Pablo Picasso, Monument aux morts |
A la suite de la décision du Dey d'Alger d'autoriser l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste dans son hacienda (el mazra'a), autrement nommée Algérie, le courageux ancien dirigeant de la Sonatrach (société publique des hydrocarbures), Hocine Malti lui adresse la lettre ouverte dont le texte suit. Un mot seulement pour dire la cupidité, l'arrogance et le cynisme de la caste militaro-compradore qui n'a d'autre souci que de maximiser ses profits, dût le cadre naturel algérien subir des dommages irréparables. Mais, me répondrez-vous, qu'en a-t-elle à faire du cadre naturel, cette caste de parvenus incultes et rapaces, du moment que sa progéniture vit ailleurs, en Occident, où elle gère et digère l'argent du pillage ? Place à Hocine Malti.
Adresse
à Monsieur le Président de la République
Par
Hocine Malti, 27 mai 2014
Monsieur
le Président de la République,
Vous
venez d’autoriser l’exploration et l’exploitation du gaz de
schiste sur le territoire de notre pays à tous, l’Algérie. Nous
avez-vous consultés, nous les citoyens, avant de prendre une
décision aussi grave ? Avez-vous, ne serait-ce que pour la forme,
consulté la représentation nationale ? Sachant à quel point vous
et le régime dont vous êtes la façade avez travesti les règles de
la démocratie dans notre pays, vous auriez probablement obtenu
l’accord quasi-unanime de ceux qui sont censés nous représenter.
Cela nous aurait cependant permis de repérer les quelques courageux
qui auraient osé vous dire, non. Savez-vous ce qu’est le gaz de
schiste, Monsieur le Président ? Savez-vous comment l’on procède
pour extraire ce gaz de la roche qui le contient ? Savez-vous quels
sont les dangers encourus lors de l’extraction ? Savez-vous de
quelles réserves l’Algérie dispose-t-elle ? Savez-vous qu’elles
seront les retombées financières sur le pays, une fois
l’exploitation entamée ? Savez-vous quelles décisions ont été
prises en la matière par d’autres pays, censés disposer de
réserves importantes de cette ressource ?
Vous
souvenez-vous, Monsieur le Président, de l’ardoise que vous
transportiez dans votre cartable d’écolier ? Imaginez plusieurs
ardoises collées les unes aux autres jusqu’à constituer une
couche épaisse de quelques dizaines de mètres située à deux ou
trois mille mètres sous terre. La roche ainsi constituée s’appelle
schiste. (D’autres roches identiques à l’ardoise de par leur
consistance et leur dureté s’appellent également schiste. Ce sont
celles-ci surtout qui sont présentes au Sahara, mais j’ai choisi
l’ardoise car elle plus parlante pour le commun des mortels.) A
l’intérieur de cette roche se trouvent des milliards de
micropores, voire de nanopores qui contiennent du gaz : c’est le
gaz de schiste. Vous est-il arrivé, Monsieur le Président, de faire
tomber votre ardoise sur le chemin de l’école ? Pouviez-vous dire,
à l’avance, si elle allait se briser en deux, trois ou plusieurs
morceaux ? Et quelles seraient la taille et la forme de ces morceaux
? Bien évidemment, non.
Afin de produire le gaz contenu dans cette roche très peu poreuse, on doit le libérer en provoquant par des techniques particulières un phénomène identique, on doit faire éclater la roche ; en jargon du métier on dit que l’on doit procéder à la fracturation du schiste. Tout comme dans l’exemple de l’ardoise qui se brise, on est dans l’incapacité de dire quel en sera le résultat, mais aussi et surtout, on ne pourra prédire jusqu’à quelle profondeur s’étendra la fracturation. L’opération est d’autant plus incontrôlable qu’elle se déroule dans les entrailles de la terre. On ne sait donc pas si seule la couche de schiste a été fracturée, tout comme on ne sait pas si, ce faisant, les fissures que l’on a créées ne sont pas devenues autant de canaux de communication vers d’autres couches plus poreuses situées au-dessus ou au-dessous de la couche porteuse.
C’est malheureusement ce qui arrive dans la très grande majorité des cas car, sachez Monsieur le Président, que pour extraire le gaz de schiste, on doit pénétrer cette couche par un forage dit horizontal et procéder de proche en proche au plus grand nombre possible de fracturations qui peuvent alors atteindre d’autres niveaux. La fracturation en elle-même se fait par injection à très haute pression d’eau à laquelle on a additionné du sable et des composants chimiques extrêmement nocifs pour la santé des hommes et des animaux, mais aussi pour la végétation ; en effet, certains sont radioactifs, tandis que d’autres sont cancérigènes. Les quantités d’eau utilisées sont de l’ordre de quelques dizaines de milliers de mètres cubes par forage, ce qui est une quantité énorme, vu la rareté de cette denrée précieuse dans les zones arides sahariennes. De retour à la surface après usage, ce mélange eau-produits chimiques est généralement jeté dans la nature.
