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L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

vendredi 8 juin 2012

DROITE SAUVAGE ET DROITE CIVILISEE


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Dans les dernières années du franquisme, le parti communiste espagnol (PCE) avait popularisé les notions de « droite civilisée » et de « droite sauvage ». Cette dernière appellation désignait la mouvance franquiste qui regroupait, à côté des soudards de la Phalange (le parti fasciste), une frange de la bourgeoisie ainsi que le clergé catholique dirigé par le tout-puissant Opus Dei de sinistre mémoire. Cette « derecha salvaje » en était encore -faut-il le rappeler- à passer au supplice barbare du garrot les militants communistes et basques, et ce jusque dans les années 1970. Le PCE, dans un souci tactique bien compris, travaillait à isoler cette tendance et n'hésitait pas à lui opposer ce qu'il nommait la « derecha civilizada », la droite civilisée, à laquelle il proposait une alliance contre la mouvance franquiste. La mort du dictateur accéléra la débâcle du système franquiste et la politique d'ouverture et d'alliance du PCE ne fut pas pour peu dans la réussite de la transition démocratique.

Exactement à la même époque, le parti communiste italien (PCI) proposait à la fraction « propre » et civilisée du parti hégémonique -la Démocratie chrétienne (DC)- un « compromis historique », c'est-à-dire une alliance de gouvernement entre les deux partis. Il s'agissait de sortir le pays d'une crise très dangereuse car instrumentalisée par la CIA et les services secrets italiens -le SISMI- qui manipulaient l'extrême gauche et l'extrême droite en même temps pour les pousser à la violence. C'est ce que les Italiens ont appelé « la stratégie de la tension ». On sait ce qu'il en advint : le chef de la DC, Aldo Moro le « monsieur Propre » d'un parti gangrené par la mafia, fut enlevé et assassiné par un groupe aux ordres de la CIA. Le pays tout entier fut frappé par la foudre : le martyre d'Aldo Moro mit à nu les intrigues de la CIA et du SISMI et sonna le glas de la DC mafieuse dont les dirigeants lâches et corrompus ne tentèrent rien pour faire libérer Aldo Moro. Ils n'avaient certes pas le courage de ce dernier qui était allé, lui, à Washington taper du poing sur la table pour exiger de Big Brother qu'il cesse son sinistre jeu en Italie. Par quoi, il avait signé sans doute son arrêt de mort.

Pourquoi ce rappel des années 70 ? Pour dire que durant cette décennie, la droite sauvage sous sa forme militaro-policière fut bel et bien battue en Espagne, en Italie et en Grèce. Et si elle a été battue, c'est essentiellement parce que les forces politiques civilisées ont fait alliance contre elle et sont parvenues à l'isoler. Pour dire également que cette « derecha salvaje » n'a pas tardé à renaître sous une forme plus barbare encore que la première. En effet, le siècle nouveau a vu se cristalliser une alliance entre le grand Capital financier parasitaire, les secteurs militaro-policiers et les idéologies messianiques, dérivées de religions monothéistes ou de perversions du marxisme. L'exemple éclatant nous en est donné par l'administration US à l'époque de G.W. Bush : les grands groupes financiers firent jonction avec le complexe militaro-industriel grâce au ciment idéologique apprêté par d'anciens trotskistes. Le tout prit pour nom « La révolution néo-conservatrice ». Ces anciens trotskistes, infiltrés dans les think tanks américains les plus influents car les plus richement dotés, mirent à la disposition du Big brother yankee les instruments idéologiques qui lui permirent de justifier sa politique agressive de domination mondiale. Ayant fait leur deuil de la révolution prolétarienne mondiale, ces idéologues trotskistes comptaient faire remplir le rôle du prolétariat défaillant... à l'oncle Sam avec son gros bâton. Ce que le prolétariat n'a pu faire -bouleverser l'ordre politique mondial- l'empire américain allait s'en charger en provoquant un chaos planétaire salutaire sur lequel serait reconstruit l'ordre nouveau.

