Au début des années 90, Rachid
Boudjedra avait parlé de "trahison" perpétrée par l'émir
Abdelkader. La fondation du même nom avait réagi en annulant
l'invitat ion qu'elle lui avait adressée pour un colloque sur l'émir
(qui devait se tenir à Oran).
Hier (février 2015), l'ancien député du RCD
(qui peut soutenir raisonnablement qu'il y a, en Algérie, une
assemblée nationale souveraine?) Noureddine Aït Hamouda, sur le quotidien Liberté, y allait de
ses allégations péremptoires sur la trahison (sic) de l'émir
(ainsi d'ailleurs que de Messali, Benbella, Boussouf, Boukharrouba...). Mais qui n'est pas traître aux yeux du député ? Pour
lui -et sans doute pour son parti-, il n'y a qu'un héros pur et sans
tâche, son père, le colonel 'Amirouche. Sans tâche ? Et
l'égorgement de 488 (chiffre de 'Amirouche lui-même) lycéens et
étudiants venus rejoindre la wilaya III (Abdennour Ali Yahia en
comptabilise quelque 2200) ? Et la « nuit rouge de la
Soummam » durant laquelle un millier de personnes d'un même
village furent tuées froidement par les hommes de 'Amirouche ?
Leur tort ? Elles payaient de leur vie le ralliement de certains
des leurs à la harka que le sénateur Ourabah était en train de
former. Cela s'appelle de la responsabilité collective et c'est
exactement ce que l'armée française pratiquait depuis les débuts de la conquête.
En Algérie, certains qui s'estiment
être des ayants-droit à vie sur ce qu'ils appellent la Révolution,
ne se rendent pas compte qu'ils sont au même niveau de prétention
que les gouvernants qu'ils prétendent combattre : à savoir que
le pays et son histoire leur appartiennent. Des propriétaires de mazra'a. *
Aux irresponsables qui n'ont que le
mot de trahison à la bouche, rappelons les faits historiques
tragiques (mais l'histoire est tragédie) relatifs à l'invasion de
l'Algérie.
Le 30 mai 1837, l'émir Abdelkader
signait le traité dit de la Tafna avec l'armée d'invasion française
qui venait de subir deux cuisantes défaites (1834)
à la Macta (non
loin de Mostaganem) ainsi qu'à Constantine. Cette
dernière tomba en octobre 1837 mais la résistance continuait.
Le traité reconnaissait l'autorité
de l'émir sur les deux ex-beylicks d'Oran et de Médéa,
c'est-à-dire en gros l'Algérie de l'ouest et du centre. L'armée
française était contenue dans les enclaves du littoral. Pour
pouvoir la bouter hors du territoire, il fallait opérer la jonction
entre les deux résistances, celle de l'ouest menée par l'émir
Abdelkader et celle de l'est dirigée par le bey Ahmed. Pour ce
faire, une condition devait être remplie : empêcher l'armée
d'invasion d'établir un couloir entre Alger et l'est. Or la seule
voie possible était le passage par les portes de fer, les monts des
Bibans, verrouillées par les tribus locales. Voici ce qui passa et
que Wikipedia relate :
"À
la fin de l'année 1838,
le maréchal
Bugeaud jugeant
utile de relier Constantine, prise le
13 octobre
1837, à Alger par les Bibans,
territoires revendiqués par l'émir Abd el Kader, demande au général
Galbois, gouverneur
de Constantine,
d'entreprendre l'opération. Le cheikh
El Mokrani
khalifa de la Medjana,
s'offre comme guide et garant de l'entreprise.
L'expédition
des Portes de Fer est
une opération militaire de l'armée française en octobre 1839,
visant à établir une liaison terrestre entre Alger
et Constantine,
en passant par deux défilés des monts Bibans,
dits « les Portes de Fer » ; la
traversée de ce territoire ne respectant pas les clauses du traité
de la Tafna signé
en 1837 avec
l'émir Abd
el-Kader,
celui-ci est amené à reprendre les hostilités.
