Source
: bernardlugan.blogspot.com
En
Libye où l’État islamique est la surinfection d’une plaie
ouverte par les islamistes dits « modérés », la
situation semble s’éclaircir à l’est, en Cyrénaïque, alors
qu’elle s’assombrit en Tripolitaine [1],
à l’ouest.
En
Cyrénaïque, les forces de l’ANL (Armée nationale libyenne) du
général Haftar sont passées à l’offensive, à la fois contre
les milices salafistes et contre celles de l’État islamique
(Daech). La ville de Benghazi est désormais majoritairement tenue
par les hommes du général Haftar, les salafistes ayant été
chassés de la zone portuaire et de plusieurs quartiers, dont ceux de
Bouatni, Leithi et Sabri. Parallèlement, l’ANL ayant repoussé
l’État islamique du terminal pétrolier d’Ajdabia, l’expansion
de ce dernier vers l’est semble stoppée. Du moins pour le moment.
Depuis
son quartier général d’El Merj, le général Haftar semble donc
être en passe de s’imposer comme l’homme fort de Cyrénaïque.
Cet ancien compagnon du colonel Kadhafi, qui avait rompu avec lui,
n’a jamais coupé les liens le rattachant à l’alliance tribale
constituée autour du défunt colonel [2],
ce qui lui assure une base tribale importante. D’autant plus qu’il
est l’allié des Toubou du Fezzan.
On
mesure là l’abîme séparant la réalité du terrain des
abstraites constructions européo-centrées. C’est ainsi que le
pseudo-gouvernement dit « d’union nationale »
laborieusement constitué par la communauté internationale fait la
part belle aux Frères musulmans de Misrata soutenus par la Turquie
et par le Qatar, mais écarte le général Haftar.
En
Tripolitaine, l’alliance entre salafistes et Frères musulmans de
Misrata, connue sous le nom de Fajr Libya, bat de l’aile. La raison
tient au jeu trouble que certaines milices entretiennent avec l’État
islamique. Au moment où elle affirmait lutter contre ce dernier et
demandait des armes aux Occidentaux, Fajr Libya laissait ainsi l’État
islamique s’installer à Sabratha, en plein cœur de sa zone...
Derrière ce double jeu, apparaît l’ombre d’une Turquie qui
compte sur l’État islamique afin d’affaiblir le général Haftar
en Cyrénaïque, tout en isolant ses alliés de Zinten en
Tripolitaine. La manœuvre d’Ankara est claire : ne laisser
que le choix entre les Frères musulmans de Misrata et l’État
islamique. Ce qui, à la faveur d’une intervention militaire
occidentale, permettrait aux premiers de prendre le contrôle du pays
et à la Turquie d’opérer un retour en force dans un territoire
qui lui fut arraché par l’Italie en 1911.
Depuis
plusieurs mois L’Afrique réelle insiste sur le
danger qu’il y aurait à intervenir au profit des islamistes dits
« modérés » contre ceux de l’État islamique. Tous
ont en effet partie liée. La solution se trouve donc ailleurs. C’est
pourquoi il importe de changer de paradigme. L’ennemi principal est
moins l’État islamique que les milices islamistes qui prétendent
le combattre, elles qui sont à l’origine du chaos. La Turquie et
le Qatar soutiennent ces dernières quand la solution est du côté
de la Libye bédouine et berbère.
Notes
[1]
Ne craignant pas de compromettre de possibles actions en cours et de
mettre des vies françaises en danger, le quotidien Le Monde en
date du 25 février a « révélé » l’existence
d’opérations des services français en Libye.
[2]
Voir à ce sujet Histoire et géopolitique de la Libye. Bon de
commande page 8.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire