braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

jeudi 12 novembre 2015

LA KABYLIE STATUFIÉE



C'est un article du quotidien El Watan qui nous l'apprend : érection de 11 statues de colonels de l'ALN en pays kabyle.

En soi, ce prurit soudain de statuaire serait plutôt sympathique dans un pays musulman qui interdit, en principe, la représentation figurée, surtout celle à trois dimensions (assimilée à l'idolâtrie). De plus, rendre hommage à des combattants de la liberté, relèverait du patriotisme bien compris. Seulement voilà :

1) les statues sont celles de colonels nés exclusivement en Kabylie, même quand ils ont exercé leur commandement dans une autre région (cas de Ouamrane, Dehilès, Zaamoum).

2) L'un des onze colonels n'en était pas un, puisqu'il s'agit de 'Abane Ramdane !

Et voilà où mène le chauvinisme régionaliste : à abraser les vérités historiques liées au choix des hommes pour ne laisser subsister d'eux que ce qu'ils n'ont pas choisi, leur lieu de naissance. On arrive ainsi à des absurdités telles celles qui font voisiner le nom et l'effigie de 'Abane -promoteur de la suprématie du politique sur le militaire- avec ceux qu'il qualifiait de « gardiens de chèvres portant une arme » (dixit F. Fanon).

De même, le malheureux 'Abane est-il ramené aux dimensions de ceux-là mêmes qui ont donné leur onction à son assassinat -Krim Belkacem (à qui 'Abane donnait du Aghioul) et Ouamrane (que 'Abane n'aimait pas pour des raisons, disons, personnelles)-, deuxième absurdité à quoi mène ce chauvinisme de l'extrait de naissance.

Et que dire de la « présence » de celui qui s'est fait rouler comme un bleu dans la farine sanglante de la… bleuite, le sanguinaire Aït Hamouda qui, non content d'avoir égorgé des centaines d'élèves et d'étudiants algériens venus rejoindre les maquis, allait exterminer en une nuit un village -kabyle- entier, mille personnes égorgées ?

Et puis de cette autre, celle de Mohamedi Saïd, devenu dans les années 90 vice-président du FIS et qui revendiquait le massacre de Mélouza (1958) en insultant les morts de cette dechra, tous qualifiés de traîtres.Même les enfants ?

Abolition du simple bon sens historique-critique, régression du sens national vers le tribalisme primaire, continuez comme cela, mes frères et Georges Soros se fera un plaisir de vous concocter bientôt une bonne révolution, couleur jaune canari.



UN ARTICLE RACISTE DE AÏT BENALI BOUBEKEUR 

Le Huffington Post Maghreb vient de publier coup sur coup deux articles sur l'ouvrage de Yassin Temlali (YT)-La genèse de la Kabylie-, l'un, magistral, de l'historienne Malika Rahal, l'autre, tendancieux et même, disons-le, honteux, d'un « électronicien passionné d'histoire » (c'est lui-même qui se présente ainsi).

Autant, en effet, l'article de M. Rahal se situe au niveau de l'abstraction et du concept (sa réflexion a pour objet la notion de constructivisme qu'elle estime être au centre de la pensée de YT : ou comment la Kabylie a été înventée), autant celui de l'électronicien se traîne dans les approximations historiques et les lieux communs racistes. À le lire -et bien qu'il prenne des précautions toutes rhétoriques dans l'exorde de son écrit-, on a l'impression que l'essentiel de l'ouvrage de YT se ramènerait à la séquence de l'arrivée des Hilaliens, ces expulsés (sic) de l'orient, cette barbarie (resic) qui a fait fuir les Berbères vers les montagnes et qui serait même à l'origine du caractère violent des Algériens (sic encore) ! L'école psychiatrique d'Alger ( que F. Fanon dénonçait comme raciste) n'aurait pas dit mieux. Autant de mots faits pour blesser avec autant de contre-vérités historiques et de confusion systématique entre Berbères et Kabyles.

- Les Hilaliens (Bni-Hillal et Bni-Souleym) étaient une confédération de tribus guerrières, originaires du Nejd. Dernières converties à l'islam, elles participèrent, aux côtés des Qarmates, au sac de La Mecque et au transfert de la pierre noire de la Kaaba à Bahrein (où les Qarmates avaient érigé un Etat à communisme intégral). Établis sur la rive orientale du Nil, les Hilaliens furent sollicités -et rétribués- par le calife fatimide pour une mission précise : aller châtier les renégats zirides qui venaient d'apostasier le chi'isme. Les Hilaliens écrasèrent l'armée des zirides sanhajas quelque part en territoire tunisien actuel et redescendirent vers le désert, leur lieu naturel. Leur marche vers l'ouest -Taghriba- se déroulera suivant une ligne horizontale située aux confins des hauts-plateaux et de l'Atlas saharien.

Comment oser dire, alors, que les Berbères, fuyant la barbarie hilalienne, se sont réfugiés sur les montagnes de la Kabylie ? Aussi faux qu'absurde, les seuls Berbères qui fuyaient étant probablement les débris de l'armée ziride. Mais cette absurdité n'a-t-elle pas, en réalité, une fonction qui est de cacher une donnée historique attestée par tous les historiens, celle de la coexistence des Hilaliens et des Berbères znata ? Deux exemples, à ce titre :

-Dans son livre Jazya,, princesse berbère, (éditions Chiheb), Nadia Chelligue dévide la légende aurésienne de cette princesse znata qui épouse le guerrier hilalien Diyab. Le mythe réalise ainsi au niveau symbolique la réalité de l'union de la berbérie agropastorale -principe féminin, la terre- avec l'arabe guerrier et poète -principe masculin, le ciel.

-Leur geste va emmener les Hilaliens au pied de l'atlas saharien. Là, ils côtoieront une grande tribu berbère znata, qui servait de makhzen aux Almohades. Quand l'empire implosa, cette tribu, les Bni Abdelwad, s'empara de Tlemcen et fonda le royaume zianide, sous la conduite de Yaghmoracen. Ce dernier, en butte aux attaques des Mérinides de Fès, enrôla une puissante fraction des Hilaliens, les Bni-'Amer, pour lui servir de Makhzen. Yaghmoracen récompensera les Bni-'Amer en leur attribuant la plaine d'Oran.

On voit ce qu'il en est de cette antienne ressassée par des esprits tribalistes primaires, présentant les Arabes comme des colonisateurs avant la lettre. C'est si peu vrai, d'ailleurs, que des historiens contemporains avancent une explication à cette énigme historique : la foudroyante islamisation du Maghreb par quelques centaines de cavaliers arabes, au 7° siècle. Aujourd'hui, les spécialistes avancent l'explication suivante : si les Berbères maghrébins se sont islamisés si rapidement c'est parce que la nouvelle religion leur a été apportée par leurs frères Berbères libyens de Cyrénaïque.

Les Berbères de Cyrénaïque, poussés par la sécheresse, cherchaient constamment à rallier la vallée du Nil pour s'y installer. D'où un incessant conflit avec l'Egypte. Quand les Arabes s'emparèrent de ce dernier pays (après avoir vaincu l'empire byzantin), les Berbères de Cyrénaïque les accueillirent avec joie et embrassèrent leur religion. Et ce sont ces Berbères, encadrés par quelques légions arabes, qui islamiseront le Maghreb. 

Joli coup de pied de l'âne, n'est-ce pas ?


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