Le
16 octobre 1839, trois jours après le deuxième anniversaire de la
prise de la ville, le maréchal Valée,
gouverneur général, et le duc
d'Orléans,
partis de Constantine, arrivent à Sétif où une cérémonie
grandiose les attend. Les khalifas au service de la colonisation
étaient là, chacun accompagné de son goum
richement
paré.
Le
25 octobre 1839, ils s'arrêtent à Aïn Turc où Ahmed El Mokrani
les rejoint pour leur annoncer que la route vers l'Ouest est sûre.
Il les invite chez lui à Medjana où ils passent la nuit. Le 27
octobre, ils traversent les Portes de Fer par Bab Es Seghir et
rejoignent sans encombres Alger le 2 novembre.
L'Émir
Abd el-Kader, alors à Tagmount dans la région de Tiaret,
est mis au courant de l'opération dès le 31 octobre. L'Émir part
immédiatement pour Médéa, où, dès son arrivée le 3 novembre
1839, il proclame la reprise de la guerre contre la France qui venait
de "violer les accords de la Tafna".
.
«Pour
faire tomber les oppositions de la féodalité indigène disposée à
se rallier à nous, pour vaincre l'inertie des démocraties berbères
désireuses de s'isoler de la lutte, le 20 novembre, le jour de l'Aïd
el Kebir,
l'émir, parlant avec le double prestige de Chérif
et
de moqadem des Qadiriyya,
proclamait le djihad.... »
écrit Louis
Rinn."
Ecoeuré par les trahisons sans nombre dont il était l'objet -la dernière étant celle du roi du Maroc-, l'émir cessa le combat. Il lui restait à éprouver une dernière trahison, celle des gouvernants français parjures qui, oublieux de leur parole, l'emprisonnèrent, l'empêchant de rejoindre la Syrie où il souhaitait se retirer pour finir sa vie auprès du tombeau de son maître, Ibn-Arabi. Napoléon III, qui avait une grande admiration pour l'émir, lui offrit, en vain, de devenir le sultan d'un grand royaume arabe.
Si pareille proposition avait été faite au bachagha félon ? (Son frère, Boumezrag, banni en Nouvelle-Calédonie, s'illustra lors de la révolte kanake : il participa activement à la répression des Kanaks aux côtés des Français. Décidément, c'est de famille !).
Est-il
besoin d'ajouter quelque chose ? Si. Que la Kabylie (la grande et la petite) paiera très
cher la trahison du khalifa (qui avait été rétrogradé par ses
protecteurs français au rang de bachagha, raison principale de sa révolte, selon des historiens sérieux) de la Medjana quand, à
l'appel du cheikh El Haddad (chef spirituel de la grande confrérie Rahmania), elle se soulèvera contre l'envahisseur.
À l'instar de leurs frères de l'ouest, ses habitants seront frappés
de séquestre et perdront leurs terres. Comme dit le proverbe de chez
moi : La grappe de raisin, on la mange grain par grain.
Alors,
de grâce, Aït Hamouda, la ferme !
*Dans
les années 80, au bon vieux temps de l'article 120 et de
Chadli-Messaadia, nous vîmes débarquer à Oran les fils des
colonels 'Amirouche et El Haouès. Les deux ayants-droit, chouchoutés
par Messaadia, étaient en "mission" (?) auprès du commissariat
national du FLN d'Oran où ils restèrent un bon bout de temps. Nous
étions attentifs à leurs faits et gestes, intrigués que nous
étions par cette présence voulue par Messaadia dont nous nous
méfiions comme de la peste. Nous apprendrons (grâce à nos
camarades jeunes et étudiants) que les deux fils de… ne savaient
pas eux-mêmes pourquoi ils étaient là mais compensaient cette
ignorance par force rodomontades et fanfaronnades. Au bout de quelques jours, plus personne (y compris les gens du FLN) ne les prenait au sérieux. Messaadia a dû bien
rire dans sa barbe ! Moralité : Aït Hamouda n'a pas toujours été l'opposant vociférant au "système" qu'il prétend être (si tant est qu'un véritable opposant soit accepté à la table de la hergma -la mangeoire- qu'est la prétendue députation).
si messoud te mank le respect en parlant du colonel amirouche, ainsi tu ne merites aucun respect de ma part.
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