriété à Gaillac, près de Toulouse, M. Sempéré avait trouvé en mon père son interface -comme on dirait aujourd'hui- avec les M'saada. Ces derniers, sur conseil de mon père, vendaient tous leur récolte de raisin à M. Sempéré. L'homme ne les grugeait pas, avait un comportement normal à leur égard -par exemple, il nommait les gens et ne les appelait pas du générique de Mohamed comme faisaient généralement les Blancs quand ils s'adressaient aux Arabes-, et, quand la liste de M. Milhe-Poutingon Gontrand triomphera aux élections municipales, ce sera grâce aux voix des M'saada. Jo Sempéré sera le premier adjoint au maire et mon père, adjoint lui aussi ; le douar M'saada connaîtra alors son épanouissement : route asphaltée, électricité, fontaines publiques en attendant l'adduction d'eau dans les foyers, réfection de la Médersa...

Nous trottions donc derrière notre grand-mère ; elle s'était armée d'un long et robuste bâton et marchait en tête. L'image de la solide et menue vieille femme entourée de ses petits-enfants est restée gravée dans ma mémoire. Plus tard, elle ne manquera pas de me rappeler un personnage légendaire. Notre procession gravit d'abord la pente sableuse menant à la maison de Bouziane. Celle-ci était bâtie sur le sommet de la colline qui monte depuis la rive droite du Flumen Salsum. De là, s'offrait à la vue un panorama magnifique : la rivière tout en bas avec son cours méandreux ; le M'saada Thata, dans sa verdure munificente, recroquevillé au pied de Aïcha Touila, la montagne tutélaire qui le veille et le protège ; au loin, à gauche, on pouvait voir le ruban d'asphalte de la nationale 2. Il ne s'agissait maintenant que de dévaler la longue pente qui nous mènerait au bord de l'oued. Là, il y avait un passage à gué qui nous ferait passer sur l'autre rive. À moins d'un kilomètre de là, nous allions rallier la route goudronnée que l'on appelait « Trig Ensara », la route des Nazaréens, des Roumis si l'on préfère.

Dès que nous fûmes sur le bas-côté de la nationale, une voiture passa en trombe ; le déplacement d'air nous terrifia et nous nous serrâmes tous contre notre grand-mère. Lors du passage de la deuxième voiture, notre chien qui trottait fièrement sur l'asphalte, fut ramené aux dimensions d'une galette d'orge, je veux dire par là qu'il fut aplati comme une crêpe -mais nous ne connaissions pas les crêpes : comme lui non plus ne savait pas ce qu'était une automobile, il n'a vraisemblablement pas compris ce qui lui était arrivé. Tous se sont mis à pleurer, voulurent aller ramasser la bouillie sanguinolente ; à quoi la grand-mère réagit énergiquement en montrant son bâton et en disant que si jamais on s'écartait d'elle, on subirait le sort du kelb. Nous reprîmes notre marche, tremblant de peur. Je confesse que je n'ai pas pleuré la mort lamentable de notre chien même si j'ai été très impressionné par la compression qu'il avait subie. C'est que les chiens de la maison m'avaient attaqué un jour que nous revenions de la corvée de ramassage du bois et que, marchant à peine, je traînais derrière ma mère. Les bêtes -nos propres chiens domestiques- m'avaient cruellement mordu aux mollets, aux fesses, aux cuisses ; ma mère faillit en devenir folle d'autant que mon père n'était pas là : c'était la guerre.

C'est que ma mère avait eu une expérience dramatique d'une morsure de chien dont avait été victime ma sœur aînée, Kheïra. Mon père avait su très vite que l'animal avait la rage ; il connaissait les signes de cette maladie qui est nommée chez nous par un vocable dérivé du nom du chien, El kleb. Le médecin lui avait dit que le remède n'était disponible qu'à Alger. Comment fit le pauvre petit ouvrier agricole pour rallier Alger avec sa fille et y demeurer le temps qu'elle puisse recevoir les doses nécessaires de vaccin antirabique ? Mystère. Ma sœur m'a parlé de trains, d'hôtels, d'un voyage dantesque, toutes choses qu'elle n'évoquait que pour dire sa fierté et son incommensurable amour pour son père. Les choses s'étaient passées bien avant que je naisse, dans les années trente probablement. Beaucoup auraient baissé les bras -pour un garçon, je ne dis pas, mais pour une fille, pensez donc !-, s'en seraient remis à Dieu et aux charlatans qui pullulaient à l'époque, hantant les marchés en trimbalant leurs potions, embrocations, talismans et grimoires. Lui, parce qu'il était justement un ennemi acharné de la superstition et de la charlatanerie et qu'il n'avait confiance qu'en la science des Blancs, fit ce qu'il fallait. Je tiens ce voyage pour un acte héroïque, l'une des actions de mon père dont je suis le plus fier.

Cela dit, je garderai toute ma vie une peur des chiens et la conviction que cet animal, profondément perverti par l'homme, est lâche -il s'attaque aux gens sans défense, enfants, vieilles femmes-, et traître -on ne peut jamais lui faire confiance. Et ce n'est pas par hasard que la pire des injures porte son nom.

Nous arrivâmes enfin au village. À la première rue, nous bifurquâmes à gauche et fûmes bientôt au faubourg dit El-Htaïga, à la sortie est du village. Une rue, une seule, avec d'un côté des maisons et de l'autre une monstrueuse bâtisse dont il émanait une odeur pestilentielle ; notre grand-mère nous la désigna sous le nom de Trois-Six, sans plus de précision. Nous entrâmes dans la maison qui serait celle de mes oncles quelque temps après -mais cela je ne le savais pas. Un long couloir donnant sur un grand jardin intérieur, avec deux pièces de chaque côté. Nous avons joué dans le jardin alors que notre mémé discutait avec des femmes et des hommes. Nous sommes repartis dans l'après-midi. À quoi rimait cette expédition ? Peut-être s'agissait-il de finaliser l'acte d'achat de la maison ? Le fait est qu'elle m'a fait découvrir -entrevoir serait plus approprié- le village, c'est-à-dire un univers étranger où j'allais être appelé à vivre bientôt. Cela, je ne le savais pas encore.

LE GUÉ DE TOUS LES DANGERS

Un autre fait de gloire est à mettre à l'actif de mon père : le passage de la rivière, deux fois par jour, le matin et le soir, qu'il pleuve, vente ou fasse tonnerre. L'oued était imprévisible et ses débordements catastrophiques. À la saison des pluies, son cours grossissait et son courant devenait très fort et très dangereux, emportant les blocs de pierre du gué. Pourquoi donc mon père accomplissait-il cet acte plein de risques deux fois par jour ? Parce qu'il emmenait le matin son fils aîné à l'école du village et le ramenait, le soir, à la maison. C'était déraisonnable, fou même. Mes cousins, Lahouari et Saïd, avaient-ils été à l'école, eux ? Non. Ils faisaient comme leurs parents, comme les Anciens ! Et non content, mon père plaça la benjamine des filles à la Médersa des Badissiya du douar M'saada Fouaga ! La Médersa était, circonstance aggravante, mixte. Mon père était devenu fou, devait se dire la maisonnée ; hélas ! La guerre lui avait dérangé la cervelle. Car c'est au retour de la guerre que mon père prit ces étranges décisions. Certes, la benjamine des filles n'avait qu'une centaine de mètres à faire pour retrouver ses camarades et son maître, Si Chaachoua. Mais mon frère devait se lever avec mon père à trois ou quatre heures du matin et partir à pied pour le village ; environ six kilomètres à crapahuter avec, à la clé, le passage à gué de la rivière. Mon père portait son fils sur les épaules, y compris lors du passage de la rivière. Arrivés au village, ils se pelotonnaient dans l'embrasure du Café du Commerce, un bar très spacieux appartenant aux frères Davos, Albert et Émile. Le café n'était pas encore ouvert ; mon père faisait glisser son fils à l'intérieur de sa djellaba, tout contre lui pour qu'il ait chaud, et lui demandait de dormir. Lorsque l'un des frères Davos ouvrira le bar, mon père et mon frère seront ses premiers clients. Un café bien chaud.


La quête de la science des Blancs -dont je découvrirai qu'elle était la véritable obsession de mon père- était au prix de cette inhumaine navette. Les musulmans ont l'habitude de citer à tout bout de champ ce dit du prophète « Allez quérir la science même en Chine !» ; mon père avait compris qu'il n'était pas besoin d'aller si loin, que la science était à six kilomètres de là, à l'école communale du village. Au village justement résidait un autre oncle de mon père, Kouider, un des frères de Habib. Mes grands-oncles étaient au nombre de sept ; Kouider en était le benjamin. L'oncle accepta -ou se proposa- d'héberger mon frère afin de lui éviter l'épuisante navette. Cela marcha quelques jours seulement, mon frère ne montrant pas une disposition spéciale à demeurer loin de sa mère. Les allers-retours reprirent.

dimanche 9 février 2014

MÉMOIRE EN FRAGMENTS : CHRONIQUES SALADÉENNES (3)

Aïcha Touila

HÉCATOMBE DE PRÉPUCES

Je revois très bien le jour où Sid-El Hadj, le barbier-circonciseur du village, est arrivé par un matin ensoleillé, se balançant sur le dos de son âne. Il était impressionnant, avec sa barbe blanche et sa haute taille. Ce matin-là, il avait du travail ! Tous les mâles de la « maison » de Habib, soit cinq, à « tailler », ensuite ce serait le tour de ceux des Dlahma, des Mqadid, nos voisins.

Il y avait donc moi, mon frère aîné -le troisième n'était pas encore né ou n'avait que quelques semaines d'existence- et mes trois cousins, les fils de mon oncle Saïd. Mon oncle Cheikh qui n'avait, lui, que des filles, était tranquille de ce côté-là. Or, mes deux oncles étaient déjà grabataires : Saïd, phtisique de longue date avait été réformé et n'avait pas fait la guerre ; Cheikh, avait contracté une tuberculose osseuse sur les champs de bataille d'Afrique et d'Europe où il avait combattu dans la 2° Division Blindée de Leclerc ; il avait été démobilisé en 1944, quelques jours après la libération de Paris. C'est donc mon père qui s'occupait de tout.

Je devais avoir trois ou quatre ans et étais le plus jeune à subir le rite de passage chez les hommes. Des promis à la petite boucherie serait plus juste. Mes deux plus jeunes cousins avaient à peu près mon âge et celui de mon frère ; leur frère aîné, Lahouari, lui, avait bien douze ou treize ans. Posté en vigie sur la colline, il avait vu arriver Sid-El Hadj, avait donné l'alerte et s'était enfui en direction des vignobles où il s'était caché. Mon frère et mes cousins, tétanisés de peur, braillaient tout leur soûl comme si cela pouvait leur éviter de passer à la casserole ! En l'occurrence d'ailleurs, c'est de gass'a qu'il faut parler, ce grand plat en bois dans lequel on mange le couscous en commun. J'y passai le premier : mon père me souleva jambes écartées au-dessus de la gass'a ; Sid-El-Hadj sortit son instrument, une paire de ciseaux qui me sembla gigantesque. Ce fut seulement à ce moment-là que je compris pourquoi les autres beuglaient si fort : j'allais avoir mal ! Sid-El-Hadj chaussa d'épaisses lunettes d'écaille, se mit à me triturer le zizi. Le cri que je poussai quand il coupa fut immédiatement interrompu par la vision du bout de chair qui gigotait au fond de la gass'a ; fasciné par ses mouvements désordonnés, j'en oubliais de pleurer. Quand toutes les bèchicha de la maisonnée seront tombées au champ d'honneur, les mères iront les enterrer pieusement près de la maison afin que les chiens ne s'en mettent pas plein la lampe.

