*Uomini contro, film de Francesco Rosi
Au
moment où les social-traîtres et les staliniens ossifiés prédisent
– en se frottant les mains, sur le mode "On vous avait bien dit
que Syriza se coucherait"- l'échec du gouvernement grec, Carolie Delaume, journaliste et écrivain,
nous livre une analyse pénétrante de la situation de la Grèce.
Elle rend hommage au courage de ces hommes et femmes qui ont décidé
de ne plus subir d'humiliation de la part d'un vieux grigou européen
qui n'est plus capable d'appréhender les choses de la vie que par la
comptabilité et la rapine. Quant aux purs, ceux qui assistent en
spectateurs à la bataille, on pourra dire d'eux ce qui a été dit à
propos de la morale de Kant : comme elle, ils ont les mains pures mais ils n'ont pas de mains.
Petit rappel à l'usage des donneurs de leçons de révolutionnarisme : en 1871, quand se déclenche la Commune de Paris, Marx constate lucidement que les ouvriers parisiens sont bien seuls "pour partir à l'assaut du ciel". Pour autant, il ne leur a pas ménagé sa solidarité agissante et multiforme et n'a jamais eu vis-à-vis d'eux le langage défaitiste de ceux qui se contentent d'attendre le grand soir.
Ceux-là peuvent toujours attendre.
Petit rappel à l'usage des donneurs de leçons de révolutionnarisme : en 1871, quand se déclenche la Commune de Paris, Marx constate lucidement que les ouvriers parisiens sont bien seuls "pour partir à l'assaut du ciel". Pour autant, il ne leur a pas ménagé sa solidarité agissante et multiforme et n'a jamais eu vis-à-vis d'eux le langage défaitiste de ceux qui se contentent d'attendre le grand soir.
Ceux-là peuvent toujours attendre.
Coralie
Delaume est journaliste. Elle a notamment publié «Europe. Les Etats
désunis» (Michalon, 2014). Cf lien ci-dessous.
Difficile
d'y voir clair dans les tractations entre la Grèce et le reste de
l'Europe. Que se passe-t-il exactement? Alexis Tsipras a-t-il
capitulé ou est-il au contraire en train de retourner la situation?
Coralie
Delaume: Je
ne peux pas encore vous dire s'il a retourné la situation. Mais il
n'a pas capitulé. Et tout semble indiquer qu'il ne le fera pas, à
la grande déception, sans doute, de ceux qui espéraient le voir
rapidement «dégrisé par les réalités du pouvoir».
Cette
semaine, la Grèce devait une fois de plus envoyer une liste de
réformes à ses «partenaires» européens, pour examen par le
«groupe de Bruxelles», le nouveau nom donné à l'ex-Troïka. Un
accord sur lesdites réformes devait permettre au pays d'obtenir une
aide supplémentaire de 7,2 milliards d'euros. Mais l'accord n'a pas
eu lieu. Le gouvernement grec a certes fait des concessions. On a
beaucoup parlé, par exemple, de la reprise de la privatisation du
port du Pirée au profit de la société de fret maritime chinoise
Cosco. Et on l'a évidemment présenté comme le signe avant-coureur
d'une reddition grecque.
Mais
ce n'est pas si simple. En fait, Athènes a envoyé par ce biais un
signal amical à la Chine, à la suite de quoi Pékin s'est empressé
de racheter 100 M€ de bons à court terme (T-Bills) grecs. Or il
faut savoir que la Banque centrale européenne, qui joue dans ces
négociations un rôle extrêmement trouble, avait
demandé quelques jours auparavant aux banques commerciales hellènes
de ne plus acheter de bons du Trésor du pays ). Il était
donc urgent qu'Athènes trouve une solution substitutive pour se
maintenir à flot!
Toujours
est-il que la situation semble bloquée entre la Grèce et ses
créanciers, avec deux points d'achoppement principaux. Les Grecs ne
veulent ni d'une réforme des retraites, ni d'une nouvelle entreprise
de libéralisation du marché du travail. Pour l'instant, seuls
contre tous - il faut noter qu'aucun pays de l'Union européenne ne
leur apporte le moindre soutien, pas même ceux gouvernés «à
gauche» - ils tiennent bon là dessus, avec un courage qui force le
respect.
A
la date cruciale du 9 avril, l'État grec devra débourser 458
millions d'euros au FMI. Le 8 avril Alexis Tsipras rencontre Vladimir
Poutine, hasard ou coïncidence?
Si
la Grèce est tentée, faute d'alliés en Europe, de se tourner vers
la Chine, elle doit l'être d'autant plus de jouer la carte russe.
Car les liens entre les deux pays sont anciens, chose qu'a récemment
rappelée Alexis Tsipras. Interrogé par la presse russe et faisant
référence au nazisme, il a affirmé «qu'un
rapprochement entre les deux pays (...) trouve ses racines dans les
relations fraternelles que (les) deux peuples ont fondées, parce
qu'ils ont mené un combat commun, à un moment critique de
l'histoire».
Donc
les relations s'intensifient. Cette semaine par exemple, le ministre
de l'énergie grec Panagiotis Lafazanis était à Moscou. Le but
était de discuter avec les Russes de la question gazière, notamment
du tracé du futur pipeline «Turkish stream». On se souvient
qu'entre autres âneries lourdes de conséquences, «les Européens»
se sont crus malins en infligeant des sanctions à la Russie au sujet
l'Ukraine. A titre de représailles, Poutine a annulé le projet de
gazoduc South stream, puis s'est rapproché de la Turquie pour mettre
en route un projet alternatif, Turkish stream. Nécessairement, ne
serait-ce que pour des raisons géographiques, la Grèce sera de la
partie.