Comme vous le voyez, Monsieur le Président, on a là un énorme gaspillage d’eau, qui s’infiltrera dans le sol, entraînant sa pollution avec elle et laissant derrière elle d’immenses décharges de produits chimiques. Je dois donc vous dire, Monsieur le Président, que si vous maintenez votre décision, l’Histoire retiendra que vous aurez semé la mort pour plusieurs décennies dans toutes les zones sur lesquelles auront travaillé les compagnies que votre gouvernement aura agrées ; et que vous aurez traité votre peuple de la même manière que l’a traité la puissance colonisatrice dans les années 1960, en procédant à des essais nucléaires au Sahara.
Et ce n’est pas tout. L’eau polluée par les composants chimiques qu’elle contient, injectée sous très haute pression, pénètrera à travers les fractures qu’elle aura créées dans d’autres couches plus perméables et plus poreuses puis migrera probablement vers les trois grandes zones aquifères présentes dans le sous-sol saharien, dont la couche albienne notamment qui contient – je ne sais si vous le savez – des milliers de milliards de mètres cubes d’eau accumulés durant des siècles. C’est cela le plus grand risque que votre décision fait courir à la plus importante richesse que recèle le Sahara.
L’Histoire a déjà enregistré que vous et le système que vous représentez avez privé la génération actuelle d’Algériens du bien-être que leur aurait procuré la manne pétrolière du pays en bradant ses ressources en hydrocarbures [1] afin de satisfaire les appétits des majors pétroliers, américains notamment, dans le but affiché de vous acheter des alliances, mais aussi celui de gonfler les comptes en banque de vos proches et des mafieux qui vous entourent. De même, qu’elle retiendra que, pour les mêmes raisons vous aurez également privé les générations futures de l’eau, source de la vie. Comment peut-on qualifier cela, Monsieur le Président ? Non-assistance à personne en danger ? Crime contre l’Humanité ? Je vous laisse le choix du qualificatif.
Ce n’est pas parce que vous avez donné comme instruction, lors du conseil des ministres du 21 mai 2014 qui a entériné la décision « de veiller à ce que la prospection, et plus tard l’exploitation des hydrocarbures schisteux soient menés en permanence avec le souci de préserver les ressources hydriques et de protéger l’environnement » que vous vous serez délié de toute responsabilité en la matière. Car, plus que la corruption que vous et vos maîtres de l’ombre [2] avez instaurée comme méthode de gouvernance, plus que la maltraitance et le mépris avec lesquels vous avez traité votre peuple durant les quinze années de votre règne –et plus sachant que vous venez d’entamer un quatrième mandat – poussant notamment la jeunesse de ce pays vers l’exil, y compris sur une embarcation de fortune avec la mort au bout du voyage, c’est un crime autrement plus grave que vous allez commettre, Monsieur le Président.
J’espère que vous êtes conscient que l’Histoire retiendra que ce crime vous est imputable à vous et à vous seul, car eux, vos maîtres de l’ombre, s’en laveront les mains bien sûr. D’autant plus que vous n’ignorez pas que les guerres du futur seront des guerres pour l’eau ; mais cela vous n’en avez cure visiblement, car ce ne seront pas vos guerres, ni même celles de votre descendance, car vous n’en avez pas. Au lieu de préserver ce bien précieux pour l’Humanité toute entière et pour des millions d’Algériens qui ne sont pas encore nés, vous nous dites : « Après moi le déluge ! »
Afin de produire le gaz contenu dans cette roche très peu poreuse, on doit le libérer en provoquant par des techniques particulières un phénomène identique, on doit faire éclater la roche ; en jargon du métier on dit que l’on doit procéder à la fracturation du schiste. Tout comme dans l’exemple de l’ardoise qui se brise, on est dans l’incapacité de dire quel en sera le résultat, mais aussi et surtout, on ne pourra prédire jusqu’à quelle profondeur s’étendra la fracturation. L’opération est d’autant plus incontrôlable qu’elle se déroule dans les entrailles de la terre. On ne sait donc pas si seule la couche de schiste a été fracturée, tout comme on ne sait pas si, ce faisant, les fissures que l’on a créées ne sont pas devenues autant de canaux de communication vers d’autres couches plus poreuses situées au-dessus ou au-dessous de la couche porteuse.
