braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

mardi 12 juin 2012

ORAN EN CES JOURS DE SANG



  le 19 Avril 2012


UN ROMANCIER ALGÉRIEN PART À L’ASSAUT DE LA COLLINE 3


C’est le nom du découpage politico-militaire par l’OAS d’une zone de la ville d’Oran en 1962, dont Messaoud Benyoucef retrace, pas à pas, l’histoire tragique.

Colline 3, de Messaoud Benyoucef. Alma éditeur, 474 pages, 19 euros. 

Messaoud Benyoucef (né en 1943) a enseigné la philosophie au lycée français d’Oran. Il a dû quitter l’Algérie en 1994, après l’assassinat du dramaturge Abdelkader Alloua dont, par ailleurs, il traduit l’œuvre en français. Homme de théâtre, sa pièce Au nom du père, créée à Fécamp en 2005, et qui constitue le troisième volet d’une trilogie traitant de l’identité des jeunes issus de l’immigration, lui attira les foudres des associations de harkis.

Ce premier roman de près de 500 pages a pour titre un terme emprunté à l’Organisation de l’armée secrète (OAS) durant la guerre d’Algérie pour désigner l’une des dix zones politico-militaires de la ville d’Oran alors essentiellement peuplée d’Européens. Cette colline 3 englobe le centre-ville, le quartier israélite du Mellah et la Médina, ce bloc arabe appelé « le Village nègre » par les Européens. C’est dans ce probable sanctuaire de l’OAS, dans ce possible saint des saints de son dispositif, que se situe l’action du roman.

Le quotidien d’Oran, en ces jours de sang

Colline 3 s’ouvre et se ferme sur les tout derniers mois de la guerre, quelque temps avant puis pendant le cessez-le-feu et la période transitoire censée emmener le pays vers «la libre expression de sa volonté», après 132 années d’occupation. Si la rébellion joue loyalement le jeu, l’OAS tente par tous les moyens de saborder les accords en cours. La contre-révolution blanche fait régner la terreur en ville. Ses abcès de fixation sont la prison et les hôpitaux.

C’est sous l’angle de l’absolue confusion et du danger permanent que Messaoud Benyoucef organise son récit. Mitraillages incessants, assassinats à bout portant, véhicules piégés, bombes roulantes, ratonnades et attaques au mortier sur les marchés : tel est le quotidien de la ville d’Oran en ces jours de sang. L’OAS dispose alors de nombreux effectifs, y compris dans la police, les renseignements généraux, et dans une partie de l’armée. L’auteur rend parfaitement compte du climat d’asphyxie de cette période et en pointe les contradictions ; par exemple, lorsque les adversaires d’hier de l’armée de libération nationale (ALN) ne sont plus l’ennemi principal, lequel est désormais l’OAS.

Un roman greffé sur la réalité historique

Messaoud Benyoucef décortique l’organisation de l’OAS locale avec ses petits patrons paternalistes, mais aussi ses partisans fascistes de l’Occident chrétien (OC) et des membres de la Haganah, la milice d’autodéfense sioniste. Dans cet univers de grand ébranlement collectif, survit tant bien que mal le personnage principal, Samy Halimi (nom juif, identité arabe), jeune homme seul, sans défense, devenu professeur de lettres classiques. Autour de lui, d’abord effacé, gravite une théorie d’hommes et de femmes aux choix nets, tel Serge Bensaïd (nom arabe mais identité juive), jeune médecin lié aux milices nationalistes arabes…

Ce roman greffé sur la réalité historique ressuscite magistralement des heures noires d’une Algérie qui en a connu d’autres.
Muriel Steinmetz

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