Lahouari, entre temps, fut capturé dans les vignes par les voisins ; on l'amena au bloc opératoire, si l'on peut dire ; il poussait des cris curieux ; que mon cousin me pardonne, mais je dois dire que cela ressemblait à s'y méprendre à des braîments. Il en fallait plus pour troubler un Sid-El-Hadj qui officia avec un calme olympien et trancha les chairs pachydermiques de Lahouari. Les gigantesques ciseaux devaient en avoir vu d'autres ! C'est que, dans le contexte de la guerre et de l'immédiat après-guerre fait de rationnement et de quasi-famine, les adultes avaient des sujets de préoccupation plus urgents que celui de prévenir le racornissement des prépuces.

Accordons-nous le temps d'une petite digression à propos de la circoncision. Nulle prescription islamique ne l'impose ; les rites mutilatoires sont plus sûrement d'essence africaine, imités (et sanctifiés) par les Hébreux au contact des Égyptiens. Il est curieux de relever que la Corée du Sud la pratique à très grande échelle, mais pas du tout celle du Nord ! C'est que celle du Sud a singé les dominateurs yankees en tout, y compris dans la circoncision car il fut un temps aux USA où la pratique était généralisée. Aujourd'hui, c'est l'Organisation mondiale de la santé qui la préconise dans le cadre de la lutte contre le Sida ! Si Sid-El-Hadj savait qu'il a bien mérité de l'OMS et de la santé publique internationale ! Mais d'autres voix, il est vrai, stigmatisent cette pratique en la mettant en regard de la mutilation infligée aux petites filles -qui, elle, n'existe pas chez nous. Les contempteurs de la circoncision feraient mieux d'être plus prudents et de faire oeuvre utile en rappelant que le papillomavirus -responsable du cancer du col de l'utérus- se tapit préférentiellement sous le prépuce des mâles. A bon entendeur...

Après la perte de notre bout de peau surnuméraire, nous fûmes alignés, côte à côte couchés dans nos gandouras blanches. Tout le monde s'étant mis au diapason de Lahouari, ce fut un concert de braîments. Je me souviens très bien que je ne pleurais pas mais comme les grands hurlaient à qui mieux mieux, il me parut qu'il était souhaitable que je m'y mette moi aussi parce qu'on pourrait me considérer comme une chose curieuse. Je serai toute ma vie ainsi : attentif à ne pas sortir du rang et, en même temps, gravement allergique au suivisme. Il me faudra de longues décennies pour apprendre que le seul mode d'existence des choses est la contradiction et que nos vies n'y échappent pas. Que le tout -mais c'est vite dit !- est de savoir identifier et tenir ensemble les deux termes de la contradiction.

PALMIPÈDES BLANCS

Quelques jours après, nous suivions Lahouari, jambes écartées, semblables à une procession de palmipèdes blancs, en direction de la vigne du colon ; pour cela, il fallait passer la ligne de démarcation : le délicieux ruisselet qui coule au fond d'un vallon sablonneux. Le ruisselet prenait sa source juste à quelques dizaines de mètres de là, passait près de l'immense caroubier à côté duquel était situé le puits. À partir du vallon, commençait le domaine des Blancs -que nous n'avions jamais vus-, une grande parcelle de vignoble impeccable. Notre territoire était sur l'autre versant et nous ne étions jamais aventurés sur les terres du Blanc. Pourquoi ce jour-là ? Parce que le sable de ce côté-ci du vallon était du vrai sable bien pur, bien propre, pas comme le nôtre qui était mélangé à de la terre noire, et que c'était ce qu'il fallait pour cicatriser notre blessure. Nous nous sommes donc couchés sur le ventre, le zizi planté dans le sable brûlant. Il faut noter que la circoncision se pratique durant l'été parce que le membre ratiboisé peut être laissé à l'air libre et que la chaleur est bonne pour la cicatrisation : c'était du moins la croyance admise. Comme était admise la croyance que le sable chaud cautérisait la plaie et l'empêchait de s'infecter. Il faut faire remarquer que nous n'avions pas à disposition le moindre antiseptique et que les antibiotiques venaient à peine d'être découverts ; de toute façon, ce n'est pas le douar M'saada qui en aurait eu la primeur ! Le bain de sable fut, cependant, de courte durée : un gardien accourait, matraque au clair, vociférant. Là où il y a colon, il y a gardien arabe chargé de surveiller ses congénères. Les grands, frère et cousins, détalèrent et me laissèrent en plan. Je me suis à pleurer et à courir comme je le pouvais, empêtré dans ma gandoura, les jambes écartées, quand j'aperçus sur l'autre versant ma sœur qui venait en courant à ma rencontre. Sa maison était juste en face de la parcelle du colon, sur l'autre versant du vallon. Quand elle fut assez proche, je l'entendis agonir le gardien d'injures ; ce dernier opéra une prudente manœuvre de repli, sachant combien il était risqué d'affronter une femme qui a un mari et des hommes dans sa famille. Ma sœur me prit dans ses bras et m'emmena chez elle. Là, elle éclata d'un rire aussi inattendu que sonore. La raison en était simplement ma démarche ridicule. Ma sœur ne cessait de répéter que je ressemblais à un petit canard et elle riait encore et encore.

