Dans
une tribune publiée par le Figaro
(http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2014/07/31/3100220140731ARTFIG00381-dominique-de-villepin-lever-la-voix-face-au-massacre-perpetre-a-gaza.php),
Dominique de Villepin fait entendre la voix de la France de De
Gaulle, la France libre qui ne se couche pas devant l'empire du mal
israélo-yankee.
"Lever
la voix face au massacre qui est perpétré à Gaza,
c'est aujourd'hui, je l'écris en conscience, un devoir pour la
France, une France qui est attachée indéfectiblement à l'existence
et à la sécurité d'Israël mais qui ne saurait oublier les droits
et devoirs qui sont conférés à Israël en
sa qualité d'État constitué. Je veux dire à tous ceux qui sont
tentés par la résignation face à l'éternel retour de la guerre
qu'il est temps de parler et d'agir. Il est temps de mesurer
l'impasse d'une France alignée et si sûre du recours à la force.
Pour lever le voile des mensonges, des omissions et des demi-vérités.
Pour porter un espoir de changement.
Par mauvaise conscience, par intérêt mal compris, par soumission à la voix du plus fort, la voix de la France s'est tue, celle qui faisait parler le général de Gaulle au lendemain de la guerre des Six-Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième intifada. Comment comprendre aujourd'hui que la France appelle à la «retenue» quand on tue des enfants en connaissance de cause? Comment comprendre que la France s'abstienne lorsqu'il s'agit d'une enquête internationale sur les crimes de guerre commis des deux côtés? Comment comprendre que la première réaction de la France, par la voix de son président, soit celle du soutien sans réserve à la politique de sécurité d'Israël? Quelle impasse pour la France que cet esprit d'alignement et de soutien au recours à la force.
Par mauvaise conscience, par intérêt mal compris, par soumission à la voix du plus fort, la voix de la France s'est tue, celle qui faisait parler le général de Gaulle au lendemain de la guerre des Six-Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième intifada. Comment comprendre aujourd'hui que la France appelle à la «retenue» quand on tue des enfants en connaissance de cause? Comment comprendre que la France s'abstienne lorsqu'il s'agit d'une enquête internationale sur les crimes de guerre commis des deux côtés? Comment comprendre que la première réaction de la France, par la voix de son président, soit celle du soutien sans réserve à la politique de sécurité d'Israël? Quelle impasse pour la France que cet esprit d'alignement et de soutien au recours à la force.
Je
crois que seule la vérité permet l'action. Nous ne construirons pas
la paix sur des mensonges. C'est pour cela que nous avons un devoir
de vérité face à un conflit où chaque mot est piégé, où les
pires accusations sont instrumentalisées.
Ayons
le courage de dire une première vérité: il n'y a pas en droit
international de droit à la sécurité qui implique en retour un
droit à l'occupation et encore moins un droit au massacre. Il y a un
droit à la paix qui est le même pour tous les peuples. La sécurité
telle que la recherche aujourd'hui Israël se fait contre la paix et
contre le peuple palestinien. En lieu et place de la recherche de la
paix, il n'y a plus que l'engrenage de la force qui conduit à la
guerre perpétuelle à plus ou moins basse intensité. L'État
israélien se condamne à des opérations régulières à Gaza ou
en Cisjordanie,
cette stratégie terrifiante parce qu'elle condamne les Palestiniens
au sous-développement et à la souffrance, terrifiante parce qu'elle
condamne Israël peu à peu à devenir un État ségrégationniste,
militariste et autoritaire. C'est la spirale de l'Afrique
du Sud de l'apartheid avant Frederik De Klerk et Nelson
Mandela, faite de répression violente, d'iniquité et de bantoustans
humiliants. C'est la spirale de l'Algérie française entre putsch
des généraux et OAS face au camp de la paix incarné par de Gaulle.
Il
y a une deuxième vérité à dire haut et fort: il ne saurait y
avoir de responsabilité collective d'un peuple pour les agissements
de certains. Comment oublier le profond déséquilibre de la
situation, qui oppose non deux États, mais un peuple sans terre et
sans espoir à un État poussé par la peur? On ne peut se prévaloir
du fait que le Hamas instrumentalise
les civils pour faire oublier qu'on assassine ces derniers, d'autant
moins qu'on a refusé de croire et reconnaître en 2007 que ces
civils aient voté pour le Hamas, du moins pour sa branche politique.
Qu'on cite, outre les États-Unis, un seul pays au monde qui agirait
de cette façon. Même si les situations sont, bien sûr,
différentes, la France est-elle partie en guerre en Algérie en
1995-1996 après les attentats financés par le GIA? Londres a-t-elle
bombardé l'Irlande dans les années 1970?
Troisième
vérité qui brûle les lèvres et que je veux exprimer ici: oui il y
a une terreur en Palestine et en
Cisjordanie,
une terreur organisée et méthodique appliquée par les forces
armées israéliennes, comme en ont témoigné de nombreux officiers
et soldats israéliens écœurés par le rôle qu'on leur a fait
jouer. Je ne peux accepter d'entendre que ce qui se passe en
Palestine n'est pas si grave puisque ce serait pire ailleurs. Je ne
peux accepter qu'on condamne un peuple entier à la peur des
bombardements, à la puanteur des aspersions d'«eau sale» et à la
misère du blocus. Car je ne peux accepter qu'on nie qu'il y a
quelque chose qui dépasse nos différences et qui est notre humanité
commune.
Il
n'y a aujourd'hui ni plan de paix, ni interlocuteur capable d'en
proposer un. Il faut tout reprendre depuis le début. Le problème de
la paix, comme en Algérie entre 1958 et 1962, ce n'est pas
«comment?», c'est «qui?».
