braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

lundi 6 juin 2016

LA TRAHISON DES MOKRANI



Au début des années 90, Rachid Boudjedra avait parlé de "trahison" perpétrée par l'émir Abdelkader. La fondation du même nom avait réagi en annulant l'invitat ion qu'elle lui avait adressée pour un colloque sur l'émir (qui devait se tenir à Oran). 

Hier (février 2015), l'ancien député du RCD (qui peut soutenir raisonnablement qu'il y a, en Algérie, une assemblée nationale souveraine?) Noureddine Aït Hamouda, sur le quotidien Libertéy allait de ses allégations péremptoires sur la trahison (sic) de l'émir (ainsi d'ailleurs que de Messali, Benbella, Boussouf, Boukharrouba...). Mais qui n'est pas traître aux yeux du député ? Pour lui -et sans doute pour son parti-, il n'y a qu'un héros pur et sans tâche, son père, le colonel 'Amirouche. Sans tâche ? Et l'égorgement de 488 (chiffre de 'Amirouche lui-même) lycéens et étudiants venus rejoindre la wilaya III (Abdennour Ali Yahia en comptabilise quelque 2200) ? Et la « nuit rouge de la Soummam » durant laquelle un millier de personnes d'un même village furent tuées froidement par les hommes de 'Amirouche ? Leur tort ? Elles payaient de leur vie le ralliement de certains des leurs à la harka que le sénateur Ourabah était en train de former. Cela s'appelle de la responsabilité collective et c'est exactement ce que l'armée française pratiquait depuis les débuts de la conquête.


En Algérie, certains qui s'estiment être des ayants-droit à vie sur ce qu'ils appellent la Révolution, ne se rendent pas compte qu'ils sont au même niveau de prétention que les gouvernants qu'ils prétendent combattre : à savoir que le pays et son histoire leur appartiennent. Des propriétaires de mazra'a. *

Aux irresponsables qui n'ont que le mot de trahison à la bouche, rappelons les faits historiques tragiques (mais l'histoire est tragédie) relatifs à l'invasion de l'Algérie.

Le 30 mai 1837, l'émir Abdelkader signait le traité dit de la Tafna avec l'armée d'invasion française qui venait de subir deux cuisantes défaites (1834) à la Macta (non loin de Mostaganem) ainsi qu'à Constantine. Cette dernière tomba en octobre 1837 mais la résistance continuait.

Le traité reconnaissait l'autorité de l'émir sur les deux ex-beylicks d'Oran et de Médéa, c'est-à-dire en gros l'Algérie de l'ouest et du centre. L'armée française était contenue dans les enclaves du littoral. Pour pouvoir la bouter hors du territoire, il fallait opérer la jonction entre les deux résistances, celle de l'ouest menée par l'émir Abdelkader et celle de l'est dirigée par le bey Ahmed. Pour ce faire, une condition devait être remplie : empêcher l'armée d'invasion d'établir un couloir entre Alger et l'est. Or la seule voie possible était le passage par les portes de fer, les monts des Bibans, verrouillées par les tribus locales. Voici ce qui passa et que Wikipedia relate :

"À la fin de l'année 1838, le maréchal Bugeaud jugeant utile de relier Constantine, prise le 13 octobre 1837, à Alger par les Bibans, territoires revendiqués par l'émir Abd el Kader, demande au général Galbois, gouverneur de Constantine, d'entreprendre l'opération. Le cheikh El Mokrani khalifa de la Medjana, s'offre comme guide et garant de l'entreprise.

L'expédition des Portes de Fer est une opération militaire de l'armée française en octobre 1839, visant à établir une liaison terrestre entre  Alger et Constantine, en passant par deux défilés des monts Bibans, dits « les Portes de Fer » ; la traversée de ce territoire ne respectant pas les clauses du traité de la Tafna signé en 1837 avec l'émir Abd el-Kader, celui-ci est amené à reprendre les hostilités.