BOURZIGA - L'EDEN

Le puits sous le caroubier se nommait « Hassi-Bourziga », le puits de Bourziga. C'est là que nous venions puiser notre eau potable. Nous avions un baudet sur les bâts duquel étaient attachés deux tonneaux en bois. C'étaient mes cousines, Bouhana et Rahmouna, les filles de mon oncle Cheikh, qui avaient à charge cette tâche. J'allais souvent avec elles. Je regardais Rahmouna jeter dans le puits l'outre attachée à la corde, lui imprimer un mouvement tournant du poignet et la hisser hors du trou noir dont je ne m'approchais jamais car il n'y avait pas de margelle. L'eau était d'abord versée dans des récipients afin de la débarrasser des inévitables sangsues ; ensuite seulement, les tonneaux étaient remplis. On retrouvait souvent là mes sœurs, préposées elles aussi à la corvée d'eau. Je garde un souvenir ébloui de cet endroit paradisiaque. Un puits était pour moi un objet de phobie et même de terreur ; pas celui-là. Je jouais dans le ruisselet où des myriades d'oiseaux venaient s'abreuver : chardonnerets, verdiers, serins...

Je n'ai pas, de ma prime enfance, de souvenir plus délicieux que celui-là : le vallon avec sa source et son petit ruisseau, son caroubier et son puits. Des années plus tard, après que nous aurons quitté le douar pour nous établir au village, je reviendrai souvent au vallon piéger les oiseaux à la glu et les capturer par dizaines. Pour les relâcher quelques jours après. Je revenais voir ma sœur aussi, évidemment. Et c'était toujours un crève coeur de devoir quitter mon petit paradis et rentrer au village. Je ne savais pas, alors, que le douar serait détruit et déclaré zone interdite. La guerre me privera très vite et à jamais de mon petit jardin d'éden.

samedi 8 février 2014

DÉCONSTRUIRE LA FRANCE

       
Le lait maternel est différent selon le sexe du bébé


Les fondateurs de la Gauche révolutionnaire historique -Karl Marx, Lénine, Gramsci...- ont souvent été qualifiés de « bourgeois » au vu de leurs mœurs personnelles, faites de respect de la famille traditionnelle et de refus du libertinage sexuel. Pour mémoire : Lénine condamnait les thèses féministes et sexualistes d'Alexandra Kollontaï et Marx -qui avait vécu une belle histoire d'amour avec sa femme Jenny Von Westphalen, une aristocrate pur sucre- avait mis son veto de pater familias au mariage de sa fille Éléanore avec l'officier communard P.O. Lissagaray (peut-être parce que c'était un soudard ?). On pourrait multiplier à foison les exemples et les illustrations qui montrent que les révolutionnaires historiques ne furent jamais des jouisseurs impénitents et que ceux qui sacrifièrent à l'hédonisme finirent très mal, en général, comme le montre le cas Danton. C'est que les vrais révolutionnaires ont autre chose à faire que de poursuivre les plaisirs de la vie et leur attachement au petit peuple leur interdit de le choquer par des comportements qui lui seraient étrangers.