C’est malheureusement ce qui arrive dans la très grande majorité des cas car, sachez Monsieur le Président, que pour extraire le gaz de schiste, on doit pénétrer cette couche par un forage dit horizontal et procéder de proche en proche au plus grand nombre possible de fracturations qui peuvent alors atteindre d’autres niveaux. La fracturation en elle-même se fait par injection à très haute pression d’eau à laquelle on a additionné du sable et des composants chimiques extrêmement nocifs pour la santé des hommes et des animaux, mais aussi pour la végétation ; en effet, certains sont radioactifs, tandis que d’autres sont cancérigènes. Les quantités d’eau utilisées sont de l’ordre de quelques dizaines de milliers de mètres cubes par forage, ce qui est une quantité énorme, vu la rareté de cette denrée précieuse dans les zones arides sahariennes. De retour à la surface après usage, ce mélange eau-produits chimiques est généralement jeté dans la nature.
Comme vous le voyez, Monsieur le Président, on a là un énorme gaspillage d’eau, qui s’infiltrera dans le sol, entraînant sa pollution avec elle et laissant derrière elle d’immenses décharges de produits chimiques. Je dois donc vous dire, Monsieur le Président, que si vous maintenez votre décision, l’Histoire retiendra que vous aurez semé la mort pour plusieurs décennies dans toutes les zones sur lesquelles auront travaillé les compagnies que votre gouvernement aura agrées ; et que vous aurez traité votre peuple de la même manière que l’a traité la puissance colonisatrice dans les années 1960, en procédant à des essais nucléaires au Sahara.
Et ce n’est pas tout. L’eau polluée par les composants chimiques qu’elle contient, injectée sous très haute pression, pénètrera à travers les fractures qu’elle aura créées dans d’autres couches plus perméables et plus poreuses puis migrera probablement vers les trois grandes zones aquifères présentes dans le sous-sol saharien, dont la couche albienne notamment qui contient – je ne sais si vous le savez – des milliers de milliards de mètres cubes d’eau accumulés durant des siècles. C’est cela le plus grand risque que votre décision fait courir à la plus importante richesse que recèle le Sahara.
L’Histoire a déjà enregistré que vous et le système que vous représentez avez privé la génération actuelle d’Algériens du bien-être que leur aurait procuré la manne pétrolière du pays en bradant ses ressources en hydrocarbures [1] afin de satisfaire les appétits des majors pétroliers, américains notamment, dans le but affiché de vous acheter des alliances, mais aussi celui de gonfler les comptes en banque de vos proches et des mafieux qui vous entourent. De même, qu’elle retiendra que, pour les mêmes raisons vous aurez également privé les générations futures de l’eau, source de la vie. Comment peut-on qualifier cela, Monsieur le Président ? Non-assistance à personne en danger ? Crime contre l’Humanité ? Je vous laisse le choix du qualificatif.
Ce n’est pas parce que vous avez donné comme instruction, lors du conseil des ministres du 21 mai 2014 qui a entériné la décision « de veiller à ce que la prospection, et plus tard l’exploitation des hydrocarbures schisteux soient menés en permanence avec le souci de préserver les ressources hydriques et de protéger l’environnement » que vous vous serez délié de toute responsabilité en la matière. Car, plus que la corruption que vous et vos maîtres de l’ombre [2] avez instaurée comme méthode de gouvernance, plus que la maltraitance et le mépris avec lesquels vous avez traité votre peuple durant les quinze années de votre règne –et plus sachant que vous venez d’entamer un quatrième mandat – poussant notamment la jeunesse de ce pays vers l’exil, y compris sur une embarcation de fortune avec la mort au bout du voyage, c’est un crime autrement plus grave que vous allez commettre, Monsieur le Président.
J’espère que vous êtes conscient que l’Histoire retiendra que ce crime vous est imputable à vous et à vous seul, car eux, vos maîtres de l’ombre, s’en laveront les mains bien sûr. D’autant plus que vous n’ignorez pas que les guerres du futur seront des guerres pour l’eau ; mais cela vous n’en avez cure visiblement, car ce ne seront pas vos guerres, ni même celles de votre descendance, car vous n’en avez pas. Au lieu de préserver ce bien précieux pour l’Humanité toute entière et pour des millions d’Algériens qui ne sont pas encore nés, vous nous dites : « Après moi le déluge ! »
Monsieur
le Président,
Je
suppose que l’on vous a dit que l’Algérie était classée en
troisième position dans le monde pour ce qui est des réserves de
gaz de schiste. Sachez que les chiffres qui vous ont été avancés
émanent apparemment de rapports établis par le Secrétariat à
l’Energie américain, dans lesquels il est bien spécifié qu’il
s’agit là de réserves non prouvées, qu’elles seraient de
l’ordre de 19 800 milliards de mètres cubes et qu’elles seraient
situées en majorité au sud-est du Sahara dans une zone de 120 000
kms² environ. Aucune étude sérieuse, ni aucun travail de recherche
sur le terrain ne sont venus, à ce jour, confirmer la véracité de
ces chiffres. La lecture de ces rapports, qui utilisent tous des
verbes déclinés au conditionnel, montre d’ailleurs bien que ce ne
sont là que des estimations grossières, basées sur une superficie
calculée très approximativement – je dirais même outrageusement
gonflée – tout comme le sont les autres éléments (épaisseurs
des couches, porosité, etc.), qui entrent en jeu dans les calculs.
