La mort du toréro, Pablo Picasso |
Les
Algériens -c'est connu- passent pour être très chatouilleux sur le
registre de l'amour de leur pays. C'est du moins ce que répètent à
l'envi les médias internationaux. Les Algériens ont eu à conforter
cet avis avec la victoire de leur équipe nationale de balle-au-pied
obtenue sur la Corée du sud. Leurs médias nationaux sont
dithyrambiques, leur télévision -dite « l'Unique »-
diffuse à tour de bras les clips inénarrables à la gloire d'El
Khadhra -la Verte- et, sur la Toile, c'est à une explosion d'écrits,
parfois d'un enthousiasme naïf, que nous assistons.
L'Odjaq
-l'ordre janissaire qui règne- ne manquera, évidemment, pas d'en
tirer profit, d'autant plus que pas un secteur d'une opposition
autoproclamée n'osera aller à l'encontre de l'unanimité nationale.
Quand El Khadhra gagne, c'est l'Algérie qui gagne. Mais cela est
vrai de tous les pays. Panem et circences -du pain et des
jeux !- sont les deux mamelles éprouvées de toute domination
idéologique.
Reste
que les Algériens devraient reconnaître ce fait simple et massif :
sur les 11 joueurs alignés face à la Corée du sud, 8 sont
français, nés en France, formés en France, évoluant dans des
clubs professionnels européens ou asiatiques. On peut donc dire que
la France est le seul pays qui possède deux équipes nationales
qualifiées à cette coupe du monde.
J'entends
d'ici les vociférations indignées m'accusant de dénier la qualité
d'Algériens à des jeunes gens qui font honneur à leur patrie. Ce
serait pure hypocrisie. Il ne s'agit pas de dénier à quiconque le
droit d'être Algérien s'il le désire -je pense même, au
contraire, qu' en adoptant un code de la nationalité parmi les plus
fermés au monde, l'Algérie a tressé de ses propres mains son
malheur-, mais de reconnaître des faits au lieu de valider
l'attitude schizophrénique de l'Odjaq : vitupérer en paroles
« l'ex-puissance coloniale » et sa « langue
étrangère » mais parler français entre soi et placer son
argent et sa progéniture en France. Soyons équitables : il n'y
a pas que l'Odjaq qui témoigne de cette ambivalence. D'autres,
opposés à l'Odjaq, succombent irrésistiblement au nationalisme au
petit pied de la balle-au-pied…
Et
puisque nous y sommes, un mot sur l'hymne national. Il ne gêne pas
le nationalisme ombrageux de l'Odjaq que la musique de cet hymne ait
été composé par un égyptien. Pas plus que la langue des paroles
soit ampoulée, boursouflée et pompeuse à un point rare. Pour un
chant censé être populaire, c'est un contresens !
Pas
étonnant que le peuple lui préfère « Min jibalina » !
Mais le bon peuple sait-il que ce chant patriotique est copié d'une
marche militaire française, intitulée « Sambre-et-Meuse » ?
Au lieu de s'en désoler (comme le faisait Bachir Hadj-Ali en 1964,
dans sa brochure intitulée « Qu'est-ce qu'une musique
nationale ? »), on peut valablement le proposer comme
hymne national, en rappelant que cette marche -« Le régiment
de Sambre-et-Meuse »- a été composée à la gloire de l'armée
du peuple sans-culottes qui a défait les Prussiens à Valmy et
sauvé, ainsi, la révolution. Ce serait là, à coup sûr, un
événement symbolique de qualité.
Mais
peut-être que l'Odjaq préférerait une marche turque, qui sait ?
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