Ce rappel pour dire que par les temps scélérats qui sont les nôtres aujourd'hui, aimer une (sa) femme et respecter l'ordre familial vous classe, sans autre forme de procès, parmi les réactionnaires, l'extrême droite et les fachos, par le cartel des journalistes institutionnels et de la « classe » politique régnante. Une alliance oxymorique entre des politiques -dont toute la science est de mentir et de travestir les faits- et des journalistes censés dévoiler et livrer au public la vérité des choses. Le mode opératoire de cette alliance est désespérément le même : diaboliser, lyncher et mettre à mort -sociale- ceux qui ont le courage d'aller à contre-courant de ses mensonges et de sa propagande. 

Aujourd'hui, elle s'est fixé comme objectif de dissoudre les structures millénaires de la parenté et de la filiation ; elle a une méthode pour ce faire : la « déconstruction » -notion bidon bricolée par un philosophe surfait dont il ne reste déjà plus rien. Elle dispose de forces supplétives dans l'anthropologie institutionnelle où des sociologues et des ethnologues (Françoise Héritier, Maurice Godelier, entre autres) se font les avocats d'une prétendue ingénierie familiale, un bricolage des formes familiales à la demande. Démentiel et, surtout, mensonger.

Ainsi, après avoir officialisé le mariage sodomite et lesbien (appelons les choses par leur nom), le cartel s'apprêtait à ouvrir la voie à ses pendants obligés, la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui), dans des textes de loi. Dans le même temps, il préparait la mise en place d'un gigantesque dispositif de lavage des cerveaux des enfants en introduisant l'idéologie du gender à l'école.

[Issue des travaux des féministes américaines, les « Gender's studies », cette idéologie dispose que la nature n'est rien et que la culture est tout, que le sexe biologique (homme/femme) est déconnecté du genre (masculin/féminin/indifférencié), et que, donc, on peut choisir son genre sans égards pour son sexe biologique. Toute la dialectique extraordinairement complexe de l'inné et de l'acquis est ainsi congédiée par des escrocs intellectuels au bord du délire.]

Ce cartel a une apparence : un quarteron de ministres à la culture approximative et au savoir-faire expéditif. L'un déclare « son attachement éternel à Israël » (au lieu de le déclarer au pays où il a choisi de se faire naturaliser, la France) ; un autre, croisé de la laïcité, « religion de la République » dit-il, n'en organise pas moins la Bar Mitsvah de ses enfants mâles (d'où l'on déduit que ce ne sont pas les valeurs républicaines qui organisent la vie familiale de ce ministre, mais la loi mosaïque) ; une troisième, vibrionnante et prolixe, a perdu une excellente occasion de mettre sa notoriété au service de la lutte contre le tourisme pédérastique et les viols d'enfants au Maroc, son pays natal; la quatrième, enfin, revenue de ses velléités d'indépendance guyanaise, passera à la postérité pour avoir décrété que les spectateurs de Dieudonné se rendent coupables de « complicité après coup de crime contre l'humanité ». Bigre !

Ce cartel a une réalité : un lobby puissant et fanatique, adossé aux milliards de son principal animateur, actionnaire du journal Le Monde (le ci-devant quotidien de référence ! Sans blague.) dont la ligne éditoriale s'est subitement mise à pencher, devinez de quel côté ? Le quotidien du soir a damné son âme pour un plat de lentilles et il connaîtra bientôt le sort réservé à tous les médias collaborateurs du courant dominant. Inéluctablement.

Pourtant, malgré le pilonnage effrayant des médias -la propagandastaffel, c'était du pipeau à côté !-, deux événements allaient semer la panique au sein d'un pouvoir discrédité mais sûr de lui et dominateur :

le premier : ils étaient 500 000 dans les rues de Paris lors de la Manif pour tous du 02 février courant (et cette fois-ci, ils avaient pris soin d'installer leur propre structure de comptage afin de ridiculiser la malhonnête pratique du ministère de l'Intérieur consistant à diviser le nombre réel des manifestants par 7, 8, voire 10).