On ne peut par conséquent pas bâtir une politique d’exploitation, et encore moins prendre des engagements commerciaux sur la base de chiffres de réserves qui sont loin d’être prouvées, comme l’ont si bien souligné les auteurs des rapports en question. Ce qui est par contre toujours constaté dans le domaine du calcul des réserves en hydrocarbures, c’est que l’on aboutit généralement à des réserves prouvées 2,3 ou 4 fois inférieures, si ce n’est plus, à celles des réserves initialement estimées. Le fait que nous soient répétés sur tous les tons, tant par les responsables de Sonatrach, que par des membres de votre gouvernement, ou par certains médias algériens, des chiffres mirobolants de réserves qui flattent l’égo des Algériens, n’en fait pas pour autant des vérités.
On ne peut par conséquent pas bâtir une politique d’exploitation, et encore moins prendre des engagements commerciaux sur la base de chiffres de réserves qui sont loin d’être prouvées, comme l’ont si bien souligné les auteurs des rapports en question. Ce qui est par contre toujours constaté dans le domaine du calcul des réserves en hydrocarbures, c’est que l’on aboutit généralement à des réserves prouvées 2,3 ou 4 fois inférieures, si ce n’est plus, à celles des réserves initialement estimées. Le fait que nous soient répétés sur tous les tons, tant par les responsables de Sonatrach, que par des membres de votre gouvernement, ou par certains médias algériens, des chiffres mirobolants de réserves qui flattent l’égo des Algériens, n’en fait pas pour autant des vérités.
Saviez-vous,
Monsieur le Président, que la Chine, que les mêmes milieux
pétroliers américains classent en première position dans le monde
pour ce qui est des réserves non prouvées de gaz de schiste, qu’ils
estiment être de 32 000 milliards de mètres cubes, vient de signer
un méga contrat de livraison de gaz naturel avec la Russie, qui lui
livrera à compter de 2018 et pendant 30 ans des quantités qui iront
crescendo jusqu’à atteindre 38 milliards de mètres cubes par an ? Pourriez-vous m’expliquer, Monsieur le Président, pourquoi les
Chinois s’engageraient à ce point avec les Russes alors qu’ils
disposeraient de réserves de gaz de schiste équivalentes à 1000
années d’importation depuis la Russie ?
Visiblement les Chinois sont moins enthousiastes que les Américains sur l’estimation des réserves que recèlerait leur pays, mais surtout refusent de s’engager dans l’exploitation d’une ressource qui, dans les limites des connaissances actuelles, est dangereuse pour l’homme et son environnement, quitte à payer une énorme facture aux Russes.
Pourriez-vous me dire aussi, Monsieur le Président, pourquoi la France, qui posséderait elle aussi des réserves importantes de gaz de schiste, a adopté un moratoire qui en interdit l’exploitation sur le sol français, tant que la technologie n’aura pas suffisamment évolué et permettra de protéger le peuple français contre un désastre écologique ? Quitte à continuer à payer dans ce cas-là aussi d’importantes factures à la Russie et à l’Algérie.
Face à une telle interdiction, le groupe Total se dit alors : « Si on ne peut pas le faire chez nous, pourquoi n’utiliserions-nous pas comme laboratoire des pays moins regardants en la matière, tels que l’Algérie ? » et décida donc de venir polluer notre Sahara et semer la mort dans notre pays. Puis, au passage, Total testera de nouvelles techniques, moins polluantes, moins mortelles, qu’il utilisera en France lorsqu’il les aura mises au point et qu’il nous vendra très cher ce jour-là. Total n’est pas le seul groupe pétrolier à vouloir se lancer dans l’aventure du gaz de schiste en dehors des frontières de son pays. Les majors anglo-saxons en font de même.
Visiblement les Chinois sont moins enthousiastes que les Américains sur l’estimation des réserves que recèlerait leur pays, mais surtout refusent de s’engager dans l’exploitation d’une ressource qui, dans les limites des connaissances actuelles, est dangereuse pour l’homme et son environnement, quitte à payer une énorme facture aux Russes.
