L'Histoire
a une histoire. Il n'y a que l'idéologie qui n'a pas d'histoire,
disait Marx. L'Histoire se réécrit sans cesse, au fur et à mesure
de l'établissement des faits, de la rectification de ceux déjà
établis, du recueil d'éléments nouveaux. La vérité n'est que la
rectification d'une longue erreur, disait le fondateur de
l'épistémologie moderne, Gaston Bachelard. De plus, l'Histoire
s'écrit au présent, à partir d'un présent qui possède ses codes
de lecture et d'interprétation propres et qui ne sont pas ceux
d'hier ou d'avant-hier. Prétendre fixer à jamais un événement,
c'est vouloir en clôturer le sens. Entreprise insensée qui trouve
encore, hélas, quelques adeptes (cf la loi Gayssot).
De
quoi est-il question ? D'un fait historique concernant la guerre
d'indépendance algérienne (1954-62) : en
l'espace de deux années (1959-61), six chefs de wilaya de l'Armée
de Libération Nationale (ALN) ont été éliminés par l'armée
française : 'Amirouche Aït Hamouda (chef de la wilaya 3) et El
Haouès Ahmed Ben Abderrezak (chef de la wilaya 6), en mars 1959 ;
M'hamed Bouguerra (chef de la wilaya 4), en mai 1959 ; Lotfi Benali
Dghine Boudghène (chef de la wilaya 5), en mars 1960 ; Salah
Mohamed Zamoum (chef de la wilaya 4), en juillet 1961 et Mohamed
Djilali Bounaama (chef de la wilaya 4 par intérim), en août 1961.
Si l'on ajoute à cela l'élimination de Mostfa Benboulaïd, chef de
ce qui était encore la zone 1 (Aurès-Némemchas), en mars 1956, on
conviendra qu'il s'agit là d'un bilan particulièrement lourd
puisqu'il a visé et décapité les forces combattantes de
l'intérieur. Mis à part la funeste occurrence du mois de mars dans
ces disparitions, on peut noter qu'elles ont toutes un point commun :
un poste radio émetteur.
Mostfa
Benboulaïd a été tué par un poste émetteur piégé largué par
l'armée coloniale. Les six autres ont été repérés, encerclés et
tués à la suite d'un appel sur leur émetteur, provenant d'eux ou
de l'état-major. En théorie, les appels ne devaient emprunter
qu'une direction : wilaya > état-major, ce qui se comprend
aisément, l'initiative devant être laissée à l'appréciation de
la base combattante qui peut mieux juger de l'intérêt d'un appel
ainsi que du pourcentage de risque d'être repéré.
Pourtant,
c'est de l'état-major -de Krim Belkacem précisément- qu'est
parvenu un message au PC de 'Amirouche dont la teneur était de le
dissuader de se rendre en Tunisie. Trop tard, le chef kabyle était
déjà en route vers le sud où il devait faire jonction avec le chef
de la wilaya 6 et, de là, bifurquer vers l'est pour franchir la
frontière, vers El Oued. Au djebel Thameur (sud de Boussaada), des
unités d'élite de l'armée coloniale, des régiments d'infanterie
de marine commandés par le colonel Ducasse, au total 2 500 hommes,
en embuscade, ont anéanti la colonne de 121 djounouds et leurs deux
chefs. Il est comique -mais hautement instructif- de lire sous la
plume de truchements du MALG -Ministère
de l'armement et des liaisons générales du GPRA, la matrice de la
Sécurité militaire, la SM qui tient encore l'Algérie dans ses
serres-, que
« l'accrochage » (sic)
du djebel Thameur a eu lieu « de
façon fortuite »
(resic) ! Les 2500 marsouins du colonel Ducasse ne faisaient que
passer par là... Nous verrons plus loin de quoi cette dénégation
ridicule est le nom.
Pourquoi
le chef kabyle a-il tenté ce voyage de tous les périls ?
Voulait-il, comme certains l'ont soutenu,
régler des comptes avec des gens du GPRA ? Voulait-il
s'expliquer sur les épurations sanglantes qu'il menait dans les
rangs de sa propre wilaya (la « bleuite ») ? Les
seuls éléments qui permettent de faire une hypothèse raisonnable
se trouvent dans la sacoche de documents de 'Amirouche, récupérée
par l'armée française ; laquelle n'a levé le voile que sur
les écrits concernant les épurations justement. On la comprend. On
relève, dans la comptabilité macabre que tenait 'Amirouche, que 488
« traîtres » ont été liquidés par son comité
d'épuration, co-présidé par Rachid Adjaout et Hacène Mahiouz
-l'égorgeur en chef-, assistés de Hmimi Oufadhel et Mohand Oulhadj.