Le second : complètement inattendu, a fait fait l'effet d'un uppercut que le boxeur n'a pas vu venir. Il s'agit du lancement d'une initiative audacieuse, une journée de retrait des enfants de l'école (JRE) pour exiger l'interdiction de l'idéologie du Gender dans les programmes de l'Éducation nationale. Grande panique chez le cartel : on ne s'attendait pas à cela ! Les ministres bafouillent et se contredisent : l'un, celui de l'EN, dit qu'il « refuse la théorie du genre » pendant que la vibrionnante et prolixe porte-parole du gouvernement assène, elle, que « la théorie du genre n'existe pas » ! Il faudrait savoir.

Mettons-les d'accord puisque leur culture est visiblement gravement lacunaire : théorie est un terme que l'on réserve généralement à un savoir scientifique organisé en une suite de propositions cohérentes. Dire donc que l'on refuse une théorie, c'est dire que l'on refuse un savoir scientifique, ce qui est le comble pour un ministre de l'EN (remarquez qu'on en a vu un, récemment, qui ne savait pas faire une règle de trois et Le Canard enchaîné avait reproduit la très officielle circulaire d'un autre qui contenait pas moins de 20 fautes d'orthographe).

D'un autre côté, dire que la théorie du genre n'existe pas, c'est avouer que l'on va enseigner aux enfants un savoir douteux qui n'a aucune lettre de créance dont il puisse exciper. De l'idéologie, en d'autres termes. De fait, qu'« enseignent » donc ces intervenants du lobby LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) qui ont licence de pénétrer dans les établissements scolaires pour y prêcher la bonne parole ? Ce fait à soi seul est un scandale sans nom et justifie amplement que les parents retirent leurs enfants d'une école devenue terrain de propagande sectaire, où les élèves constituent une proie captive et incapable de se défendre contre les idées qui lui sont perfidement instillées. Perfidement, car avançant sous le masque de « l'égalité » et de la légitimité de l'amour.

À l'initiative de cette JRE, une femme, une battante, ancienne de l'Union des étudiants communistes (UEC) et organisatrice de la seconde marche pour l'égalité (dite Convergences 84), Farida Belghoul. « Farida Belghoul, ckoiça ? », ont du se demander les journalistes du cartel dans leur langage d'abrégés. (Regardez-les : lequel d'entre eux n'est pas abonné à ce logiciel informatique qui empêche la pensée de se déployer à travers plus de 140 signes et qui nomme ses abonnés followers, suiveurs, plus sûrement suivistes ? Des abrégés, on vous dit.) Et ils ont passé en revue sa biographie et ses vidéos décapantes diffusées en particulier sur le site d'Alain Soral, Égalité et Réconciliation (E&R). Là, ils ont poussé un gloussement de satisfaction : « Eh ben voilà ! C'est une facho ! Ah... Et puis, elle a fait un séjour en Égypte... Hum... Louche, ça, l'Égypte  ! ».

Cependant, les politiques du cartel ont compris eux que l'on était passé à une étape supérieure dans le bras de fer qui met aux prises le système UMPS et la société civile : de la contestation des lois à la remise en cause d'une institution, l'École, appareil idéologique d'État extrêmement sensible. Le pouvoir s'est empressé de battre en retraite et de reporter sine die ses projets de loi sur la famille, non sans que les médias collabos tentent une justification invraisemblable à la reculade en prétendant que le report était dû à la volonté du Président de donner quelque satisfaction au Pape ! (Quoiqu'il en soit, le croisé de la laïcité et ministre de l'EN appréciera.)

Le cartel politico-médiatique est la face visible de la nouvelle barbarie. Le Capital s'est subsumé le marché mondial et entreprend une nouvelle phase de sa domination : la destruction des valeurs morales et sociales qui maintiennent l'individu arrimé au groupe. Car le Capital a un besoin essentiel, existentiel, qui n'a jamais varié depuis les prémisses mêmes de ce mode de production et d'échange : dépouiller l'homme de ses moyens de production et d'échange non seulement matériels mais encore immatériels, afin de le réduire à une monade consentante et suiviste, un individu impuissant, un « homme unidimensionnel », dont la seule raison de vivre est de se repaître d'objets de consommation inutiles.