Pourriez-vous me dire aussi, Monsieur le Président, pourquoi la France, qui posséderait elle aussi des réserves importantes de gaz de schiste, a adopté un moratoire qui en interdit l’exploitation sur le sol français, tant que la technologie n’aura pas suffisamment évolué et permettra de protéger le peuple français contre un désastre écologique ? Quitte à continuer à payer dans ce cas-là aussi d’importantes factures à la Russie et à l’Algérie.
Face à une telle interdiction, le groupe Total se dit alors : « Si on ne peut pas le faire chez nous, pourquoi n’utiliserions-nous pas comme laboratoire des pays moins regardants en la matière, tels que l’Algérie ? » et décida donc de venir polluer notre Sahara et semer la mort dans notre pays. Puis, au passage, Total testera de nouvelles techniques, moins polluantes, moins mortelles, qu’il utilisera en France lorsqu’il les aura mises au point et qu’il nous vendra très cher ce jour-là. Total n’est pas le seul groupe pétrolier à vouloir se lancer dans l’aventure du gaz de schiste en dehors des frontières de son pays. Les majors anglo-saxons en font de même.
Alors de grâce, Monsieur le Président, évitez à ce pauvre peuple algérien une nouvelle catastrophe. Ne trouvez-vous pas qu’il a suffisamment souffert après avoir subi 132 années de colonialisme, après avoir payé un lourd tribu de quelques centaines de milliers de morts durant les 7 années et demie de la guerre de libération, après que 200 000 de ses enfants ont laissé leurs vies lors d’une guerre civile qui ne dit pas son nom, après que votre régime a décidé d’innocenter les auteurs de tous bords des atrocités commises durant cette période, puis enfin après que la Cosa Nostra qui constitue l’ossature de votre pouvoir a dépouillé, avec votre bénédiction, ce pauvre peuple d’une richesse que la Nature a attribuée à toute la nation algérienne et pas uniquement à la caste que vous et vos maîtres de l’ombre avez constituée autour de vous ? Le gaz de schiste présent dans notre pays n’est pas votre propriété privée, vous ne pouvez donc pas en disposer et l’utiliser comme bon vous semble, comme vous le faites, Monsieur le Président.
Venons-en
maintenant à l’aspect économique de la question. Aux Etats-Unis,
pays pionnier en ce domaine, nombre de compagnies ont démarré voici
plusieurs années une telle activité. Pour des raisons purement
économiques bien entendu, puisqu’il n’y a - nous le savons tous
- qu’un seul dieu qu’elles adorent, un dieu qui s’appelle
Dollar. Or, les dollars n’étaient pas au rendez-vous, en tout cas
pas autant qu’elles l’auraient souhaité. Pour une raison bien
simple : les découvertes qu’elles avaient faites ne constituaient
pas des gisements au sens où on l’entend habituellement ; ce ne
sont que des poches de gaz qui recèlent des quantités qui ne
justifient pas les énormes investissements qu’elles ont consentis
pour les exploiter.
Ceci est, sachez-le Monsieur le Président, un phénomène normal et connu en la matière, car la technique utilisée à ce jour ne permet de fracturer qu’une zone limitée et de ne drainer donc qu’un volume relativement restreint de gaz. Si l’on veut produire plus, il faudrait forer un nombre beaucoup plus grand de puits horizontaux, donc plus compliqués et plus chers, ce qui rendrait l’opération non rentable. Tant et si bien que nombreuses sont celles parmi ces compagnies, qui avaient sollicité des crédits bancaires pour lancer leurs opérations, qui aujourd’hui éprouvent de grosses difficultés à honorer leurs engagements de remboursement. Certaines ont dû tout simplement mettre la clé sous le paillasson, cesser toute exploitation de gaz de schiste. Certains experts disent même que cette histoire de gaz de schiste n’est, dans l’état actuel des connaissances, qu’une opération purement spéculative, une bulle qui finira par éclater un jour.
Pourquoi, me diriez-vous alors, voudraient-elles démarrer en Algérie, une activité similaire à celle qui n’avait pas fonctionné comme elles l’auraient voulu chez elles ? Elles pensent probablement, que la configuration géologique du Sahara, la nature des roches qu’on y rencontre et la sédimentation qu’elles ont subie durant plusieurs millénaires rendent les gisements plus prolifiques qu’ils ne le sont dans les Montagnes Rocheuses du Colorado ou dans les plaines de l’Oklahoma. Elles sont surtout convaincues que la règlementation algérienne en matière d’écologie et d’environnement – dans la mesure où il en existe une - est moins contraignante qu’elle ne l’est aux Etats-Unis, ce qui rendrait rentable l’exploitation. Et puis, elles savent, qu’en tout état de cause, un gros paquet de dollars versés au compte du « parrain » du secteur, intronisé par votre régime, permettra de régler la question. Enfin, la dernière raison qui pousserait ces entreprises à venir exploiter notre gaz de schiste est celle déjà évoquée plus haut, à savoir que l’Algérie constituerait pour elles un laboratoire d’essais.