Autre
sujet de rapprochement possible: l'armement. Sur ce point et selon la
presse grecque , le ministre de la Défense Panos Kammenos
semble courir deux lièvres à la fois. Il discute avec les
États-Unis et avec la Russie - où il devrait se rendre bientôt -
toujours pour la même raison: trouver des partenaires substitutifs à
ceux, défaillants, de l'Union européenne. En effet, alors que le
nouveau gouvernement hellène est en train de rouvrir quelques vieux
dossiers et que plusieurs
scandales de corruption impliquant des entreprises allemandes en
Grèce font surface, il semble logique qu'Athènes cherche à
diversifier quelque peu ses fournisseurs...
Les
raisons d'un rapprochement Grèce-Russie sont donc nombreuses, et
résultent directement de la manière inamicale dont «les Européens»
traitent chacun de ces deux pays. Quant à dire qu'il y a un lien
entre la visite de Tsipras à Moscou le 8 avril et le remboursement
dû au FMI le 9.... je ne sais pas. En tout cas, The
Telegraph note que la Grèce n'a pas les moyens de faire face à
toutes ses obligations. Elle ne peut vraisemblablement pas payer
les traitement de ses fonctionnaires tout en remboursant le Fonds. Et
le journal britannique rend compte de cette déclaration d'un
officiel grec: «nous sommes un gouvernement de gauche. Si nous
devons choisir entre faire défaut au FMI et faire défaut à notre
propre peuple, il n'y aura pas d'hésitation».
Un
Grexit est donc de nouveau une hypothèse crédible?
Plus
que jamais. En essayant tout ce qui semblait possible d'essayer sans
se renier, Tsipras a montré à la population grecque à quelle point
l'Union européenne est dogmatique et déraisonnable. Il a ainsi
œuvré à préparer les esprits. Même si la sortie de l'euro ne
figurait pas dans le programme électoral de Syriza et même si les
Grecs n'y sont pas majoritairement favorables, ils doivent être en
train de s'apercevoir à cette heure qu'ils n'ont le choix qu'entre
le Grexit et la capitulation. Or le refus d'être davantage humiliés
par l'UE a beaucoup joué dans la victoire électorale de la gauche
radicale....
En
outre, on prépare également les esprits dans le reste de l'Europe.
Il y a déjà plusieurs jours, le très informé journaliste Jean
Quatremer annonçait sur son compte Twitter la mise en place d'un
contrôle des capitaux en Grèce pour une date située aux alentours
du 10 avril. On y arrive...
De
même, un site grec, To Pontiki, relayait il y a quelques jours
l'information selon laquelle des responsables européens planchaient
sur l'introduction
en Grèce d'une «double monnaie» . Autrement dit, à
défaut de pouvoir émettre des euros, le pays pourrait se mettre à
imprimer des reconnaissances de dette ou «IoU» («I owe you» )
pour faire face à ses échéances internes, payer les traitements,
payer les retraites. Une partie du chemin serait alors faite: la
Grèce aurait un pied dehors.
Ce
Grexit se doublerait donc d'un rapprochement avec la Russie. Quelles
pourraient être les conséquences sur le plan géopolitique pour
l'Europe?
Les
conséquences géopolitiques: voilà bien une chose à laquelle
personne ne s'intéresse! Tout le monde semble convaincu que la
géopolitique - voire la politique tout court - est un résidu du
XIX° siècle, et que nous serions désormais à l'ère de l'économie
et de comptabilité. Les ratios d'endettement, les taux de déficits
public semblent les seules choses dont se préoccupe cette Europe,
devenue un trou noir politique!
Mais
il se pourrait qu'on assiste à d'étonnantes recompositions. On a
parlé de l'intensification des discussions russo-grecques, du
rapprochement russo-turc autour du projet Turkish stream, mais il
faut aussi se rappeler que la Russie est traditionnellement liée à
Chypre. Or il est probable qu'aucun de ces deux pays n'ait goûté la
manière dont Chypre a été «sauvée» en 2013. L'Europe, on s'en
souvient, avait alors décidé de faire payer les déposants de plus
de 100 000 €, parmi lesquels nombre de Russes. Cela se fit via la
mise en place d'un contrôle des capitaux dans l'île, afin que ces
déposants ne puissent rapatrier leurs fonds. Aujourd'hui, les deux
pays amorcent une petite revanche: Poutine
et Nicos Anastasiades ont signé au mois de mars un accord relatif à
la possibilité pour la marine russe d'utiliser les ports de Chypre.
Bref,
l'Union monétaire européenne s'effiloche chaque jour davantage.
Hébétés, «les Européens» ne comprennent plus ce qui leur
arrive. Du coup, eux qui n'attendaient la Russie qu'en Ukraine la
laissent tranquillement s'installer en Méditerranée.
Économiquement, politiquement, cette Union européenne est un
«fiasco sphérique»: quel que soit l'angle sous lequel on la
regarde, on constate l'uniformité parfaite du désastre.
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/04/03/31001-20150403ARTFIG00399-et-si-les-grecs-preparaient-leur-sortie-de-l-euro-avec-l-aide-de-poutine.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire