braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

dimanche 1 novembre 2015

POUR EN FINIR AVEC LE 1er NOVEMBRE 1954




C'est une affaire entendue : dès qu'il s'agit de l'histoire de la guerre d'indépendance algérienne, on ne peut pas éviter l'expression « occasions manquées ». Certains -comme l'historien Gilbert Meynier- la récusent. « Il n'y pas eu d'occasions ratées parce qu'il n'y a pas eu d'occasions tentées » dit-il ici :

https://www.youtube.com/watch?v=E3IYRjUb190#t=12.

En effet. Ce que l'on nomme occasions ratées n'est qu'une longue suite d'insignes lâchetés d'un pouvoir central qui ne ratait jamais une occasion, lui, de se coucher devant les rodomontades ou les manœuvres des chefs autoproclamés du peuplement européen de la colonie. Un quarteron de politiciens racistes qui auraient voulu s'en tenir au code de l'indigénat de sinistre mémoire. Car l'aveuglement des tenants de la colonisation, leur refus de toute réforme -même de la plus platonique comme celle du projet Blum-Violette qui voulait accorder la citoyenneté française à quelque 20 000 Algériens, et qui fut farouchement combattue et coulée-, a une origine fondamentale : le racisme. Tout projet colonial exige, en effet, la déshumanisation de celui à qui on va voler sa terre et le réduire à merci. Le colon se donne ainsi et à peu de frais bonne conscience. Ce racisme peut évidemment évoluer en paternalisme racialiste (« Mes Arabes sont de grands enfants »), mais sans oublier que « qui aime bien châtie bien », preuve par le 08 mai 1945.

Cette intransigeance et cette cécité ont fait le jeu de ceux qui, de l'autre côté de la barrière raciale, rêvaient de prendre la place du maître, parce qu'ils ont été à l'école du maître et qu'ils ont goûté fantasmatiquement aux délices de la citoyenneté. Alors, le citoyen fantasmé en eux n'accepte plus d'être traité en indigène. Il se révolte. Est-ce un hasard que l'on nomme la guerre d'indépendance « Thaoura », qui veut dire « s'insurger »?. (Remarquons que les grandes insurrections dans les Caraïbes et en Amérique du sud au XIX° siècle ont été le fait des métis : le métis est deux et à partir d'un certain moment, le Blanc en lui n'accepte plus d'être traité en Noir). Être allé à l'école du maître veut dire qu'on en avait les moyens. De fait, les hommes de l'Insurrection appartiennent pour l'écrasante majorité d'entre eux à la notabilité rurale (paysans petits et moyens) et à la petite bourgeoisie citadine (commerçants, fonctionnaires subalternes de l'administration, professions libérales -avocats, médecins, pharmaciens). Ajouter à cela que certains d'entre eux, d'ascendance koulouglie, s'estimaient d'autant plus légitimes à prendre la place du maître que la colonisation française a empêché leurs ancêtres de s'établir en dynastie régnante. Il suffit de citer quelques noms (Boussouf, Bentobbal, Kiouane…) pour que la religion du lecteur soit faite : sensation de bise glacée dans l'échine…

La légende -tenace- qui attribue le 1er Novembre 54 aux éléments plébéiens ne résiste pas une seconde à l'analyse des faits. Il suffit de regarder les CV des responsables. (Ainsi, mon douar -El M'saada, à 5km de Rio-Salado-El Malah- a participé activement au 1er Novembre, est devenu un sanctuaire pour l'ALN et a donné quelque 210 martyrs, c'est-à-dire la quasi totalité des hommes valides. Tous étaient des paysans cultivant leur lopin de terre, en général du vignoble ; certains étaient aisés. Tous étaient des Badissiya, fiers de leurs origines arabes -quand l'Arabe était au centre du mépris racial-, avant de passer au FLN ; beaucoup étaient lettrés en arabe pour avoir fréquenté la medersa du douar. Pas un chômeur ou un khammès parmi eux.) Les raisons d'une telle mystification sont évidentes : le PPA ayant la prétention de parler au nom du peuple algérien, ses dirigeants se sont pris au jeu de leur propre idéologie, se sont pris pour le peuple en acte. Mais prétendre parler au nom du peuple, c'est prétendre détenir la vérité en politique : le totalitarisme était en germe dans le PPA ; il s'épanouira dans le FLN/ALN et triomphera dans le système ANP/SM actuel (Armée + Sécurité militaire).