Quoiqu’il en soit, sachez Monsieur le Président, que les techniques que l’on utilise jusqu’à ce jour pour extraire le gaz de schiste en font une activité dévoreuse de capitaux. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que des milliards de dollars se mettent à pleuvoir sur les caisses du Trésor algérien, comme on vous l’a fait peut-être miroiter. On n’est pas aujourd’hui, comme on l’était en 1956, à la veille de la découverte d’un nouvel Eldorado au Sahara. Aussi, vous dirais-je que si ce qui motive votre décision c’est - comme je le suppose - le fait que l’Algérie va se trouver très bientôt dans l’impossibilité d’honorer ses engagements en matière de livraison de gaz naturel au marché intérieur et à l’exportation, la parade est pourtant simple. Engagez, tout d’abord, Monsieur le Président, une lutte impitoyable contre la corruption dans le secteur pétrolier, dans celui de la construction des autoroutes ou celui des caisses agricoles et vous économiserez immédiatement et au minimum, une bonne dizaine de milliards de dollars par an, qui viendront compenser les pertes qui résulteraient d’une éventuelle non livraison de gaz à certains clients.
Demandez l’avis de Chakib Khelil, de Amar Ghoul, de Amar Saâdani et celui de votre frère Saïd sur la question, ils vous éclaireront certainement plus que je ne peux le faire Entreprenez également et dans les plus brefs délais une étude sérieuse du modèle énergétique que devrait adopter l’Algérie. Vous constaterez que l’on y produit des quantités de pétrole et de gaz qui ne sont nullement en adéquation avec les besoins financiers réels du pays, qu’une énorme gabegie règne dans ce secteur, que les recettes engrangées par les ventes d’hydrocarbures ne sont qu’un grand cache-misère qui donne l’impression que les Algériens vivent dans l’opulence, si l’on se réfère à la quantité et à la variété des produits que l’on trouve sur le marché. L’essentiel et le superflu, mais le tout entièrement manufacturé ailleurs.
Vous parlez de plans quinquennaux ? Faites alors en sorte que par une série de mesures que vous adopterez dans le cadre de ces plans, une partie au moins de ces marchandises soit produite dans le pays. Et puis posez-vous la question, Monsieur le Président : l’Algérie est-elle condamnée à demeurer ad vitam aeternam un simple fournisseur d’énergie ? Et même si la réponse à cette question était « Oui », ce dont je doute personnellement, n’existe-t-il pas dans le pays d’autres sources d’énergie que les hydrocarbures, qu’ils soient conventionnels ou non ? Quid par exemple de l’énergie solaire dans un pays dont les 4/5 de la superficie sont inondés de soleil pratiquement 365 jours par an ?
Ceci est, sachez-le Monsieur le Président, un phénomène normal et connu en la matière, car la technique utilisée à ce jour ne permet de fracturer qu’une zone limitée et de ne drainer donc qu’un volume relativement restreint de gaz. Si l’on veut produire plus, il faudrait forer un nombre beaucoup plus grand de puits horizontaux, donc plus compliqués et plus chers, ce qui rendrait l’opération non rentable. Tant et si bien que nombreuses sont celles parmi ces compagnies, qui avaient sollicité des crédits bancaires pour lancer leurs opérations, qui aujourd’hui éprouvent de grosses difficultés à honorer leurs engagements de remboursement. Certaines ont dû tout simplement mettre la clé sous le paillasson, cesser toute exploitation de gaz de schiste. Certains experts disent même que cette histoire de gaz de schiste n’est, dans l’état actuel des connaissances, qu’une opération purement spéculative, une bulle qui finira par éclater un jour.