Le 16 octobre 1839, trois jours après le deuxième anniversaire de la prise de la ville, le maréchal Valée, gouverneur général, et le duc d'Orléans, partis de Constantine, arrivent à Sétif où une cérémonie grandiose les attend. Les khalifas au service de la colonisation étaient là, chacun accompagné de son goum richement paré.

Le 25 octobre 1839, ils s'arrêtent à Aïn Turc où Ahmed El Mokrani les rejoint pour leur annoncer que la route vers l'Ouest est sûre. Il les invite chez lui à Medjana où ils passent la nuit. Le 27 octobre, ils traversent les Portes de Fer par Bab Es Seghir et rejoignent sans encombres Alger le 2 novembre.

L'Émir Abd el-Kader, alors à Tagmount dans la région de Tiaret, est mis au courant de l'opération dès le 31 octobre. L'Émir part immédiatement pour Médéa, où, dès son arrivée le 3 novembre 1839, il proclame la reprise de la guerre contre la France qui venait de "violer les accords de la Tafna".
.
«Pour faire tomber les oppositions de la féodalité indigène disposée à se rallier à nous, pour vaincre l'inertie des démocraties berbères désireuses de s'isoler de la lutte, le 20 novembre, le jour de l'Aïd el Kebir, l'émir, parlant avec le double prestige de Chérif et de moqadem des Qadiriyya, proclamait le djihad.... » écrit Louis Rinn."


Ecoeuré par les trahisons sans nombre dont il était l'objet -la dernière étant celle du roi du Maroc-, l'émir cessa le combat. Il lui restait à éprouver une dernière trahison, celle des gouvernants français parjures qui, oublieux de leur parole, l'emprisonnèrent, l'empêchant de rejoindre la Syrie où il souhaitait se retirer pour finir sa vie auprès du tombeau de son maître, Ibn-Arabi. Napoléon III, qui avait une grande admiration pour l'émir, lui offrit, en vain, de devenir le sultan d'un grand royaume arabe. 




Si pareille proposition avait été faite au bachagha félon ? (Son frère, Boumezrag, banni en Nouvelle-Calédonie, s'illustra lors de la révolte kanake : il participa activement à la répression des Kanaks aux côtés des Français. Décidément, c'est de famille !).




Est-il besoin d'ajouter quelque chose ? Si. Que la Kabylie (la grande et la petite) paiera très cher la trahison du khalifa (qui avait été rétrogradé par ses protecteurs français au rang de bachagha, raison principale de sa révolte, selon des historiens sérieux) de la Medjana quand, à l'appel du cheikh El Haddad (chef spirituel de la grande confrérie Rahmania), elle se soulèvera contre l'envahisseur. À l'instar de leurs frères de l'ouest, ses habitants seront frappés de séquestre et perdront leurs terres. Comme dit le proverbe de chez moi : La grappe de raisin, on la mange grain par grain.

Alors, de grâce, Aït Hamouda, la ferme !



*Dans les années 80, au bon vieux temps de l'article 120 et de Chadli-Messaadia, nous vîmes débarquer à Oran les fils des colonels 'Amirouche et El Haouès. Les deux ayants-droit, chouchoutés par Messaadia, étaient en "mission" (?) auprès du commissariat national du FLN d'Oran où ils restèrent un bon bout de temps. Nous étions attentifs à leurs faits et gestes, intrigués que nous étions par cette présence voulue par Messaadia dont nous nous méfiions comme de la peste. Nous apprendrons (grâce à nos camarades jeunes et étudiants) que les deux fils de… ne savaient pas eux-mêmes pourquoi ils étaient là mais compensaient cette ignorance par force rodomontades et fanfaronnades. Au bout de quelques jours, plus personne (y compris les gens du FLN) ne les prenait au sérieux. Messaadia a dû bien rire dans sa barbe ! Moralité : Aït Hamouda n'a pas toujours été l'opposant vociférant au "système" qu'il prétend être (si tant est qu'un véritable opposant soit accepté à la table de la hergma -la mangeoire- qu'est la prétendue députation).













1 commentaire:

  1. si messoud te mank le respect en parlant du colonel amirouche, ainsi tu ne merites aucun respect de ma part.

    RépondreSupprimer