« L'anatomie de l'homme est la clé de l'anatomie du singe », avait dit Marx. Les Algériens d'aujourd'hui disent de leurs dirigeants : « Comment tu étais et comme tu es devenu ! » (paraphrase d'une chanson de Khaled « ki kount wa ki wallit »). Ils seraient mieux avisés de dire : « Sachant ce que tu es devenu, voici ce que tu étais ».

Pour en revenir aux occasions « non tentées », voici, pour la bonne bouche, le texte de la déclaration du Bureau politique du PCA, datée du 02 novembre 1954. La voix de la raison, de la mesure et de la justice, celle du courage politique et de l'humanisme. Ah si...


« Le Bureau politique du Parti communiste algérien, après avoir analysé les informations au sujet des différentes actions armées qui ont eu lieu dans plusieurs points du territoire algérien et en particulier dans les Aurès, estime qu’à l’origine de ces événements il y a la politique colonialiste d’oppression nationale, d’étouffement des libertés et d’exploitation, avec son cortège de racisme, de misère et de chômage, dont les sphères officielles sont obligées de reconnaître aujourd’hui l’existence.

« Le Bureau politique estime par conséquent que les responsabilités fondamentales dans ces événements incombent entièrement aux colonialistes qui, malgré les expériences du Vietnam, du Maroc et de la Tunisie, s’obstinent dans une politique d’opposition et de force, face aux aspirations légitimes du peuple algérien, pour maintenir les privilèges d’une poignée de gros propriétaires fonciers, de banquiers et de trusts coloniaux.

« Il rappelle que la répression n’a jamais réglé et ne réglera pas les problèmes politiques, économiques et sociaux que pose devant le monde contemporain l’essor irrésistible des mouvements nationaux de libération.

« Il estime que la meilleure façon d’éviter les effusions de sang, d’instaurer un climat d’entente et de paix, consiste à faire droit aux revendications algériennes par la recherche d’une solution démocratique qui respecterait les intérêts de tous les habitants de l’Algérie, sans distinction de race ni de religion, et qui tiendrait compte des intérêts de la France.

« Le Bureau politique dénonce la violente campagne de panique, de haine raciale et de diversion de la presse réactionnaire et colonialiste, dont le but est de dresser les uns contre les autres Musulmans et Européens, appelés à vivre ensemble en Algérie, leur patrimoine commun à tous.

« Il dénonce les appels à la répression bestiale de cette presse aux ordres des gros seigneurs de la colonisation dont la richesse est faite de l’immense détresse de millions d’Algériens.

« Le Bureau politique invite les Algériens, sans distinction d’origine, et plus particulièrement les travailleurs européens, à ne pas se laisser influencer par la propagande mensongère des milieux colonialistes, à réfléchir à ces événements, à rejeter toute arrière-pensée raciale, pour les juger sainement. Il leur demande de se souvenir que cette même propagande et ces mêmes menaces proférées et appliquées au début de la crise en Tunisie ont dû faire place –parce qu’elles ont fait faillite- après une douloureuse expérience, à une ère nouvelle pour le règlement du problème tunisien.

« Il souligne les contradictions entre la thèse officielle suivant laquelle le calme règne actuellement en Algérie et les véritables mesures de guerre prises par le gouvernement général en accord avec le gouvernement français.

« Le Bureau politique proteste contre ces mesures de terreur qui tendent, en créant un climat d’insécurité générale à ouvrir la voie à une répression généralisée frappant tous les patriotes, tous les hommes épris de liberté et de démocratie.

« Le Bureau politique appelle tous les patriotes, tous les démocrates musulmans et européens, à s’unir et à agir pour obtenir que soient rapportées les mesures répressives de l’administration, pour demander la libération de tous les progressistes, démocrates et militants syndicaux, arbitrairement arrêtés, et pour qu’enfin soit amorcée une politique nouvelle qui, rompant avec les solutions de force, fera droit aux justes et légitimes aspirations du peuple algérien. »

Alger, le 2 novembre 1954 Le Bureau politique du parti communiste algérien



2 commentaires:

  1. https://www.facebook.com/pages/Si-Zoubir-Rouchai-Boualem-ou-boualem-rouchai/247488515312901?ref=hl

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  2. Je n'ai pas de compte chez "Face de bouc", donc je ne peux pas accéder à la page dont vous me donnez le lien. J'en suis désolé.

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