Pourquoi, me diriez-vous alors, voudraient-elles démarrer en Algérie, une activité similaire à celle qui n’avait pas fonctionné comme elles l’auraient voulu chez elles ? Elles pensent probablement, que la configuration géologique du Sahara, la nature des roches qu’on y rencontre et la sédimentation qu’elles ont subie durant plusieurs millénaires rendent les gisements plus prolifiques qu’ils ne le sont dans les Montagnes Rocheuses du Colorado ou dans les plaines de l’Oklahoma. Elles sont surtout convaincues que la règlementation algérienne en matière d’écologie et d’environnement – dans la mesure où il en existe une - est moins contraignante qu’elle ne l’est aux Etats-Unis, ce qui rendrait rentable l’exploitation. Et puis, elles savent, qu’en tout état de cause, un gros paquet de dollars versés au compte du « parrain » du secteur, intronisé par votre régime, permettra de régler la question. Enfin, la dernière raison qui pousserait ces entreprises à venir exploiter notre gaz de schiste est celle déjà évoquée plus haut, à savoir que l’Algérie constituerait pour elles un laboratoire d’essais.
Quoiqu’il en soit, sachez Monsieur le Président, que les techniques que l’on utilise jusqu’à ce jour pour extraire le gaz de schiste en font une activité dévoreuse de capitaux. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que des milliards de dollars se mettent à pleuvoir sur les caisses du Trésor algérien, comme on vous l’a fait peut-être miroiter. On n’est pas aujourd’hui, comme on l’était en 1956, à la veille de la découverte d’un nouvel Eldorado au Sahara. Aussi, vous dirais-je que si ce qui motive votre décision c’est - comme je le suppose - le fait que l’Algérie va se trouver très bientôt dans l’impossibilité d’honorer ses engagements en matière de livraison de gaz naturel au marché intérieur et à l’exportation, la parade est pourtant simple. Engagez, tout d’abord, Monsieur le Président, une lutte impitoyable contre la corruption dans le secteur pétrolier, dans celui de la construction des autoroutes ou celui des caisses agricoles et vous économiserez immédiatement et au minimum, une bonne dizaine de milliards de dollars par an, qui viendront compenser les pertes qui résulteraient d’une éventuelle non livraison de gaz à certains clients.
Demandez l’avis de Chakib Khelil, de Amar Ghoul, de Amar Saâdani et celui de votre frère Saïd sur la question, ils vous éclaireront certainement plus que je ne peux le faire Entreprenez également et dans les plus brefs délais une étude sérieuse du modèle énergétique que devrait adopter l’Algérie. Vous constaterez que l’on y produit des quantités de pétrole et de gaz qui ne sont nullement en adéquation avec les besoins financiers réels du pays, qu’une énorme gabegie règne dans ce secteur, que les recettes engrangées par les ventes d’hydrocarbures ne sont qu’un grand cache-misère qui donne l’impression que les Algériens vivent dans l’opulence, si l’on se réfère à la quantité et à la variété des produits que l’on trouve sur le marché. L’essentiel et le superflu, mais le tout entièrement manufacturé ailleurs.
Vous parlez de plans quinquennaux ? Faites alors en sorte que par une série de mesures que vous adopterez dans le cadre de ces plans, une partie au moins de ces marchandises soit produite dans le pays. Et puis posez-vous la question, Monsieur le Président : l’Algérie est-elle condamnée à demeurer ad vitam aeternam un simple fournisseur d’énergie ? Et même si la réponse à cette question était « Oui », ce dont je doute personnellement, n’existe-t-il pas dans le pays d’autres sources d’énergie que les hydrocarbures, qu’ils soient conventionnels ou non ? Quid par exemple de l’énergie solaire dans un pays dont les 4/5 de la superficie sont inondés de soleil pratiquement 365 jours par an ?
À
tous les Algériens : arrêtez la minuterie de cette bombe à
retardement
C’est
maintenant à vous, mes compatriotes que je m’adresse. C’est pour
faire savoir à toutes les Algériennes et à tous les Algériens
quel sera le triste sort que réserve le régime en place aux
générations futures, que j’ai interpellé d’une manière aussi
violente, dira-t-on peut-être, le Président de la République.
C’est animé d’une grande révolte et avec une énorme tristesse
sur le coeur que j’ai écrit ces lignes. Encore que je n’ai pas
décrit tous les dangers qui guettent notre pays et notre peuple.
D’autres que moi se sont exprimés sur la question ces derniers
temps ; il suffit simplement de lire ce qui a été publié sur le
sujet par la presse algérienne dans le courant de la semaine écoulée
pour se rendre compte que je n’ai nullement exagéré la
description de la bombe à retardement que le gouvernement vient de
planter au coeur du système hydrique de notre pays. Comme toute
bombe à retardement, ce n’est pas dans l’immédiat qu’elle
explosera ; c’est sur la durée que se feront sentir ses effets.
Celle-ci est particulièrement traîtresse et pernicieuse ; c’est
petit à petit et par petites doses presque imperceptibles qu’elle
distillera son poison. Mais une fois qu’elle aura entamé son
processus de destruction, plus rien ni personne ne l’arrêtera. Ce
sera l’apocalypse, mais ce sera trop tard.