Il
n'y a pas de partenaire en Palestine car les partisans de la paix ont
été méthodiquement marginalisés par la stratégie du gouvernement
d'Israël. La logique de force a légitimisé hier le Hamas contre le
Fatah. Elle légitime aujourd'hui les fanatiques les plus radicaux du
Hamas voire le Djihad islamique. Se passer de partenaire pour la
paix, cela veut dire s'engager dans une logique où il n'y aurait
plus que la soumission ou l'élimination.
Il
n'y a plus de partenaire pour la paix en Israël car le camp de la
paix a été réduit au silence et marginalisé. Le peuple israélien
est un peuple de mémoire, de fierté et de courage. Mais aujourd'hui
c'est une logique folle qui s'est emparée de son État, une logique
qui conduit à détruire la possibilité d'une solution à deux
États, seule envisageable. La résignation d'une partie du peuple
israélien est aujourd'hui le principal danger. Amos Oz, Zeev
Sternhell ou Elie Barnavi sont de plus en plus seuls à crier dans le
désert, la voix couverte par le vacarme des hélicoptères.
Il
n'y a plus non plus de partenaire sur la scène internationale, à
force de lassitude et de résignation, à force de plans de paix
enterrés. On s'interroge sur l'utilité du Quartette. On désespère
de la diplomatie du carnet de chèques de l'Europe qui se borne à
payer pour reconstruire les bâtiments palestiniens qui ont été
bombardés hier et le seront à nouveau demain, quand les États-Unis
dépensent deux milliards de dollars par an pour financer les bombes
qui détruisent ces bâtiments.
Face
à l'absence de plan de paix, seules des mesures imposées et
capables de changer la donne sont susceptibles de réveiller les
partenaires de leur torpeur. C'est au premier chef la responsabilité
de la France.
Le
premier outil pour réveiller la société israélienne, ce sont les
sanctions. Il faut la placer devant ses responsabilités historiques
avant qu'il ne soit trop tard, tout particulièrement à l'heure où
il est question d'une opération terrestre de grande envergure à
Gaza. Cela passe par un vote par le Conseil de sécurité de l'ONU
d'une résolution condamnant l'action d'Israël, son non-respect des
résolutions antérieures et son non-respect du droit humanitaire et
du droit de la guerre. Cela signifie concrètement d'assumer des
sanctions économiques ciblées et graduées, notamment pour des
activités directement liées aux opérations à Gaza ou aux
activités économiques dans les colonies. Je ne crois guère aux
sanctions face à des États autoritaires qu'elles renforcent. Elles
peuvent être utiles dans une société démocratique qui doit être
mise face aux réalités.
Le
deuxième outil, c'est la justice internationale. L'urgence
aujourd'hui, c'est d'empêcher que des crimes de guerre soient
commis. Pour cela, il est temps de donner droit aux demandes
palestiniennes d'adhérer à la Cour pénale internationale, qui
demeure aujourd'hui le meilleur garant de la loi internationale.
C'est une manière de mettre les Territoires palestiniens sous
protection internationale.
Le
troisième outil à la disposition de la communauté internationale,
c'est l'interposition. À défaut de pouvoir négocier une solution,
il faut l'imposer par la mise sous mandat de l'ONU de Gaza, de la
Cisjordanie et de Jérusalem Est, avec une administration et une
force de paix internationales.
Cette administration serait soumise à
de grands périls, du côté de tous les extrémistes, nous le
savons, mais la paix exige des sacrifices. Elle aurait vocation à
redresser l'économie et la société sur ces territoires par un plan
d'aide significatif et par la protection des civils. Elle aurait
également pour but de renouer le dialogue interpalestinien et de
garantir des élections libres sur l'ensemble de ces territoires.
Forte de ces résultats, elle appuierait des pourparlers de paix avec
Israël en en traçant les grandes lignes.
Nous
n'avons pas le droit de nous résigner à la guerre perpétuelle.
Parce qu'elle continuera de contaminer toute la région. Parce que
son poison ne cessera de briser l'espoir même d'un ordre mondial.
Une seule injustice tolérée suffit à remettre en cause l'idée
même de la justice."
DOMINIQUE DE VILLEPIN
DOMINIQUE DE VILLEPIN
Salut Messaoud
RépondreSupprimerJ'ai la certitude que lui aussi, comme Amos Oz, Zeev Sternhell et Elie Barnavi, crie dans le désert, et quel désert !
Salut cher ami,
RépondreSupprimerLe désert, en l'occurrence, est un trop-plein, le trop-plein de la domination sans équivalent du discours sioniste. C'est une marque de sacré courage pour un homme politique occidental d'oser défier l'empire du mal, le continuum israélo-yankee. Quand on entend Obama, quand on entend Merkel (« la raison d'être de l'Allemagne est d'assurer la sécurité d'Israël », a-t-elle osé dire!), quand on voit à quel niveau de servilité est tombé le gouvernement français collabo -pour ne rien dire de Cameron, sommé par les sionistes de révéler ses ascendances juives-, quand on se souvient que depuis 1967 personne n'avait osé s'attaquer à Israël de manière aussi frontale, alors il faut reconnaître à DDV qu'il a, à titre personnel, du courage et du panache.
Maintenant, sur le plan de l'analyse politique, sa tribune intervient à un moment très particulier : celui où, selon Hegel, « c'est au moment où l'on croit qu'on est le plus loin, qu'on est le plus près ». Le temps de l'apogée et celui du déclin (qui peut être une chute brutale) est un seul et même point.
Je pense qu'on y est.
Bien à toi.