Face au cartel barbare, la société française s'arc-boute et tient tête : elle a compris -confusément peut-être mais indéniablement- que c'est son sort qui se joue là. Ceux qui, sous le faux drapeau de l'égalité, lui tracent un chemin de perdition, elle les sait maintenant hypocrites et menteurs, poursuivant des desseins inavouables, dont, au demeurant, ils n'ont pas eux-mêmes une claire conscience de la gravité. 

La France est face à un dilemme simple : se laisser "déconstruire" ou réagir. Et c'est la société civile -"vraie scène de l'Histoire", disait Marx- qui détient la clé de l'avenir.

Pour plus amples informations, cf http://jre2014.fr/ qui met en ligne le texte de cette pétition :

MANIFESTE DES INTELLECTUELS DU PEUPLE
DESTINE AUX PARENTS D'ELEVES

Sont signataires des écrivains, des artistes, des personnalités, des professeurs, des instituteurs, des éducateurs, des associations.
Nous, intellectuels de France, pour sauver nos enfants, déclarons solennellement devant le monde civilisé que l'introduction de la « théorie du genre » à l'école est une arme de destruction massive dirigée contre le peuple français.
L'Education Nationale autorise les expérimentations de « la théorie du genre » sur l'enfance. Le mariage homosexuel, le respect de l'égalité garçons-filles, la lutte contre les discriminations - en particulier « homophobes » - ne sont en fait que des alibis.
Redoutables alibis d'un faux universalisme juridique et abstrait qui, au prétexte du droit de s'aimer, met sur pied d'égalité le semblable et le complémentaire, l'exception et la règle contre tout principe de réalité. Les résultats de cette fureur d'égaliser qui confond tout sont déjà sous nos yeux.
« Le mariage pour tous » n'a été institué qu'en préambule à la mise en oeuvre de « la théorie du genre » dans toutes les institutions de l'Etat français. De surcroît, au moyen d'un ministère de l'Education Nationale, l'Etat empiète sur le rôle des parents, et à terme les supplante. Ainsi nous estimons que la restauration d'un ministère de l'Instruction Publique doit s'ajouter à l'interdiction de l'idéologie du genre à l'école.
C'est pourquoi nous tenons à affirmer, devant l'opinion tout entière, que nous appuyons les Journées de Retrait de l'Ecole.
Nous ne sommes pas dupes des machinations de l'Education Nationale. Mensonges et calomnies du pouvoir actuel tentent de discréditer notre cause juste, noble et cruciale.
Il est faux que ces orientations du gouvernement soient de nature constructive. Le pays entier jugera d'après les preuves que lui fournissent les textes officiels. Le mensonge est une arme empoisonnée que nous ne disputerons pas à nos adversaires : menteurs ils sont, menteurs ils resteront.
À vous qui nous connaissez, nous clamons que les parents sont les gardiens des biens les plus précieux de l'humanité.
Croyez bien que dans cette lutte nous irons jusqu'au bout. Nous vous en répondons sur notre nom et nous nous engageons sur notre honneur.
Les Elus de la nation mettent en péril l'avenir de la civilisation. Ceux qui se consacrent corps et âme aux choses de l'intelligence se doivent de faire entendre avec vigueur le sursaut de l'esprit.
L'intelligence — celle qui confère autorité — se refuse à être complice d'une telle aberration. Aussi, les signataires de cet appel interpellent les parents afin de les encourager à participer aux Journées de Retrait d'Ecole un jour par mois pour interdire la théorie du genre et ses expérimentations sur nos enfants.
Intellectuels du peuple, nous ne pouvons laisser une idéologie minoritaire et fanatique l'emporter contre le voeu de tous. Pour empêcher un tel suicide, nous en appelons à toutes les forces du bon sens.