braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

vendredi 1 novembre 2013

LE 1ER NOVEMBRE 1954 A-T-IL EU LIEU ?




 À sa sortie de prison (janvier 1955), 'Abane Ramdane, après avoir écouté l'exposé que lui firent Krim Belkacem et 'Amar Ou'amrane sur les attentats du 1er novembre, leur dit, effaré par l'amateurisme et l'impréparation de l'opération : « Mais vous êtes des criminels ! ». L'homme politique cultivé -j'en profite pour verser une pièce au dossier : 'Abdelhamid Benzine m'a dit, un jour que nous évoquions la figure de 'Abane, que ce dernier avait fait ses premières classes à l'UDMA-, le militant civilisé pressentait-il que le peuple algérien paierait très cher cette impréparation qui confine au « Khalat'ha tasfa » (Casse tout, ça se clarifiera après !) populaire ?

En ce jour anniversaire du 1er novembre 1954 -qui a eu lieu il y a 59 ans, rappelons-le pour les généraux de l'armée morte qui craignent encore qu'il ne survienne pas-, il n'est pas inutile de rappeler que l'histoire s'écrit et se réécrit sans cesse, qu'elle n'est jamais achevée, enclose une fois pour toute sur un sens inaugural et définitif. C'est le propre de tout discours scientifique d'être révisable (falsifiable, disait Karl Popper). Autrement dit, l'histoire a une histoire, comme tout discours scientifique, du reste. (Karl Marx faisait remarquer que le seul discours qui n'a pas d'histoire est le discours idéologique.)

Je ressasse ces lieux communs parce que mes écrits et mes réflexions sur la conduite de la guerre d'indépendance algérienne (cf Regarde les colonels tomber, La dame de cœur, Un pays, deux intelligentsias, etc....) m'ont valu des procès en sorcellerie qui ont pris la forme -à chaque fois, ce qui est remarquable- d'un syllogisme expéditif : vous critiquez la façon dont a été menée la guerre côté FLN, donc vous êtes contre le 1er Novembre, donc vous appartenez aux ennemis de la lutte armée, donc au parti de la colonisation -ces familles dites de grande tente (qu'une propagande sommaire et mensongère a démonisées toutes sans exception alors qu'une partie non négligeable d'entre elles a tenu son rang avec dignité. J'en connais personnellement au moins une, les Ould Kadi d'Oran, Frenda et Hassi-el-Ghella, dont plusieurs de ses membres sont mes amis très chers, qui a eu une attitude autrement plus courageuse que ceux qui dressent des attestations d'honorabilité, bien après la bataille.) 

Ainsi, pour avoir avancé une réflexion critique sur l'opération du 20 août 55 (cf La dame de coeur) qui coûta au peuple algérien la mort de 12 000 innocents, exterminés par l'armée française et les milices coloniales, -opération déjà très critiquée en son temps par deux dirigeants prestigieux du FLN, 'Abane et Benmhidi-, je suis devenu ennemi du 1er novembre par le jugement d'un gardien autoproclamé de la mémoire des martyrs, transfuge du PAGS au bénéfice du soi-disant Tahadi ! Mais déjà, un ancien du PAGS m'avait intenté un procès semblable à propos de mon article "Regarde les colonels tomber", dans lequel j'instruisais, de mon côté, un procès à l'ancêtre de la SM -le MALG- pour n'avoir pas su -ou pas voulu ?- protéger les combattants de l'intérieur. Le même procédé a été utilisé, m'accusant d'être contre le 1er novembre !

Le 1er novembre a eu lieu et je ne suis pas spécialement porté sur les exercices absurdes et vains comme réécrire l'histoire ou me poser des questions du genre : Si ma tante en avait eu, on l'aurait appelé mon oncle. Je note, cependant, avec intérêt, que ces anciens du PAGS, sous couvert de défense du 1er novembre (ont-ils seulement conscience de l'absurdité d'une pareille proposition?), sont sur la même ligne de propagande que celle du pouvoir politique algérien dont le coeur, comme chacun sait, est la SM.

Et si j'appliquais, alors, à mon tour, la même déduction syllogistique à mes procureurs et que je leur dise : puisque vous êtes sur les mêmes positions que le système, et que le système est celui de la SM, alors vous êtes les défenseurs de la SM ? Qu'ils se rassurent : je ne le dirai pas parce que je ne suis pas coutumier de la pratique de l'amalgame et j'ai en exécration absolue les techniques des procès de Moscou. Mais d'aucuns pourraient le dire...


Cela étant, le problème réel qui s'est constamment posé au PAGS est celui de la proximité idéologique fondamentale (le culte commun du plébéio-nationalisme, cette puérile glorification de la plèbe devenue le nouveau messie rédempteur) de certains de ses cadres avec les milieux, soi-disant de gauche de l'ANP et de la SM. Au point qu'à une certaine période -c'était dans les années 80-, le parti lança une campagne dite de « concertation » avec les cadres militaires : nous étions conviés à nous rapprocher d'eux et à « nous concerter » avec eux sur l'évolution du pays. On le voit : l'illusion d'une évolution à la cubaine (la transmutation miraculeuse des démocrates-révolutionnaires en marxistes pur sucre) était décidément tenace.

(Je peux témoigner de la réaction de deux chefs de région militaire et membres du CC du FLN, aux sollicitations de camarades du parti : le premier : Ah parce que vous faites confiance à Chadli ? Le second : Laissez tomber et investissez-vous dans l'activité productive. Je rappelle que le PAGS avait appelé à voter pour Bendjedid...)

Ce terrorisme idéologique qui dresse des tabous et trace des limites à la simple réflexion est bien celui auquel nous a habitués le pouvoir despotique et mafieux qui tient l'Algérie dans ses serres de rapace. Force est de constater, hélas, qu'il peut compter sur des forces supplétives -auxquelles il n'a rien demandé, du reste. Personnellement, ce terrorisme n'a pas la moindre chance de m'atteindre, encore moins de m'amener à résipiscence. Je sais d'où il vient, de qui il est l'apanage : des naufragés de l'histoire, de ceux qui ont construit toute leur existence sur un seul paradigme. Cet axe venant à vaciller, les voilà qui perdent leurs repères, niant le réel nouveau et se cramponnant à un passé outrageusement mythifié. Alors, ils sont capables, en effet, de toutes les approximations historiques et des amalgames politiques les plus grotesques. 

Tranquillisons-nous, cependant : rien ne résiste à la marche triomphale du calendrier. Ce que Marx énonçait autrement : "Le communisme est le mouvement réel qui abolit l'état de choses existant".




































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