C'est
un article du quotidien El Watan qui nous l'apprend : érection
de 11 statues de colonels de l'ALN en pays kabyle.
En
soi, ce prurit soudain de statuaire serait plutôt sympathique dans
un pays musulman qui interdit, en principe, la représentation
figurée, surtout celle à trois dimensions (assimilée à
l'idolâtrie). De plus, rendre hommage à des combattants de la
liberté, relèverait du patriotisme bien compris. Seulement voilà :
1)
les statues sont celles de colonels nés exclusivement en Kabylie,
même quand ils ont exercé leur commandement dans une autre région
(cas de Ouamrane, Dehilès, Zaamoum).
2) L'un des onze colonels n'en était pas un, puisqu'il s'agit de 'Abane Ramdane !
Et
voilà où mène le chauvinisme régionaliste : à abraser les
vérités historiques liées au choix des hommes pour ne laisser
subsister d'eux que ce qu'ils n'ont pas choisi, leur lieu de
naissance. On arrive ainsi à des absurdités telles celles qui font
voisiner le nom et l'effigie de 'Abane -promoteur de la suprématie
du politique sur le militaire- avec ceux qu'il qualifiait de
« gardiens de chèvres portant une arme » (dixit F.
Fanon).
De
même, le malheureux 'Abane est-il ramené aux dimensions de ceux-là
mêmes qui ont donné leur onction à son assassinat -Krim Belkacem
(à qui 'Abane donnait du Aghioul) et Ouamrane (que 'Abane
n'aimait pas pour des raisons, disons, personnelles)-, deuxième
absurdité à quoi mène ce chauvinisme de l'extrait de naissance.
Et
que dire de la « présence » de celui qui s'est fait
rouler comme un bleu dans la farine sanglante de la… bleuite, le
sanguinaire Aït Hamouda qui, non content d'avoir égorgé des
centaines d'élèves et d'étudiants algériens venus rejoindre les
maquis, allait exterminer en une nuit un village -kabyle- entier,
mille personnes égorgées ?
Et
puis de cette autre, celle de Mohamedi Saïd, devenu dans les années
90 vice-président du FIS et qui revendiquait le massacre de Mélouza
(1958) en insultant les morts de cette dechra, tous qualifiés de
traîtres.Même les enfants ?
Abolition
du simple bon sens historique-critique, régression du sens national
vers le tribalisme primaire, continuez comme cela, mes frères et
Georges Soros se fera un plaisir de vous concocter bientôt une bonne révolution, couleur
jaune canari.
UN ARTICLE RACISTE DE AÏT BENALI BOUBEKEUR
Le
Huffington Post Maghreb vient de publier coup sur coup deux articles
sur l'ouvrage de Yassin Temlali (YT)-La genèse de la Kabylie-,
l'un, magistral, de l'historienne Malika Rahal, l'autre, tendancieux
et même, disons-le, honteux, d'un « électronicien passionné
d'histoire » (c'est lui-même qui se présente ainsi).
Autant,
en effet, l'article de M. Rahal se situe au niveau de l'abstraction
et du concept (sa réflexion a pour objet la notion de
constructivisme qu'elle estime être au centre de la pensée de YT :
ou comment la Kabylie a été înventée), autant celui de
l'électronicien se traîne dans les approximations historiques et
les lieux communs racistes. À le lire -et bien qu'il prenne des
précautions toutes rhétoriques dans l'exorde de son écrit-, on a
l'impression que l'essentiel de l'ouvrage de YT se ramènerait à la
séquence de l'arrivée des Hilaliens, ces expulsés (sic) de
l'orient, cette barbarie (resic) qui a fait fuir les Berbères
vers les montagnes et qui serait même à l'origine du caractère
violent des Algériens (sic encore) ! L'école psychiatrique
d'Alger ( que F. Fanon dénonçait comme raciste) n'aurait pas dit
mieux. Autant de mots faits pour blesser avec autant de
contre-vérités historiques et de confusion systématique entre
Berbères et Kabyles.
-
Les Hilaliens (Bni-Hillal et Bni-Souleym) étaient une confédération
de tribus guerrières, originaires du Nejd. Dernières converties à
l'islam, elles participèrent, aux côtés des Qarmates, au sac de La
Mecque et au transfert de la pierre noire de la Kaaba à Bahrein (où
les Qarmates avaient érigé un Etat à communisme intégral).
Établis sur la rive orientale du Nil, les Hilaliens furent
sollicités -et rétribués- par le calife fatimide pour une mission
précise : aller châtier les renégats zirides qui venaient
d'apostasier le chi'isme. Les Hilaliens écrasèrent l'armée des
zirides sanhajas quelque part en territoire tunisien actuel et
redescendirent vers le désert, leur lieu naturel. Leur marche vers
l'ouest -Taghriba- se déroulera suivant une ligne horizontale
située aux confins des hauts-plateaux et de l'Atlas saharien.
Comment
oser dire, alors, que les Berbères, fuyant la barbarie
hilalienne, se sont réfugiés sur les montagnes de la Kabylie ?
Aussi faux qu'absurde, les seuls Berbères qui fuyaient étant
probablement les débris de l'armée ziride. Mais cette absurdité
n'a-t-elle pas, en réalité, une fonction qui est de cacher une
donnée historique attestée par tous les historiens, celle de la
coexistence des Hilaliens et des Berbères znata ? Deux
exemples, à ce titre :
-Dans
son livre Jazya,, princesse berbère, (éditions Chiheb),
Nadia Chelligue dévide la légende aurésienne de cette princesse
znata qui épouse le guerrier hilalien Diyab. Le mythe réalise ainsi
au niveau symbolique la réalité de l'union de la berbérie
agropastorale -principe féminin, la terre- avec l'arabe guerrier et
poète -principe masculin, le ciel.
-Leur
geste va emmener les Hilaliens au pied de l'atlas saharien. Là, ils
côtoieront une grande tribu berbère znata, qui servait de makhzen
aux Almohades. Quand l'empire implosa, cette tribu, les Bni Abdelwad,
s'empara de Tlemcen et fonda le royaume zianide, sous la conduite de
Yaghmoracen. Ce dernier, en butte aux attaques des Mérinides de Fès,
enrôla une puissante fraction des Hilaliens, les Bni-'Amer, pour lui
servir de Makhzen. Yaghmoracen récompensera les Bni-'Amer en leur
attribuant la plaine d'Oran.
On
voit ce qu'il en est de cette antienne ressassée par des esprits
tribalistes primaires, présentant les Arabes comme des colonisateurs
avant la lettre. C'est si peu vrai, d'ailleurs, que des historiens
contemporains avancent une explication à cette énigme historique :
la foudroyante islamisation du Maghreb par quelques centaines de
cavaliers arabes, au 7° siècle. Aujourd'hui, les spécialistes
avancent l'explication suivante : si les Berbères maghrébins
se sont islamisés si rapidement c'est parce que la nouvelle religion
leur a été apportée par leurs frères Berbères libyens de
Cyrénaïque.
Les
Berbères de Cyrénaïque, poussés par la sécheresse, cherchaient
constamment à rallier la vallée du Nil pour s'y installer. D'où un
incessant conflit avec l'Egypte. Quand les Arabes s'emparèrent de ce
dernier pays (après avoir vaincu l'empire byzantin), les Berbères
de Cyrénaïque les accueillirent avec joie et embrassèrent leur
religion. Et ce sont ces Berbères, encadrés par quelques légions
arabes, qui islamiseront le Maghreb.
Joli coup de pied de l'âne, n'est-ce pas ?
Joli coup de pied de l'âne, n'est-ce pas ?
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