Abdennour Ali-Yahya, défenseur autoproclamé des droits de l'homme
et berbériste, avancera, quant
à lui,
le chiffre de 2812 suppliciés).
Cependant,
un autre élément doit être évoqué ici qui peut permettre de
jeter quelque lumière sur les motivations du voyage de 'Amirouche.
Quelque temps auparavant, ce dernier avait pris une surprenante
initiative, celle de convoquer une réunion des chefs de wilaya de sa
propre initiative, ce qui était expressément interdit par une
directive de l'ex-CCE. La réunion se tint quand même (décembre
1958, Oued Asker, wilaya 2) -ce qui en dit long sur le sens de la
discipline générale et le respect des textes réglementaires. Y
assistaient quatre colonels -'Amirouche (3), El Haouès (6),
Bouguerra (4), Hadj Lakhdar (1)-, la wilaya 2 était représentée
par le capitaine Lamine Khène ; quant à la 5, elle était
absente. Dans le courrier qu'il avait envoyé à ses collègues,
'Amirouche les informait de la découverte d'un complot et ajoutait :
« Grâce
à Dieu, tout danger est maintenant écarté, car nous avons agi très
rapidement et énergiquement. Dès les premiers indices, des mesures
draconiennes étaient prises en même temps : arrêt du recrutement
et contrôle des personnes déjà recrutées, arrestation des
goumiers et soldats «ayant déserté», arrestation de toute
personne en provenance d’autres willayas,
arrestation de tous les djounoud originaires d’Alger, arrestation
de tous les suspects, de toutes les personnes dénoncées de quelque
grade qu’elles soient et interrogatoire
énergique de
ceux dont la situation ne paraissait pas très régulière… »
Manifestement,
'Amirouche voulait
convaincre
ses pairs -ainsi que le GPRA- de la réalité du complot dit de la
« bleuite » et les inciter à prolonger l'épuration dans
leur wilaya respective en dirigeant leurs soupçons, en priorité,
vers les intellectuels, qualifiés de « traîtres ». Ce
qui n'était pas exclusif d'autres points à débattre, comme le
problème récurrent de l'armement. Et de fait, l'épuration
s'étendra à toutes les autres wilayas, la 2 étant la moins touchée
par le vent de folie sanguinaire qui compromit à jamais le destin
des forces combattantes de l'intérieur et qui ouvrira, le moment
venu, un boulevard devant l'armée des frontières et les planqués
de Ghardimaou et d'Oujda.
Un
mois après la mort de 'Amirouche et d'El Haouès, le 5 mai 1959, le
chef de la wilaya 4 -M'hamed Bouguerra- recevait un appel de
l'état-major sur son poste émetteur. Le chef entra dans une colère
froide et décida de vider les lieux sur le champ. La raison ?
L'état-major venait de contrevenir à la règle primordiale de
vigilance en l'appelant, donc en le localisant au profit
d'éventuelles oreilles indiscrètes. À la tête d'une petite
colonne partie quelques heures après l'appel, Bouguerra se trouva
face à l'armée coloniale. Il rebroussa chemin, espérant rattraper
le gros de ses troupes et particulièrement les baroudeurs de la
katiba Zoubiria. Il n'y réussit pas, son petit groupe fut
promptement anéanti par l'armée ennemie.
Une
année plus tard, le chef de la wilaya 5, le colonel Lotfi, en
réunion préalable à celle du CNRA (décembre 59 – janvier 60, le
Caire) s'en prenait
violemment au triumvirat (les 3 B, Belkacem-Boussouf-Bentobbal)
qui demandait rien moins que l'effacement du GPRA et des civils. Le
CNRA ayant décidé que tous les chefs militaires devaient rentrer en
Algérie, voici ce qu'en dit Ferhat Abbas : «
Seuls exécutèrent cet ordre le colonel Ben Cherif, le colonel Lotfi
et son suppléant, le commandant M’barek, enfin le commandant
Zbiri. »
Avant
de se mettre en route, Lotfi confiera à Ferhat Abbas : « Notre
Algérie va échouer entre les mains des colonels, autant dire des
analphabètes. J’ai observé, chez le plus grand nombre d’entre
eux, une tendance aux méthodes fascistes. Ils rêvent tous d’être
des Sultans au pouvoir absolu... Derrière leurs querelles,
j’aperçois un grave danger pour l’Algérie indépendante. Ils
n’ont aucune notion de la démocratie, de la liberté, de l’égalité
entre les citoyens. Ils conservent du commandement qu’ils exercent
le goût du pouvoir et de l’autoritarisme. Que deviendra l’Algérie
entre leurs mains ? Il faut que tu fasses quelque chose pendant qu’il
est encore temps. Notre peuple est menacé. »
F. Abbas ajoute : «
L’atmosphère au sein de la Délégation extérieure lui [Lotfi]
faisait peur. Les luttes sourdes des colonels ne lui avaient pas
échappé. Il en était épouvanté : J’aime
mieux mourir dans le maquis que de vivre avec ces loups.»
(In Ferhat Abbas ; Autopsie
d'une guerre.
Ed. Garnier).
Le
général Jacquin (colonel commandant le Bureau des études et
liaisons -BEL- à l'époque des faits) relate dans le détail comment
il a mystifié les services du MALG. (cf lien ci-après) Mais ce
qu'il se garde bien de dire c'est comment il a eu le renseignement
capital selon lequel Lotfi s'apprêtait à rentrer en Algérie par la
frontière ouest. (Personne ne peut sérieusement croire qu'il l'a
obtenu, comme il le prétend, auprès d'une « porteuse de
valise pas avare de ses charmes avec les dirigeants FLN » ;
la perfidie est grotesque qui vise deux choses : 1) salir les
porteurs de valise, ces Français qui se battaient aux côtés du
peuple algérien ; 2) protéger sa vraie source. Laquelle ?) Lotfi a envoyé un premier message, bientôt suivi d'autres, depuis
les confins maroco-sahariens à l'état-major avant de se mettre en
route pour pénétrer en territoire algérien. L'armée coloniale
prépara tranquillement son embuscade dans la région de Béchar,
avec les légionnaires du 2ème REP et les marsouins du 8° RPIMA.
Lotfi et son petit groupe ( 9 hommes en tout, pour ne pas attirer
l'attention) furent massacrés ; mais les hommes de Jacquin
avaient pour consigne de ne surtout pas tirer sur le dromadaire
transportant le poste radio et de tenir secrète la mort de Lotfi.
L'appareil radio allait servir, en effet, à une manipulation d'un
haut niveau de sophistication (dont on peut lire le détail dans
l'article de Jacquin). En gros et pendant des
mois, les services du BEL ont berné le MALG en se faisant passer
pour Lotfi.*
En
août 1961, le chef de la wilaya 4 par intérim, le commandant
Mohamed Djilali Bounaama, prend l'incompréhensible décision de
passer un appel radio à l'état-major depuis les faubourgs de
Blida. Ses trois hommes, abasourdis, tentèrent vainement de
l'en dissuader. Parmi eux, se trouvait l'officier chiffreur
communiste, Mohamed Téguia. Immédiatement repéré, le petit
groupe, hébergé dans une ferme, est attaqué par un commando
de parachutistes du 11° Choc, unité d'élite relevant des services
spéciaux. Grièvement blessé et capturé, Mohamed Téguia, sera le seul rescapé.
(Notons que c'est ce même 11° Choc qui venait, un mois auparavant, de surprendre et d'anéantir la colonne de djounouds qui accompagnait le précédent chef de la wilaya 4, Salah Mohamed Zamoum, qui se rendait en Tunisie où il devait répondre devant le GPRA de son initiative d'engager des pourparlers avec le général De Gaulle, affaire dite « Si Salah »).
(Notons que c'est ce même 11° Choc qui venait, un mois auparavant, de surprendre et d'anéantir la colonne de djounouds qui accompagnait le précédent chef de la wilaya 4, Salah Mohamed Zamoum, qui se rendait en Tunisie où il devait répondre devant le GPRA de son initiative d'engager des pourparlers avec le général De Gaulle, affaire dite « Si Salah »).
Dans
un témoignage sur cet événement, un ancien de la W4 du nom de
Wissam, après avoir estimé que l'acte de Bounaama était
irrationnel et incompréhensible de la part de quelqu'un d'aussi
expérimenté, se reprend et avance l'hypothèse suivante : Bounaama
était saisi de remords à propos de l'affaire Si Salah, dans
laquelle il a trempé jusqu'au cou avant de se retourner contre ses
compagnons. Wissam pense que Bounaama, consciemment ou non, était
travaillé par un désir de mort. (Voilà, en tout cas, qui ne manque
pas de finesse psychologique). **
Reprenons
tous ces faits à la lumière de la polémique qui a suivi la
parution du livre de
Saïd
Saadi sur
la mort de 'Amirouche.