[À ceux qui éprouveraient quelque sidération face à ce raisonnement aussi puéril que cynique, il faudrait rappeler que l'éponyme fondateur -Léon Trotski- n'a jamais brillé par la puissance de sa pensée. À ce titre, certains historiens se demandent même s'il avait lu Marx et s'il l'avait compris quelque chose à la dialectique. Rappelons également que Trotski n'a jamais été bolchevik (il était menchevik) : Lénine le rappelait dans son testament tout en recommandant aux bolcheviks de ne pas le lui reprocher. C'est bien plutôt par sa propension à la violence que Trotski se signalait : il avait, en effet, une conception putschiste de la révolution et n'avait qu'indifférence pour les souffrances des gens -il abandonna femme et enfants. Ses « hauts faits d'armes » sont connus : caporalisation des syndicats contre quoi Lénine fut obligé de réagir ; répression sanglante de la révolte des marins de Cronstadt (durant laquelle même l'utilisation des gaz de combat fut envisagée). Quant à la direction de l'Armée rouge durant la guerre civile, il l'exerça dans un train blindé où pas moins de deux-cents personnes étaient au service de la bouche et du confort du commissaire du peuple à la guerre. Ce sont les fils d'ouvriers et de paysans russes, les légendaires Vorochilov, Boudienny, etc. qui défirent les armées blanches de Denikine et Wrangel.]

Ce sont donc les néo-conservateurs qui ont planifié et exécuté, sous le regard de l'humanité civilisée interdite, l'agression criminelle contre l'Irak. Le quatuor Bush-Cheney-Rumsfeld-Wolfowitz qui a décidé et mené cette guerre a, ce faisant, complu aux desiderata de l'État sioniste paria qui n'a de cesse d'affaiblir et de diviser les États de la région. La droite sauvage qui a accompli cette effroyable agression a revêtu, à l'occasion, des contours plus précis : la dimension sioniste, chrétienne-évangélique et juive, donnant une connotation de type « choc des civilisations » à une ratonnade de bas étage, un forfait raciste, pour lequel la bande des quatre sus-nommés devrait être poursuivie pour crime contre l'humanité. À quand, d'ailleurs, une session spéciale du tribunal Russell pour juger -symboliquement- le quarteron ? À quand le jugement des think tanks et autres revues pour leur incitation à la haine anti-arabe et leurs appels incessants au meurtre ? Rappelons que des intellectuels latino-américains ont jugé Christophe Colomb (à titre posthume, évidemment) et l'ont condamné à mort : pour symbolique qu'il fût, un tel acte n'était pas sans importance. C'était une manière de rendre justice aux millions d'amérindiens exterminés par les hordes sauvages et cupides de conquistadors -la lie de la terre espagnole.

La droite sauvage, évangélique et sioniste, a échoué dans sa tentative de provoquer le chaos dans le monde arabe. Bien plus. Elle a eu droit à un retour de flamme qu'elle n'aurait jamais imaginé tant son mépris pour les peuples arabes est profond : les insurrections démocratiques de ces mêmes peuples. Du coup, on a vu l'État sioniste s'affoler -car il sait quels sont les sentiments des masses arabes à son endroit- et essayer d'entraîner Big brother dans une guerre contre l'Iran afin de brouiller les cartes et de détourner les regards de la Palestine où il poursuit sa spoliation et ses crimes contre les populations. Les USA et l'Europe se laisseront-ils embringuer dans une nouvelle agression criminelle ?

L'Europe ferait mieux de se mobiliser contre la droite sauvage qui, en l'occurrence, agit sous le couvert des « marchés financiers ». Aux Arabes, le gros bâton de l'armée US ; aux Européens, celui des banques, Goldman Sachs en tête. Les Européens, qui se gargarisent volontiers de leurs institutions démocratiques, ont dû accepter, sans élections, trois commis de la banque Goldman Sachs à la direction de la BCE, ainsi qu'à celles du gouvernement italien et grec. Les deux premiers ministres ont été désignés d'autorité par les « marchés financiers » et n'ont pas été élus ! Il paraît incroyable que si peu de monde ait réagi à ce qui est bien deux coups d'État ! Cela donne la mesure du discrédit qui frappe les classes politiques dirigeantes, soumises servilement aux banques.

Et ce ne sont pas les élections présidentielles françaises qui redoreront le blason d'une caste politique discréditée. La France, cela est connu, est toujours en retard d'un cycle par rapport aux USA. Ainsi, au moment même où les néoconservateurs, dirigés par la bande des Quatre (Bush, Cheney, Rumsfeld, Wolfowitz), déposaient le bilan et quittaient la Maison-Blanche, la France confiait le pouvoir suprême à leur queue de comète locale, personnifiée par N. Sarkozy. Ce dernier, incapable de se placer dans le sens de l'histoire, n'avait pas vu venir la fin du pouvoir néoconservateur que tout, pourtant, annonçait : la débâcle en Irak -que l'armada US quittera de nuit et sur la pointe des pieds comme un voleur-, l'embourbement en Afghanistan, mais surtout le rejet de la politique criminelle néoconservatrice par l'humanité civilisée. Les USA étaient contraints de changer de logiciel car il y allait de leur image et de leur crédibilité : ce fut le retour des anciens « trilatéralistes », Zbignew Brzezinski et Henry Kissinger. Le premier, originaire de Pologne, garde une haine intacte à l'égard de la Russie -c'est lui qui avait tendu le piège afghan à l'ex-URSS- en laquelle il voit encore l'ennemi principal des USA ; le second, originaire d'Allemagne, d'un cynisme absolu -c'est lui qui avait pensé et supervisé le coup d'État contre Allende- joue plus sournoisement des équilibres entre puissances. C'est dire autrement que l'empire yankee n'a rien trouvé de mieux à se mettre sous la dent que des vieillards marqués au coin de la guerre froide pour tenter de faire oublier le cycle criminel de la droite sauvage néoconservatrice. On sait ce que fut leur trouvaille « miraculeuse » : un Noir (en réalité un métis, fils d'une ethnologue « blanche » travaillant pour la CIA) au pouvoir.