C’est pourquoi je dis à tous les Algériens que c’est maintenant qu’il faut agir, c’est aujourd’hui qu’il faut empêcher qu’un tel crime soit commis contre notre descendance, contre nos enfants, contre nos petits-enfants et contre ceux qui arriveront plus tard. Je sais que les termes que j’ai utilisés sont très durs et je sais que je prends des risques en dénonçant de cette manière l’infamie que le régime s’apprête à accomplir en notre nom à tous. Je sais que l’on va m’accuser de tous les maux et de tous les vices de la terre. On les inventera s’il le faut. Je n’irai pas jusqu’à dire comme Amar Saâdani que s’il devait m’arriver quelque chose, c’est Tewfik ou quelqu’un d’autre qui en sera responsable. Je ne pouvais cependant pas me taire, car je sais quelles seront, sur le long terme, les conséquences de la décision prise lors de la dernière séance du conseil des ministres.
C’est pourquoi je dis aux Algériens, à tous les Algériens, indignez-vous. Faites des pétitions, faites des manifestations, faites en sorte que le Président de la République renonce à cette fausse bonne idée d’accorder son feu vert à l’exploitation du gaz de schiste. Agissez de telle manière qu’il fasse ce qu’il a été poussé à faire en 2006 quand sous la pression à laquelle il a été soumis de toutes parts, il a été amené à renoncer à mettre en vigueur la loi scélérate sur les hydrocarbures de Chakib Khelil et ce malgré le soutien de la première puissance mondiale. Je suis pour ma part fier d’avoir alors participé par certains de mes écrits, pour une part aussi minime soit-elle, à la victoire qui a permis au peuple algérien de préserver ses richesses en hydrocarbures de la prédation par les multinationales pétrolières à laquelle les avait condamnées cette loi.
C’est pourquoi je dis à tous les Algériens que c’est maintenant qu’il faut agir, c’est aujourd’hui qu’il faut empêcher qu’un tel crime soit commis contre notre descendance, contre nos enfants, contre nos petits-enfants et contre ceux qui arriveront plus tard. Je sais que les termes que j’ai utilisés sont très durs et je sais que je prends des risques en dénonçant de cette manière l’infamie que le régime s’apprête à accomplir en notre nom à tous. Je sais que l’on va m’accuser de tous les maux et de tous les vices de la terre. On les inventera s’il le faut. Je n’irai pas jusqu’à dire comme Amar Saâdani que s’il devait m’arriver quelque chose, c’est Tewfik ou quelqu’un d’autre qui en sera responsable. Je ne pouvais cependant pas me taire, car je sais quelles seront, sur le long terme, les conséquences de la décision prise lors de la dernière séance du conseil des ministres.
C’est pourquoi je dis aux Algériens, à tous les Algériens, indignez-vous. Faites des pétitions, faites des manifestations, faites en sorte que le Président de la République renonce à cette fausse bonne idée d’accorder son feu vert à l’exploitation du gaz de schiste. Agissez de telle manière qu’il fasse ce qu’il a été poussé à faire en 2006 quand sous la pression à laquelle il a été soumis de toutes parts, il a été amené à renoncer à mettre en vigueur la loi scélérate sur les hydrocarbures de Chakib Khelil et ce malgré le soutien de la première puissance mondiale. Je suis pour ma part fier d’avoir alors participé par certains de mes écrits, pour une part aussi minime soit-elle, à la victoire qui a permis au peuple algérien de préserver ses richesses en hydrocarbures de la prédation par les multinationales pétrolières à laquelle les avait condamnées cette loi.
Alors
je vous dis, Algériennes, Algériens, unissez-vous, obligez le
pouvoir en place à renoncer à ce suicide collectif qu’il cherche
à nous imposer. Indignez-vous ! Indignez-vous ! Indignez-vous !
Documents
joints
GAZ
DE SCHISTE, SUICIDE ANTINATIONAL : C’EST MAINTENANT QU’IL FAUT
AGIR ! (PDF – 386 ko)
ALGÉRIENS,
INDIGNEZ-VOUS … ! - Adresse à Monsieur le Président de la
République - Par Hocine Malti - le 27 mai 2014
Notes
[1]
Voir « Sonatrach, 50 ans après » , par Hocine Malti, in mon blog
sur “Mediapart”, in “Algeria Watch”, 22 décembre 2013, in
“El Watan”, 23 décembre 2013 et autres.
[2]
Il s’agit, vous m’avez compris, des généraux janviéristes qui
vous ont installé à la tête de l’Etat.
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