Selon
Saadi, 'Amirouche aurait
été
donné à l'armée française par
Boumédiène et Boussouf.
En
effet, dit Saadi, 'Amirouche a reçu
directement un message radio lui conseillant de changer son
itinéraire pour la fameuse réunion de Tunis, car les
transmissions radios ne sont pas sûres, disait le message qui
émanait de Krim Belkacem. Saadi cite là le
témoignage de Tahar Amirouchène, officier du staff de
'Amirouche.
Ali
Kafi (à l'époque chef de la wilaya 2) entre
dans la danse et dément
catégoriquement : selon lui, la chose est impossible car les
messages adressés à la W.3 devaient transiter par
lui (Kafi).
Le président
de l'association des anciens du MALG, Daho Ould Kablia
intervient alors :
'Amirouche, dit-il, a, en fait, reçu trois messages de
convocation à la réunion de Tunis; le premier par la voie de la
wilaya 2 et deux autres par la wilaya 1. Pourquoi cela ?
Parce que, dit Ould Kablia, la wilaya 3 n'avait plus de
poste émetteur, l'un des deux étant en panne, l'autre ayant explosé
en tuant les deux opérateurs et en manquant tuer Mohand Oulhaj qui
se trouvait à proximité. (Certains officiers de la W3 accuseront
d'ailleurs l'égorgeur en chef -le commandant Hacène Mahiouz- d'être
derrière l'attentat qui aurait visé précisément Mohand
Oulhaj). Ould Kablia prétend que c'est la batterie,
défectueuse, qui a explosé. Ce que personne ne peut croire.
Pour
ajouter plus de clarté obscure au débat, Ould Kablia précise
que les messages devaient normalement être adressés par
le Commandement Opérationnel Militaire (COM) Est dont
relevaient les wilayas 1,2,3 et par le COM Ouest dont relevaient les
wilayas 4,5,6, mais qu'il ne pouvait affirmer que les messages du COM
Ouest étaient bien partis (sic) ! Comprenne qui pourra.
S'agissant de Bouguerra,
Ould Kablia dira que, de toute façon, il avait d'autres chats à
fouetter : sa wilaya grouillait de soldats ennemis qui
s'apprêtaient à lancer l'opération « Courroie » et
Bouguerra avait
donné ordre de réduire au silence le poste radio
émetteur,
ajoute Ould Kablia. Ce qu'il ne dit pas, mais que disent
les anciens de la W. 4, c'est
que l'un des deux COM -logiquement
celui de l'ouest, mais allez savoir !- a
appelé Bouguerra et l'a ainsi fait repérer.
Ce
qui apparaît clairement à travers tous ces faits, c'est que les
combattants de l'intérieur se méfiaient des transmissions radio.
Cela pour dire le moins. À
ce titre,
voici une révélation
relativement
récente que tout un chacun pourra lire sur le site algeria
watch
où
s'expriment toutes les tendances de l'opposition au pouvoir, y
compris des transfuges de la SM. Elle parle de l'achat par
le MALG, auprès d'une compagnie allemande (Telefunken), d'une
importante quantité de postes émetteurs récepteurs de type ANGCR
9, afin d'en doter les wilayas. Or, l'auteur de
l'article prétend que ces postes comportaient une fonction
cachée qui indiquait la position de l'émetteur dans
l'espace. Il ajoute que c'est à la suite de pressions et
de menaces françaises que Telefunken s'est exécutée et a posé
ces mouchards dans ses appareils. À ceux que l'information
semblerait « tirée par les cheveux », qu'ils
méditent cette autre : ces jours derniers, la société
allemande Siemens a été accusée par les responsables iraniens
d'avoir fourni aux sionistes et aux yankees le code des
centrifugeuses qu'elle avait vendues à l'Iran (dans
le cadre de
son programme nucléaire). Disposant des codes, les deux acolytes
ont mis au point et propagé le virus informatique
Stuxnet
qui
a, entre autres, endommagé les centrifugeuses iraniennes.