Aveugle et sourde à ces changements, la France de N. Sarkozy, emportée par sa force d'inertie, allait singer jusqu'au ridicule ce qui déjà s'étiolait et partait en eau de boudin chez Big-Brother. Alors que ce dernier cherche activement à se sortir du bourbier afghan, Sarkozy y envoie un contingent de soldats ; alors que Big-Brother cherche à renouer les liens avec le monde arabe, Sarkozy court-circuite le Quai d'Orsay et confie ce dossier à son conseiller diplomatique, personnalité étroitement liée à l'État sioniste ; alors que Big-Brother cherche le moyen de mettre plus de distance entre lui et l'État sioniste, Sarkozy multiplie les gestes de servilité à l'égard du pouvoir de Tel-Aviv, allant jusqu'à envoyer un bâtiment de guerre pour renforcer le blocus de Gaza, et ce à la suite directe du carnage qu'y avait perpétré le pouvoir sioniste. Indécence. Les illustrations de cet incroyable aveuglement à suivre ce qui n'existait plus peuvent être multipliées à l'envi. Sans compter le superbe dédain manifesté à l'égard de la situation particulière d'une France comprenant un fort pourcentage de populations d'origine arabe et/ou musulmane. Bien plus, Sarkozy se permettra même de stigmatiser durement ces mêmes populations dont les parents -il l'oublie opportunément, lui le rejeton d'un immigré hongrois- ont défendu la France et participé à faire d'elle la nation moderne qu'elle est aujourd'hui.

Dans le registre « singerie », il faut également noter la montée en puissance de ces think tanks, réservoirs à pensée néoconservateurs démarqués de ceux des USA. Encore que parler de « pensée » soit exagéré tant ces cénacles se caractérisent justement par l'indigence de leur production théorique. Mais cela, cette indigence de la pensée, est -hélas- une donnée aujourd'hui endémique d'une société française où le simple effort de réflexion est empêché tant par un discours économiste dictatorial que par des réseaux de polygraphes haineux et verbeux qui font régner une véritable terreur sur une intelligentsia qui a, depuis longtemps déjà, déposé les armes de la critique. L'une de ces officines néoconservatrices françaises a pour nom « Cercle de l'Oratoire » ; elle édite une revue, « Le meilleur des mondes », où l'on peut relever des noms de contributeurs connus tels André Glucksman, Pascal Bruckner, Romain Goupil, Antoine Basbous, Mohamed Abdi (ancien secrétaire général de Ni Putes Ni Soumises)... Beaucoup de ses membres ou assimilés proviennent de la mouvance trotsko-maoïste. Comme leur modèle américain. La revue ferraille sans désemparer contre ce qu'elle nomme « l'anti-américanisme », appuie la guerre contre l'Afghanistan, contre l'Irak, dénonce ce qu'elle nomme « l'islamo-fascisme », assimile l'antisionisme à de l'antisémitisme et fait la police (de la pensée) par le biais de pétitions véhémentes. Son réseau sponsorise également des Arabes de service pour les introduire dans les sphères dirigeantes du pays.

Le pouvoir sarkozyste a été l'expression politique exacte de ce que « Le cercle de l'Oratoire » appelait de ses vœux : une France supplétive de l'Amérique, sous-traitante servile de l'état sioniste et de ses réseaux d'influence. Maintenant que la droite sauvage  française a été karchérisée, peut-on espérer que le nouveau pouvoir socialiste redonnera à la France sa dignité et son indépendance ? Ceux qui le penseraient se tromperaient lourdement : le parti socialiste français -et ce depuis Guy Mollet au moins qui a autorisé le transfert de la technologie nucléaire à l'état sioniste- a  toujours été un serviteur zélé du sionisme.

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