Le
vice-ministre de la Défense et chef d'état-major des armées, le
général-major Gaïd-Salah, a envoyé un message de soutien à
l'actuel secrétaire général du FLN, à l'occasion de la tenue du
congrès de ce parti. Saadani (le SG) a été réélu et a ainsi
terrassé ses adversaires. Il n'en fallait pas pas plus pour que
s'élève un concert de protestations et de lamentations de la part
des soi-disant partis, ceux qui sont tolérés à bâfrer à la
mangeoire :
-
le RCD, qui a servi le pouvoir militaro-policier en lui permettant de
faire éclater le FFS ainsi que de faire disparaître le MCB
(mouvement culturel berbère).
-Le
parti virtuel de Benflis, Talai'ou el hourriyat, les avant-gardes des libertés ! Ça ne s'invente pas bien que ce titre ronflant ne
soit qu'un faux-nez du BTS.
-Le
parti trotzkyste (le trotzkysme mène décidément à tout, y compris au néo-conservatisme) dit des
travailleurs qui a pour fonction -à lui assignée par le pouvoir-
d'occuper le créneau "ouvrier"
laissé vacant par la disparition du PAGS.
-Ainsi
que bien d'autres "partis"
dont on serait bien en peine d'identifier les dirigeants -sans même
parler du programme.
Et
tout ce monde crie à l'unisson que, par son message de soutien, le
chef d'état-major de l'ANP a contrevenu à une règle essentielle
qui est que l'armée n'a pas à se mêler de politique. Au
Costa-Rica, certes oui, pour la bonne raison que ce pays n'a pas
d'armée (puisqu'il l'a supprimée, sage décision). Mais en
Algérie ? Qui détient le pouvoir sinon l'armée et son bras
politique et policier qu'est la SM ? Ce que le dernier des
Algériens sait empiriquement -parce qu'il touche du doigt, pour
ainsi dire, la réalité et l'identité de ceux qui ont le pouvoir
véritable-, les politiques ne le sauraient pas ? Allons !
Ces politiciens jouent en vérité une partition qui a été écrite
pour eux par d'autres qu'eux et ils n'ont pas d'autre choix que de
faire semblant d'y croire pour être crédibles à leurs propres
yeux :
-faire
semblant de croire que l'Algérie est une république pluraliste, et
non pas une mazra'a (hacienda), propriété privée de l'Odjaq (Dar
Es-Soltane, si on préfère la référence ottomane).
-
Faire semblant de croire que l'armée est une institution neutre et
non un appareil répressif d'état qui fonctionne au profit exclusif
du clan qui a réussi à s'imposer.
-Faire
semblant de croire qu'ils sont LA représentation nationale alors
qu'ils ne sont, en tant qu'idiots utiles de l'Odjaq, détenteurs
d'aucun pouvoir.
Pourtant,
personne ne rappelle un fait inouï qui s'est passé il n'y a guère :
la volée de bois vert assénée par le SG du FLN au dieu de
l'Algérie, le chef de la SM soi-même, Mohamed Médiène Tewfik.
C'était juste après l'attaque du centre gazier de Tiguentourine.
Médiène avait été dépouillé de sa toute-puissance par la
dévolution de ses attributions léonines à une sorte de conseil
supérieur de l'armée dans le même temps où ses principaux
adjoints étaient limogés. (Mhenna Djebbar, Bachir Sahraoui Tartag,
Rachid Laalali, Abdelkader Aït Ourabi Hassen ; ce
dernier a même été arrêté sous des chefs d'inculpation très
graves -entre autres pour "constitution
de bande armée".
En clair, constitution de faux maquis islamiste.)
Ce
nettoyage avait été analysé comme un rééquilibrage au profit de
l'armée face à une SM devenue toute puissante. Dès lors, le
message adressé à Saadani par le chef d'état-major trouve sa
signification dans la volonté réaffirmée de continuer le travail
de réduction à quia de Médiène. En toute logique, le chef
militaire renvoie l'ascenseur au chef nominal du FLN qui avait si
bien éreinté le chef espion. Le tout fait évidemment partie du
travail de préparation que mène le Dey pour s'assurer une
succession à sa main, ce qui suppose affaiblir au maximum la SM.
Mais
direz-vous, pourquoi ce qu'un mortel doué de raison peut subodorer,
les politiciens algériens ne le voient pas ? Tout bonnement
parce que le simple mortel n'est pas à plat-ventre devant l'armée
et la SM, alors que le politic(h)ien l'est.
Disons-le
autrement : l'armée et la SM constituent l'impensé du discours
politicien algérien. Impensé veut dire ce qui ne se pose pas comme
problématique tellement il paraît naturel, allant de soi. Et la
tâche centrale du discours idéologique de tout pouvoir est
justement de présenter comme naturelle la domination : le
capitalisme est éternel parce que naturel ; en Algérie, le
pouvoir de l'armée est naturel parce que le pays lui appartient
puisqu'elle l'a délivré du colonialisme. Autant de mensonges qu'une
intelligentsia véritable s'attacherait à démonter. Mais en
connaissez-vous beaucoup des intellectuels algériens qui ne
sacrifient pas au culte de "notre
glorieuse armée, digne héritière de l'ALN"?
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