Relisons
maintenant
la pathétique
lettre
ouverte de 'Amirouche au grand criminel qu'était le colonel Godard,
celui-là même dont les services avaient piégé le chef kabyle pour
le conduire à la folie sanguinaire de la bleuite : « Au
lieu d’aller combattre loyalement les vrais Moudjahidines, vous,
Godard, qui prétendez être officier... vous avez préféré
travailler dans l’ombre ... vous avez renié votre métier de
combattant pour embrasser la profession de flic... oui, colonel
Godard, vous étiez né, élevé et grandi dans l’amour patriotique
d’une nation civilisée et même civilisatrice... Vous venez de
ravaler votre honneur à celui d’un simple mouchard au service
d’une poignée de colonialistes... Mais vous, colonel Godard, que
venez-vous faire dans cette galerie « d’ultras rebelles »
à votre patrie même, vous Qui êtes né et élevé dans les
principes de la révolution de 1789, vous souillez l’honneur
d’une carrière déjà belle. »
On
appréciera la déférence, pour le moins déplacée, dans cet aveu par 'Amirouche qu'il s'est
bel et bien fait rouler dans une farine sanglante. Le capitaine
Léger, celui qui avait monté toute l'opération, eut cette
réponse en forme de coup de pied de l'âne: «Certaines
bonnes âmes, sans doute dans le regret des grandes chevauchées et
des combats ardents sous le soleil, prétendront que c’est là une
guerre souterraine indigne de guerriers. Je pense personnellement que
si l’ennemi a des dispositions particulières pour se détruire
lui-même, bien coupable serait celui qui n’en profiterait pas ! ».
L'arrogance et la condescendance du ton ne doivent pas occulter
l'implacable justesse du jugement.
Et
puisque nous y sommes, rappelons ce que disent des anciens de la
wilaya 4 : ce serait Mourad Oussedik qui aurait inventé le
principe de base de la bleuite. En effet, le commandant politique de
la W.4 lestait les cadavres de djounouds morts au combat de petits
bouts de papiers en forme de reçus attestant que telle personne
avait fait tel don à l'ALN (argent, pataugas, médicaments...). Or
les personnes visées étaient toutes connues pour être des
« collabos » de l'armée française. Le but était
évidemment de les faire passer pour des individus fourbes tenant un
double langage et de les exposer ainsi à la terrible vengeance de
l'armée coloniale.
Azzedine
Rabah Zerrari, de son côté, a souvent raconté comment il procédait
pour compromettre une dechra aux yeux de l'armée coloniale, la
livrant ainsi à la destruction et à la mort. Quand
on utilise de tels procédés, il ne faut pas s'étonner que l'ennemi
vous les renvoie dans les gencives avec plus de perfidie et de
sophistication encore, car « Les
crimes de l’extrême civilisation sont certainement plus atroces
que ceux de l’extrême barbarie, par le fait de leur raffinement,
de la corruption qu’ils supposent, et de leur degré supérieur
d’intellectualité. »,
comme
disait très justement Barbey d'Aurevilly.
Tout
cela
est rappelé
simplement pour dire aux Algériens que ceux qui tiennent encore le
pays dans leurs serres et qui se gargarisent de faits de gloire
imaginaires, ont
été incapables de protéger les combattants de l'intérieur, de
les prémunir contre les coups tordus de l'ennemi (à ce titre, la
bleuite et ses massacres d'innocents, suffisent à déconsidérer
tous ceux qui sont tombés dans son piège)
et de les fournir en armements comme
c'était leur raison d'être, inscrite dans leur raison sociale même.
Le
pays n'est redevable en rien à ceux qui le frustreront immédiatement
de sa victoire et de sa liberté au
lendemain de l'indépendance.
Le pays s'est libéré de lui-même quand le peuple est sorti dans
les rues en ces jours extraordinaires de décembre 1960, rappelant en
passant aux barbouzes françaises que leur science de la ruse est
inopérante contre lui et rappelant
à tout le monde cette vérité que
ce
sont les masses qui font l'histoire.
*Article du général Jacquin, ici: http://guerredalgerie.pagesperso-orange.fr/Lotfi.html
** Les lecteurs désireux de se faire une idée plus précise des drames de l'ALN liés à ce fameux poste de transmission, devraient impérativement se reporter aux mémoires du commandant Lakhdar Bouregaa, baroudeur de la wilaya 4 de 1956 à 1962. C'est ici : http://wilaya4.chez.com/livre_bouragaa/une_livre.htm
Le
titre de cet article est inspiré de "REGARDE LES HOMMES
TOMBER", un film de Jacques Audiard
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